Preuve et choix du lien entre soumissionnaire et entités partenaires

Dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public de travaux, une entité locale lettonne, particulièrement soucieuse de s’assurer de la capacité technique et financière du soumissionnaire à exécuter le marché, prévoyait dans son cahier des charges que ce dernier devrait “avant la conclusion du contrat, conclure un accord de partenariat avec ces entrepreneurs et communiquer le dit accord au pouvoir adjudicateur” tout en détaillant le contenu de ce document.

La contestation du soumissionnaire a donné lieu à une question préjudicielle quant à l’interprétation des articles 47 et 48 de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 qui, rappelons-le, précisent qu’un candidat peut “faire valoir  les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur que, pour l’exécution du marché, il disposera des moyens nécessaires“.

La Cour de justice de l’Union européenne n’a pas manqué de saisir cette occasion pour clarifier les modalités selon lesquelles les candidats à des marchés publics peuvent faire valoir les capacités d’éventuels autres opérateurs économiques sur lesquels ils s’appuient dans un arrêt du 14 janvier 2016 (CJUE, 14 janvier 2016, “Ostas celtnieks” SIA, aff. C-234/14).

La Cour procède à un raisonnement en trois temps:

  • certes, il incombe au pouvoir adjudicateur “de procéder à la vérification de l’aptitude du soumissionnaire à exécuter un marché déterminé“;
  • toutefois, la directive ne permet “ni de présumer qu’un tel soumissionnaire dispose ou non des moyens nécessaires à l’exécution du marché ni, à plus forte raison, d’exclure a priori certains modes de preuve” conformément à la jurisprudence antérieure sur ce point (CJUE, Holst italia, C-176/98);
  • par conséquent, le soumissionnaire “est libre de choisir, d’une part, la nature juridique des liens qu’il entend établir avec les autres entités dont il fait valoir les capacités et, d’autre part, le mode de preuve de l’existence de ces liens”.

La Cour en déduit que le cahier des charges présenté au cas d’espèce, qui ne prévoit que deux modalités de preuve de sa compétence à l’exclusion de tout autre mode de preuve,  conduit à “vider de tout effet utile” les dispositions susmentionnées de la directive.

Certes, la volonté clairement affichée de l’entité locale était de “réduire le risque d’inexécution du marché” dans un contexte économique européen où les abandons de chantier au titre de la défaillance des entreprises titulaires ne cessent de croître. Mais la CJUE considère ici que cette motivation pragmatique ne doit pas porter atteinte à “l’objectif d’ouverture des marchés publics à la concurrence la plus large possible” ainsi qu’à la nécessité de “faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises“.

A noter que ce raisonnement semble parfaitement transposable à la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 dont l’article 63 est rédigé de manière tout à fait similaire à la directive précédente sur ce point.