Par un important arrêt Centre hospitalier de Sedan en date du 5 juin 2019 (req. n° 412732), le Conseil d’État indique qu’un employeur public peut conclure avec un agent public une transaction sous réserve de la licéité de son objet, de l’existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l’ordre public, incluant non seulement la demande qui tend à la réparation des préjudices résultant de son éventuelle illégalité, mais aussi la demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision litigieuse.
En l’espèce, M. B…, agent titulaire au centre hospitalier de Sedan, a été victime le 7 novembre 2007 d’un accident l’ayant blessé au genou gauche, reconnu imputable au service. A la suite d’un nouvel accident survenu le 27 juillet 2010, une algodystrophie du genou gauche et une gonarthrose ont été diagnostiquées. Suivant l’avis de la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier de Sedan a écarté l’imputabilité au service du second accident, par une décision en date du 30 juin 2011. M. B…a été placé en disponibilité d’office à compter de la date de l’accident par une décision du 16 septembre 2011, conformément à l’avis du comité médical.
Par une décision du 30 mai 2013, le centre hospitalier de Sedan, suivant l’avis de la commission de réforme, a admis l’intéressé à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2012.
M. B… a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision du 30 mai 2013. Au cours de l’instance devant le tribunal administratif, M. B… et le centre hospitalier ont conclu un protocole transactionnel en date du 6 novembre 2014, lequel fait notamment état du recours engagé par M. B…contre la décision du 30 mai 2013, prévoit que “les parties se déclarent entièrement remplies de leur droit et s’engagent à se désister, en tant que de besoin et à renoncer expressément à toutes instances et actions passées, présentes ou à venir et qui trouveraient leur fondement dans la formation, l’exécution ou la rupture des relations de travail ayant existé entre elles” et stipule qu’ “il est définitivement mis un terme à tous les litiges ayant opposé les parties“.
Le tribunal administratif ayant annulé la décision du 30 mai 2013, le centre hospitalier a interjeté appel. Il a alors produit le protocole transactionnel et demandé à la cour administrative d’appel d’en déduire qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de M. B….
Toutefois, la cour administrative d’appel de Nancy a refusé de faire droit à la demande du centre hospitalier au motif que les agents publics ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices d’ordre public instituées en leur faveur, telles les dispositions régissant l’admission à la retraite pour invalidité, de sorte qu’aucune transaction ne saurait faire obstacle au jugement d’un recours pour excès de pouvoir présenté par un fonctionnaire contre la décision prononçant son admission à la retraite.
Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administratif d’appel pour erreur de droit.
La Haute Assemblée rappelle tout d’abord qu’ « aux termes de l’article 2044 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce : “La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître”. En vertu de l’article 2052 du même code, un tel contrat a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. L’article 6 du code civil interdit de déroger par convention aux lois qui intéressent l’ordre public. Il résulte de ces dispositions que l’administration peut, ainsi que le rappelle désormais l’article L. 423-1 du code des relations entre le public et l’administration, afin de prévenir ou d’éteindre un litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l’objet de ce dernier, de l’existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l’ordre public. »
Puis, elle pose qu’ « aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents de la fonction publique hospitalière, ni aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que l’administration conclue avec un fonctionnaire régi par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ayant fait l’objet d’une décision l’admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, une transaction par laquelle, dans le respect des conditions précédemment mentionnées, les parties conviennent de mettre fin à l’ensemble des litiges nés de l’édiction de cette décision ou de prévenir ceux qu’elle pourrait faire naître, incluant la demande d’annulation pour excès de pouvoir de cette décision et celle qui tend à la réparation des préjudices résultant de son éventuelle illégalité. »