Procédure d’adoption du schéma régional de cohérence écologique (SRCE) d’avant la loi NOTRe : le juge donne un tour de vis justifiant une grande prudence, notamment pour les futurs SRADDET

 

Procédure d’adoption du schéma régional de cohérence écologique (SRCE) d’avant la loi NOTRe : le juge donne un tour de vis justifiant une grande prudence, notamment pour les futurs SRADDET

 

 

I. le SRCE est devenu un élément du SRADDET

Le schéma régional de cohérence écologique (SRCE), prévu par l’article L. 371-3 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable avant la loi n°2015-991 du 7 août 2015, était un document de planification co- approuvé par la Région et par le représentant de l’Etat dans la région.

Il a été remplacé pour devenir un élément du SRADDET.

Le SRADDET fixe des objectifs, de moyen et long termes sur le territoire de la région, déterminés dans le respect des principes mentionnés à l’article L. 102-2 du code de l’urbanisme (cf point 28) et dans l’ambition d’une plus grande égalité des territoires (L. 4251-1 al 5 CGCT).

Le SRADDET énonce les règles générales, permettant d’atteindre ses objectifs, sans méconnaitre les compétences de l’Etat et des autres collectivités territoriales (L. 4251-1 al 7 CGCT).

Ce document, aux objectifs nombreux, et aux domaines d’application très large : il fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière (art L. 4251-1 CGCT) :

  • Egalité des territoires ;
  • Transport mobilité ;
  • Climat Air Energie ;
  • Biodiversité Eau ;
  • Déchets ;
  • Habitat ;
  • Gestion économe de l’espace.

II. Le TA de Lille a annulé un SRCE avec une grande sévérité de raisonnement

 

Or, le TA de Lille a décidé d’annuler un SRCE avec une grande sévérité de raisonnement. Citons le résumé que fait le TA lui-même de son jugement :

« L’article L. 122-4 du code de l’environnement, issu de la transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, soumet ce schéma à évaluation environnementale. Le 14° du I de l’article R. 122-17 de ce code, pris pour l’application de l’article L. 122-4, et issu du décret n°2012-616 du 2 mai 2012, désigne le préfet de région comme autorité environnementale compétente pour donner son avis sur le plan dans le cadre de l’évaluation environnementale.

« En confiant à la même autorité la compétence pour élaborer et approuver les plans et documents et la compétence consultative en matière environnementale au 14° du I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement, sans prévoir de dispositions de nature à garantir que la compétence consultative en matière environnementale serait exercée, au sein de cette autorité, par une entité disposant d’une autonomie effective, le décret du 2 mai 2012 instituant ces dispositions a méconnu les exigences découlant du paragraphe 3 de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001. 

« Dès lors, l’illégalité du 14° du I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement entache d’une irrégularité substantielle la procédure d’élaboration du SRCE.»

Ajoutons qu’en veine de sévérité, le TA de Lille a aussi refusé que les effets de l’annulation du SRCE soient reportés jusqu’à l’approbation du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADET), issu de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 (pas d’application de la jurisprudence AC! (CE, Ass., 11 mai 2004, n° 255886, 255887, 255888, 255889, 255890, 255891 et 255892)… donc.

Et le TA de continuer avec sévérité :

« Il appartient aux juridictions administratives devant lesquelles il serait soutenu à bon droit qu’un plan ou programme pris en application du décret attaqué ou qu’un acte pris sur le fondement d’un de ces plans ou programmes est illégal au motif qu’il a été pris sur le fondement des dispositions en cause du décret du 2 mai 2012 ou que la procédure d’adoption du plan ou programme a méconnu la directive du 27 juin 2001, d’apprécier s’il y a lieu de maintenir provisoirement en vigueur l’acte attaqué et de vérifier, à ce titre, si les conditions posées par la CJUE dans son arrêt C-41/11 du 28 février 2012 Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne sont remplies. (2)

« Il est nécessaire, à cet égard, en premier lieu, que la disposition du droit national attaquée constitue une mesure de transposition correcte du droit de l’Union en matière de protection de l’environnement. Il faut, en deuxième lieu, que l’adoption et l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition du droit national ne permettent pas d’éviter les effets préjudiciables sur l’environnement découlant de l’annulation de la disposition du droit national attaquée. Il faut, en troisième lieu, que l’annulation de cette dernière ait pour conséquence de créer un vide juridique en ce qui concerne la transposition du droit de l’Union en matière de protection de l’environnement qui serait plus préjudiciable à celui-ci, en ce qu’elle se traduirait par une protection moindre et irait ainsi à l’encontre même de l’objectif essentiel du droit de l’Union. Il faut, enfin, et en quatrième lieu, qu’un maintien exceptionnel des effets de la disposition du droit national attaquée ne couvre que le laps de temps strictement nécessaire à l’adoption des mesures permettant de remédier à l’irrégularité constatée. (2)

« Appliquant ces principes au litige qui lui est soumis, le tribunal relève, d’une part que la seule circonstance, mise en avant par le préfet de région, qu’il faudra plusieurs années pour que le SRADET soit adopté puis pour que les schémas de cohérence territoriale et, à défaut, les plans locaux d’urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, ainsi que les plans de déplacements urbains, les plans climat-air-énergie territoriaux et les chartes des parcs naturels régionaux soient mis en compatibilité avec ce document, ne suffit pas à caractériser une considération impérieuse liée à la protection de l’environnement justifiant que les actes attaqués soient provisoirement maintenus en vigueur. D’autre part, le préfet ne caractérise pas suffisamment une considération impérieuse liée à la protection de l’environnement justifiant que les actes attaqués soient provisoirement maintenus en vigueur par la seule mention selon laquelle un retard de plusieurs années dans la mise en œuvre des continuités écologiques entraînerait des dommages potentiellement irréversibles pour la biodiversité régionale, en particulier pour la flore. Enfin, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n’est d’ailleurs pas allégué que les schémas régionaux de cohérence territoriale constitueraient des mesures de transposition du droit de l’Union en matière d’environnement.»

« Dès lors, les conditions posées par la CJUE dans son arrêt C-41/11 du 28 février 2012 ne sont pas remplies, et les conclusions tendant à l’annulation différée du SRCE sont rejetées.»
(1) CE, 26 juin 2015, Association France nature environnement, n°360212
(2) CE, 3 novembre 2016, Association France nature environnement, n°360212

Source : TA Lille, 26 janvier 2017, FRSEA et M. V… n°1409305, 1500282, C+:

1409305 1500282 jugement SRCE

 

 

III. Mais bonne nouvelle, la procédure ayant depuis été corrigée, cette fragilité ne devrait pas entacher les procédures de SRADDET

 

Il ressort de l’article R.122-17 I 38 ° queux Code de l’environnement que le SRADDET doit faire l’objet d’une évaluation environnementale. A ce titre ce même article, prévoit au point IV que l’autorité environnementale en la matière est

« la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable »

 

En vertu du décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le Conseil général de l’environnement et du développement durable est placé sous l’autorité directe du ministre chargé de l’environnement et du développement durable qui le préside.

 

L’article 3 dudit décret prévoit les condition d’intervention de la formation du CGEDD :

« La formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable exerce les attributions de l’ autorité environnementale fixées au II de l’article R. 122-6 et à l’article R. 122-17 du code de l’environnement ainsi qu’à l’article R. 104-21 du code de l’urbanisme. Cette même formation exerce également, par délégation du ministre chargé de l’environnement, les compétences que tient ce dernier du I de l’article R. 122-6 du code de l’environnement.
Les missions régionales d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable exercent les attributions de l’ autorité environnementale fixées au III de l’article R. 122-6 et au III de l’article R. 122-17 du code de l’environnement et à l’article R. 104-21 du code de l’urbanisme.
Dans chaque région, la mission régionale bénéficie de l’appui technique d’agents du service régional chargé de l’environnement dans les conditions fixées à l’article R. 122-24 du code de l’environnement. »

 

Enfin, l’article 11 prévoit la composition de la formation d’autorité environnementale :

« La formation d’autorité environnementale est composée de membres du conseil, permanents ou associés, désignés par le ministre chargé de l’environnement en raison de leurs compétences en matière d’environnement, sur proposition du vice-président formulée après concertation avec le commissaire général au développement durable et avis du bureau. Son président est désigné dans les mêmes conditions parmi les membres permanents. Sauf circonstances exceptionnelles, l’effectif des membres associés de cette formation est au plus égal au tiers de l’effectif des membres qui la composent.
Les missions régionales d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable sont composées, chacune, de membres permanents du conseil et de membres associés, désignés dans les conditions fixées au premier alinéa. Les membres associés, au nombre de deux dans les régions métropolitaines et au nombre de un et dans les régions d’outre-mer, sont choisis en raison de leurs compétences en matière d’environnement et de leur connaissance des enjeux environnementaux de la région concernée. Dans chaque mission régionale, les membres permanents sont en nombre au moins égal à celui des membres associés. Des membres suppléants peuvent être désignés dans les mêmes conditions.
Au sein de chaque mission régionale, un président, choisi parmi ses membres permanents, est désigné dans les mêmes conditions qu’au premier alinéa. En cas de partage des voix, sa voix est prépondérante.
Les autres règles relatives aux délibérations des missions régionales, notamment de quorum, sont fixées par le règlement intérieur mentionné à l’article 16.
Le président de la formation d’autorité environnementale s’assure du bon exercice de la fonction d’autorité environnementale mentionnée à l’article 3.
Les fonctions de membre associé de la formation nationale et des missions régionales donnent lieu à indemnité. »

Donc a priori les craintes soulevées par le jugement du TA de Lille peuvent être écartées s’agissant des SRADDET… MAIS BON PRUDENCE TOUT DE MÊME… 

 

 

NB : merci à Yann Landot et à Margaux Davrainville pour leur relecture et compléments.