Entrepreneurs de spectacles vivants : le JO entre en scène

Au JO de ce matin a été publiée un ordonnance toilettant le régime des entrepreneurs vivants (ce que sont parfois des agents des collectivités publiques dans le domaine de la culture lato sensu), avec notamment une mesure phare : le passage d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration.

L’article 63 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (loi droit à l’erreur, ou loi ESSOC) prévoyait cette réforme à venir, par ordonnances, du droit des spectacles vivants.

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Ces ordonnances, qui devaient intervenir dans un délai de douze mois à dater de la promulgation de cette loi ESSOC devaient réformer le régime des entrepreneurs de spectacle vivant afin de :

  • simplifier et moderniser ce régime et, plus largement, abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes (ce qui ne veut rien dire et donc laisse une ample marge de manœuvre au gouvernement même si peu contestent le caractère parfois obsolète de ce régime).
  • mettre en place un régime de sanctions administratives se substituant au régime de sanctions pénales prévu aux fins de réprimer l’exercice illégal de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants (là encore, c’est utile…).
  • « garantir le respect des règles relatives à la sécurité des lieux de spectacle et des dispositions relatives au droit du travail, au droit de la protection sociale et au droit de la propriété littéraire et artistique».

 

C’est donc chose faite au JO de ce matin (ci-après nous reprenons tels quels certains élément du rapport accompagnant l’ordonnance; nous prenons quelques libertés sur d’autres points).

Le régime actuel de l’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants établi en France est celui d’une licence attribuée par le préfet de région pour une durée de trois ans. Lorsque l’entrepreneur est un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne (UE) ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), celui-ci peut s’établir en France sans licence s’il justifie d’un titre à effet équivalent délivré dans un des Etats de l’UE ou de l’EEE. Le régime est renforcé lorsque l’entrepreneur est situé hors de l’UE ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’EEE.

Conformément à la loi d’habilitation, cette ordonnance modifie (articles 1er à 4) les dispositions du code du travail pour :

  • substituer un régime déclaratif au régime d’autorisation,
  • mettre en place un régime de sanctions administratives,
  • prévoir explicitement le respect des exigences en matière de sécurité des lieux de spectacle dans le cadre de ce nouveau régime de déclaration.

Le nouveau dispositif permettra à toute personne établie en France et remplissant des conditions de compétence et d’expérience professionnelle (L. 7122-4) d’exercer l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants après déclaration auprès de l’administration, sous réserve de l’absence de mise en œuvre d’un droit d’opposition par celle-ci (nouvel article L. 7122-3) dans les conditions prévues par décret qui prévoira notamment un délai d’un mois pour vérifier la régularité des pièces transmises dans le cadre de la téléprocédure.
La déclaration, renouvelable, pourra en outre être déposée aussi par une personne morale, alors que la délivrance de la licence était réservée aux personnes physiques. Elle aura une durée de validité obligeant l’entrepreneur qui souhaite poursuivre son activité à renouveler la déclaration et, le cas échéant, actualiser son dossier, au terme d’un délai de cinq ans fixé par voie réglementaire.
S’agissant des entrepreneurs non établis en France, mais ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne (UE) ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), l’ordonnance reprend les conditions de leur établissement et les conditions d’exercice de leur activité s’ils demeurent établis hors du territoire national :

  • ils pourront s’établir sans déclarer leur activité, sous réserve de produire un titre d’effet équivalent délivré dans un des Etats de l’UE ou de l’EEE dans des conditions comparables (L. 7122-5). En effet, dès lors qu’un ressortissant de l’UE peut exercer dans son pays dans des conditions similaires, il doit pouvoir exercer en France s’il le justifie ;
  • s’ils souhaitent exercer leur activité à titre temporaire et occasionnel, sans s’installer en France, l’obligation d’information de l’administration demeure (L. 7122-6, point 1°).

S’agissant des entrepreneurs extra-communautaires qui souhaitent exercer de façon temporaire et occasionnelle, la licence temporaire est supprimée, mais leur activité demeure soumise à un régime particulier.

 

L’ordonnance prévoit la possibilité pour l’administration de s’opposer à la poursuite de l’activité et de mettre fin à la validité de la déclaration dans les cas actuels de méconnaissance des dispositions légales (obligations de l’employeur prévues par le code du travail, par le régime de sécurité sociale, protection de la propriété littéraire et artistique) et y ajoute, conformément à la loi d’habilitation, le cas de méconnaissance des obligations de sécurité des lieux de spectacles (L. 7122-7).

L’ordonnance maintient l’obligation pour les administrations et organismes habilités à constater les infractions de communiquer à l’autorité administrative compétente les informations qu’elles détiennent et qui sont susceptibles de mettre fin à la validité de la déclaration.

Le régime de sanctions pénales est transformé dans son ensemble en régime de sanctions administratives afin de le rendre plus efficace. Il est ainsi prévu un mécanisme de sanction administrative en cas de non-respect de l’obligation de déclaration, d’information, de compétences au sein de la structure ou de non-possession de l’équivalence de titre qui permet à l’autorité administrative de prononcer une amende administrative (d’un montant maximum de 1 500 euros pour les personnes physiques et de 7 500 euros pour les personnes morales) assortie, éventuellement, d’une astreinte, ainsi que d’ordonner la fermeture de l’établissement pour une durée maximum d’un an (L. 7122-16).

Enfin, l’ordonnance conserve le régime dérogatoire pour l’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants à titre accessoire, qu’il soit établi en France ou hors de France (L. 7122-19). Cette disposition, qui s’adresse essentiellement aux collectivités locales ou aux cafés-restaurants, autorise une personne physique ou morale n’ayant pas pour activité principale ou pour objet l’exploitation de lieux de spectacles, la production ou la diffusion de spectacles ainsi que les groupements d’artistes amateurs bénévoles faisant occasionnellement appel à un ou plusieurs artistes du spectacle rémunérés, l’exercice de l’activité sans déclaration, dans la limite d’un plafond annuel de représentations fixé par voie réglementaire.

Un décret en Conseil d’Etat définira les modalités de mise en œuvre du nouveau régime déclaratif (L. 7122-20).

L’ordonnance entrera en vigueur le 1er octobre 2019 (article 7).

 

La voici :

Ordonnance n° 2019-700 du 3 juillet 2019 relative aux entrepreneurs de spectacles vivants

NOR: MICB1904309R

Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de la culture,
Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
Vu le code du travail, notamment les articles L. 7122-1 et suivants ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2333-55-3 ;
Vu la loi n° 2016-295 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, notamment son article 48 ;
Vu la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, notamment son article 63 ;
Le Conseil d’Etat (section de l’intérieur) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne :

Article 1

Le chapitre II du titre II du livre Ier de la septième partie du code du travail est modifié conformément aux articles 2 à 4 de la présente ordonnance.

Article 2

I. – Dans l’intitulé de la section 1, les mots : « titulaires d’une licence » sont supprimés.
II. – La sous-section 3 de la section 1 est remplacée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« La déclaration d’activité d’entrepreneur de spectacles vivants
« Art. L. 7122-3. – Toute personne établie sur le territoire national et qui relève d’une ou plusieurs des catégories mentionnées à l’article L. 7122-2 peut exercer une activité d’entrepreneur de spectacles vivants sous réserve de :
« 1° Remplir les conditions énoncées à l’article L. 7122-4 ;
« 2° Déclarer son activité auprès de l’autorité administrative compétente.
« Cette déclaration donne lieu à la délivrance d’un récépissé de déclaration d’entrepreneur de spectacles vivants, valant licence. Toutefois, l’autorité administrative compétente peut s’opposer à cette délivrance lorsque les conditions pour exercer l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants ne sont pas remplies.
« Le décret en Conseil d’Etat mentionné à l’article L. 7122-17 détermine le délai de validité de la déclaration ainsi que les modalités d’instruction et d’opposition à cette déclaration par l’autorité administrative compétente.
« Art. L. 7122-4. – I. – Lorsque l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants est exercée par une personne physique, celle-ci est tenue de remplir des conditions de compétence ou d’expérience professionnelle.
« Lorsque l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants est exercée par une personne morale, le représentant légal ou toute autre personne désignée par la structure est tenu de remplir des conditions de compétence ou d’expérience professionnelle.
« En cas de cessation de fonctions, pendant le délai de validité de la déclaration, de la personne tenue de remplir les conditions de compétence ou d’expérience mentionnées au deuxième alinéa, l’entrepreneur de spectacles en informe l’administration, ainsi que des nom et qualités de la personne qui la remplace. L’administration peut alors, si elle estime que les conditions de compétence ou d’expérience ne sont plus remplies, s’opposer à la poursuite de l’activité et mettre fin à la validité de la déclaration dans les conditions et délais fixés par le décret prévu à l’article L. 7122-17.
« II. – La personne déclarante ne doit pas avoir fait l’objet d’une décision judiciaire interdisant l’exercice d’une activité commerciale et doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers lorsqu’elle est soumise à cette obligation.
« III. – La déclaration d’activité d’entreprise de spectacles vivants établit que les obligations en matière de sécurité des lieux de spectacles sont respectées.
« Art. L. 7122-5. – Les entrepreneurs de spectacles vivants ressortissants d’un Etat européen peuvent s’établir, sans déclarer leur activité, pour exercer leurs activités en France, sous réserve de produire un titre d’effet équivalent délivré dans un de ces Etats dans des conditions comparables.
« Art. L. 7122-6. – Les entrepreneurs de spectacles vivants autres que ceux mentionnés aux articles L. 7122-3 et L. 7122-5 peuvent exercer cette activité de façon temporaire et occasionnelle dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, sous réserve :
« 1° S’ils sont légalement établis dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, d’avoir préalablement informé l’autorité administrative compétente de cette activité ;
« 2° S’ils ne sont pas établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, d’avoir préalablement informé l’autorité administrative compétente de cette activité et conclu un contrat avec un entrepreneur de spectacles vivants détenteur du récépissé mentionné à l’article L. 7122-3.
« Art. L. 7122-7. – L’autorité administrative compétente peut s’opposer à la poursuite de l’activité et mettre fin à la validité de la déclaration en cas de méconnaissance des obligations de l’employeur prévues par le présent code, par le régime de sécurité sociale ou par les dispositions relatives à la protection de la propriété littéraire et artistique ainsi que des obligations en matière de sécurité des lieux de spectacle.
« Art. L. 7122-8. – Les administrations et organismes intéressés communiquent à l’autorité administrative compétente pour délivrer le récépissé de déclaration toute information relative à la situation des entrepreneurs de spectacles au regard des obligations mentionnées à l’article L. 7122-7. »

Article 3

La sous-section 5 de la section 1 est remplacée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Sanctions en cas de non-respect de l’obligation de déclaration et d’information
« Art. L. 7122-16. – I. – Lorsqu’il est constaté qu’une personne, physique ou morale, exerce l’activité d’entrepreneurs de spectacles vivants sans être détentrice du récépissé de déclaration d’activité valide mentionné à l’article L. 7122-3, ou qu’elle n’a pas satisfait aux obligations prévues au troisième alinéa du I de l’article L. 7122-4, ou au 1° ou au 2° de l’article L. 7122-6, ou qu’elle n’est pas titulaire d’un titre d’effet équivalent visé à l’article L. 7122-5, l’autorité administrative compétente informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l’invitant à présenter ses observations, dans un délai fixé par voie réglementaire.
« II. – A l’issue de ce délai, l’autorité administrative compétente peut, par décision motivée :
« 1° Prononcer une amende administrative d’un montant maximum de 1 500 €, pour une personne physique, et d’un montant maximum de 7 500 € pour une personne morale ;
« 2° Assortir l’amende mentionnée au 1° d’une astreinte en cas de non-paiement de l’amende. L’astreinte cesse de courir le jour de la régularisation de la situation ;
« 3° Ordonner la fermeture, pour une durée de un an au plus, du ou des établissements de l’entrepreneur ayant servi à commettre l’infraction.
« III. – Le plafond de l’amende est porté au double en cas de nouveau manquement de même nature constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature.
« IV ‒ Sous réserve des secrets protégés par la loi, les sanctions mentionnées au présent article peuvent être assorties d’une mesure de publicité qui n’a pas à être spécialement motivée.
« V. – Pour fixer le montant de l’amende ou la durée de la fermeture d’un établissement, l’autorité administrative compétente prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges.
« VI. – La décision est prise sur rapport constatant le manquement transmis à l’autorité administrative compétente dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« VII. – Le délai de prescription de l’action de l’autorité administrative compétente pour la sanction du manquement par une amende administrative ou la fermeture d’un établissement est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.
« VIII. – Les amendes et les astreintes mentionnées aux 1° et 2° du II sont recouvrées au profit du Trésor public.
« Art. L. 7122-17. – Outre les officiers et agents de police judiciaire, les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 ainsi que les agents de contrôle des organismes de sécurité sociale sont habilités à constater l’infraction prévue à l’article L. 7122-16.
« Art. L. 7122-18. – Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application de la présente section. »

Article 4

La section 2 du chapitre II est remplacée par une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants à titre accessoire
« Art. L. 7122-19. – Peuvent exercer l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants, dans la limite d’un plafond annuel de représentations, sans être soumis aux obligations de déclaration mentionnées aux articles L. 7122-3 et L. 7122-6 :
« 1° Toute personne qui n’a pas pour activité principale ou pour objet l’exploitation de lieux de spectacles, la production ou la diffusion de spectacles ;
« 2° Les groupements d’artistes amateurs bénévoles faisant occasionnellement appel à un ou plusieurs artistes du spectacle percevant une rémunération.
« Art. L. 7122-20. – Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application de la présente section. »

Article 5

I. – Au premier alinéa de l’article 48 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, les mots : « détenant une licence » sont remplacés par les mots : « détenant un récépissé de déclaration d’entrepreneur de spectacles vivants valant licence ».
II. – Au I de l’article L. 2333-55-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : « titulaires d’une licence d’entrepreneur de spectacles » sont remplacés par les mots : « détenant un récépissé de déclaration d’entrepreneur de spectacles vivants valant licence ».

Article 6

Les demandes de licence et de renouvellement de licence, déposées avant la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, demeurent régies par les dispositions du code du travail relatives à la licence d’entrepreneur de spectacles vivants dans leur rédaction antérieure au présent texte.

Article 7

La présente ordonnance entre en vigueur le 1er octobre 2019.

Article 8

Le Premier ministre et le ministre de la culture sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 3 juillet 2019.

 

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