Affichage publicitaire : sécurité routière ou sécurité juridique, il faut choisir

Dans le passé, le juge administratif a pu ne pas censurer des prescription en matière de réglementation locale de l’affichage et de la publicité extérieure.

Ainsi le CE a-t-il posé que :

« que la circonstance que les prescriptions applicables le long de la rue de Rennes auront également pour effet d’améliorer la sécurité de la circulation sur cette voie n’est pas révélatrice d’un tel détournement ;»

 

N.B. : sur toutes ces questions, voir l’excellent fascicule 713-20 du JurisClasseur Collectivités territoriales, M. Jean-Philippe Strebler.

Mais qu’une telle réglementation ait un impact secondaire en matière de sécurité routière est une chose. Que cette réglementation ait eu pour but principal, semble-t-il, de porter sur la sécurité routière en est une autre. Car, qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore (et nous nous rangeons résolument dans cette seconde catégorie !), force est de constater que la sécurité routière n’est pas au nombre des objectifs qui peuvent être poursuivis légalement par ce régime, en tous cas selon la CAA de Bordeaux.

L’article L. 581-2 du code de l’environnement (voir aussi les articles R. 581-72 et suivants de ce même code ainsi que son article L. 581-9) dispose en effet que :

« Afin d’assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d’Etat. Ses dispositions ne s’appliquent pas à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes situées à l’intérieur d’un local, sauf si l’utilisation de celui-ci est principalement celle d’un support de publicité.»

 

Bref, ce régime vise à des buts relatifs au cadre de vie, ce qui n’inclut pas la sécurité routière, ou pas en tant que but principal de la décision prise, selon la CAA de Bordeaux :

« 8. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 581-2 du code de l’environnement que la police spéciale de la publicité a pour finalité la protection du cadre de vie. Si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’autorité compétente pour réglementer l’installation de dispositifs de publicité, enseignes et préenseignes prenne aussi en compte, outre la protection du cadre de vie, l’intérêt de la sécurité routière, cet intérêt, qui ne peut être regardé comme une simple composante de la préservation du cadre de vie ou de la prévention des dangers ou troubles excessifs aux personnes et à l’environnement visés par les dispositions précitées concernant les émissions de lumière artificielle, ne peut, comme le soutient la société Cocktail développement, légalement constituer le but déterminant d’une mesure de réglementation prise par l’autorité en charge de la police de la publicité. Il ressort en l’espèce des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du règlement en litige et des écritures de la communauté d’agglomération d’Agen, que la préservation de la sécurité de la circulation routière a constitué le but déterminant des mesures consistant à interdire les dispositifs numériques à l’abord de plusieurs carrefours routiers du territoire concerné. Dans ces conditions, le but de cette interdiction, qui ne pouvait relever que de l’exercice des pouvoirs de police générale de la circulation, incombant notamment au maire au nom de la commune, est entaché d’illégalité.

« 9. Il résulte de ce qui précède que la communauté d’agglomération d’Agen n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé l’annulation de la délibération contestée en tant qu’elle porte approbation des dispositions des articles A-7 et A-9 interdisant les dispositifs numériques à certains emplacements du territoire de la commune d’Agen, lesquelles présentent le caractère de dispositions divisibles des autres dispositions du règlement de publicité intercommunal. »

On notera que cette position (assez logique quoiqu’un tantinet rigide car la notion de cadre de vie aurait pu donner lieu à interprétations en raison de son flou même) est tempérée en l’espèce par une acceptation (là encore logique) de la divisibilité des décisions querellées.

 

Voir :

CAA Bordeaux, 4 décembre 2018, Communauté d’agglomération d’Agen, n° 16BX03856, C+

 

 

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