Survol du contenu de la future loi engagement et proximité

Après une phase de vive tensions, puis quelques apaisements juste avant le congrès de l’AMF, voici que nous arrive une commission mixte paritaire (CMP) conclusive (ce qui n’était pas gagné il y a encore quelques jours) sur le projet de loi engagement et proximité. Avec, comme le veut l’exercice : un pas vers le Sénat sur les questions de statut de l’élu ; un pas vers l’A.N. sur l’intercommunalité… A.N. qui avait de toute manière déjà pas mal lâché de lest. 

Bref un accord compétences intercommunales contre statut de l’élu. Mais au delà de leurs divergences, vives il y a quelques semaines, Sénat et Assemblée n’ont pas fait qu’un compromis de raison. Ils convergent, au moins dans les discours, sur quelques points capitaux, telle la communion autour du besoin de mettre fin aux fameux « irritants » de la loi Notre et autour d’un appel à la souplesse en matière d’intercommunalité. Au risque d’oublier un peu un autre besoin : celui d’un peu de stabilité dans les territoires, stabilité territoriale et juridique… 

Voici le texte de cette future loi où j’ai compilé d’une part les textes adoptés en la même forme par l’A.N. et le Sénat et, d’autre part, le texte issu de la commission mixte paritaire tel que diffusé vendredi soir tard :

 

suivi TXT post CMP col gche

Capture d’écran 2019-12-14 à 14.54.00

 

Voir aussi en vidéo :

 

EN RESUME :

  • l’Assemblée Nationale et le Gouvernement ont lâché du lest sur la question des indemnités de fonctions des élus :
    • retour aux indemnités dans les syndicats infra-communautaires (au prix d’une phase de transparence accrue sur cette question).
    • les maires des petites communes seront quant à eux augmentés sans vote, automatiquement sauf demande de réajustement, avec trois tranches (+ de 50 % pour les moins de 500 habitants ; + 30 % entre 500 à 999 habitants ; + 20% pour les communes de 1.000 à 3.499 habitants).
  • le Sénat a cédé de son côté (on n’ose pas dire « en échange ») sur la délicate question de l’intercommunalité. Schématiquement (et sous réserve du fait que nous n’avons, encore, à cette heure, que des informations diffuses et non le texte adopté en CMP) :
    • maintien de l’intercommunalisation de l’eau, de l’assainissement et de la gestion des eaux pluviales urbaines pour les communautés d’agglomération au premier janvier 2020.
    • reprise (exacte ou avec ajustements ?) du projet gouvernemental pour l’eau et l’assainissement s’agissant des communautés de communes. Il y aurait donc un report possible de la prise de compétence (prévue sinon au premier janvier 2020 ) par un vote avant la fin de l’année (avec validation législative rétroactive des délibérations adoptées ces derniers mois… mais toujours pas de date ultime de notification).  Avec bien naturellement possibilité de prendre dans ces communautés la compétence au fil du prochain mandat (et possibilité alors de nouveau que se manifeste une minorité de blocage mais sur ce point attendons de voir le texte définitif)
    • adoption du régime de conventions permettant la gestion de services ou d’équipements (comme à ce jour) entre communes et intercommunalité pour ces compétences eau et/ou assainissement… mais aussi permettant la gestion déléguée de la compétence elle-même selon un régime plus complet, plus audacieux par certains aspects, mais surtout intégrant un accord quant aux investissements à réaliser (mais avec des exigences moins complètes que dans la version A.N.), etc. Mais le Sénat a obtenu pour l’eau et l’assainissement de plus grandes possibilités via ces conventions, précise Public Sénat avec, semble-t’il, Mme Gatel comme source. A suivre… Attention la rédaction de ces conventions pourrait être comprise comme interdisant le recours aux autres conventions (notamment celles des articles L. 5214-16-1 et L. 5216-7-1 du CGCT en 2020, imposant des ajustements sur les conventions déjà conclues, mais ce point a peut-être évolué en CMP). L’A.N. a concédé au Sénat un régime où la communauté doit étudier les demandes de telles conventions formulées par les communes (selon des modalités précises que nous ignorons encore à l’heure où ces lignes sont rédigées).
    • suppression de la notion même de compétences optionnelles (en communauté de communes ou d’agglomération… et non réduction à une seule compétence optionnelle comme voté par l’Assemblée Nationale). Les actuelles compétences prises au titre des compétences optionnelles restent en vigueur tant que les statuts ne sont pas modifiés.
    • toujours pas de vraie intercommunalité à fiscalité propre dotée de compétences à la carte contrairement aux voeux du Sénat (cela dit entre les délibérations d’intérêt communautaire, les gestions en service commun à la carte et les conventionnements divers et variés on y arrive déjà plus ou moins…).
    • on s’en approche d’autant plus que le texte inclut bien le régime permettant aux communes membres d’un EPCI à fiscalité propre de transférer à ce dernier, en tout ou partie, certaines de leurs compétences (la compétence, donc, et non pas seulement les équipements ou services visés aux articles L. 5214-161 et L. 5216-17-1…) dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par les statuts ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à l’exercice de ces compétences au besoin avec des listes d’équipements.
    • report à un prochain texte (le futur projet de loi dit « 3D») d’autres avancées intercommunales voulues par le Sénat (dont la parité des exécutif intercommunaux, voulue par le Sénat à due proportion des équilibres femmes/hommes constatées dans le conseil communautaire ou métropolitain)

S’y ajouteraient, semble-t-il, les autres points qui ne faisaient plus, ou plus trop débat :

  • parité « chabada » pour l’élection des adjoints au maire (mais toujours pas de lien entre le sexe du maire et celui du premier adjoint et toujours pas de transposition de ce régime à l’intercommunalité)
  • transfert des excédents des budgets eau et assainissement sauf réel excédent (ce qui reviendrait sur le désastreux arrêt du Conseil d’Etat Lamotte Ternant ; voir ici et )… Mais attention ce dispositif reste très partiel (et limité, avec comme critère opérant le taux de fuites d’eau).
  • les syndicats mixtes ouverts (SMO) pourront bien avoir pour membres de leurs comités syndicats des élus venus des organes délibérants de leurs membres, mais aussi des membres de leurs membres (comme en syndicat mixte fermé)
  • possibilité d’indemnités de fonctions sécurisées pour les SMO même si un SMF en est membre
  • report d’un an de la date butoir d’adhésion d’un SMO à un SMO en GEMAPI (en régime transitoire tant que la qualité d’EPAGE et/ou d’EPTB n’est pas acquise)
  • dématérialisation des convocations des élus communaux ou intercommunaux par défaut
  • possibilité de certaines réunions intercommunales y compris certains conseils communautaires) par voie dématérialisée
  • maintien du projet de loi pour la question de la gouvernance intercommunale (avec diverses avancées qui restent assez proches du projet de loi initial ; voir ici et les articles et vidéos faites cet été à ce sujet et qui sont encore largement d’actualité)
  • extension aux communautés d’agglomération de la procédure de retrait adhésion bien connue en communautés de communes (même régime que l’actuel L. 5214-26 du CGCT donc… sous réserve du fait que nous n’avons pas encore le texte final et qu’il faut être prudent mais les débats étaient normalement clos sur sur ce point).
  • possibilité de scission de communautés si se manifestent des majorités qualifiées sur chaque futur fragment de la communauté et si le préfet en est d’accord, avec passage en CDCI.
  • mesures de tarification sociale de l’eau
  • exfiltration possible de la compétence intercommunale tourisme pour certaines stations classées (en sus des deux régimes existants). Sur ce point, rappelons qu’en cas de station classée on peut déjà avoir soit une intégration normale de la compétence, soit une gestion intercommunale à part, soit une décision prise au titre de la loi Montagne II (même hors zone de montagne) permettant un maintien de la gestion communale de la compétence. Schématiquement, la nouvelle loi serait sur ce point une sorte de session de rattrapage pour les stations classées intercommunalisées, qui n’auraient pas délibéré à temps au lendemain de la loi Montagne II… Mais avec des conditions d’éligibilité à ce vote un peu différentes (être une station classée et non pas seulement s’apprêter à l’être).
  • compétence partagée entre communes et intercommunalité en matière d’animation touristique (on va s’amuser à fixer les frontières entre animation, partagée, et offices qui ont la compétence animation justement dans le code de tourisme…).
  • ajustements mineurs en cas de PLUI
  • Dans un délai d’un an à compter de sa création, un syndicat mixte issu d’une fusion en application de l’article L. 5711-2 peut être autorisé par le ou les représentants de l’État dans le ou les départements concernés à se retirer d’un syndicat mixte dont un ou plusieurs des syndicats fusionnés étaient membres en application de l’article L. 5711-4, avec l’accord de l’organe délibérant du syndicat mixte dont le syndicat mixte issu de la fusion envisage de se retirer.
  • pouvoirs de police des maires (dépôts sauvages de déchets, Licences IV, ERP, constructions illicites…) renforcés dans un grand nombre de domaines avec sanctions administratives avec application immédiate ce qui serait sans doute très très efficace et est très attendu par de nombreux élus
  • un conseil municipal de moins de 500 habitants sera réputé complet même s’il ne l’est pas totalement (important au stade de l’élection du maire).
  • Dans les communes rurales, telles que définies par l’Institut national de la statistique et des études économiques, chaque bourg ou hameau ou groupement de hameaux composé d’un minimum de cinq habitations distinctes, principales ou secondaires, peut se doter, à l’initiative de ses habitants, d’un conseil ad hoc. Le conseil municipal, en lien avec les habitants du village, fixe les modalités de fonctionnement de ce conseil.
  • cadre enfin législatif à la carte d’identité des maires (tricolore)
  • régime de délégation de certains pouvoirs de police en provenance du préfet, au profit du maire
  • évolution du droit de l’intercommunalisation des agents de police municipale et des gardes champêtres (rappel : il y a déjà plusieurs régimes mais les souplesses nouvelles sont utiles).
  • évolutions du droit des commissions d’ouverture des plis et des CAO
  • ajustements à la marge sur les groupements de commande entre communes et EPCI
  • retour de certaines aides départementales aux entreprises mais dans un cadre très strict
  • régime de la « Demande de prise de position formelle » du préfet sur un texte (au delà de l’actuel certificat de non déféré)… mais selon un régime qui a des « trous dans la raquette » comme nous l’avons déjà présenté au sein du présent blog.
  • ordonnance(s) à venir relative(s) aux règles relatives à la publicité des actes des collectivités territoriales et de leurs groupements, à leur entrée en vigueur, à leur conservation ainsi qu’au point de départ du délai de recours contentieux, dans le but de simplifier, de clarifier et d’harmoniser ces règles et de prendre en compte la dématérialisation.
  • Le conseil municipal peut créer un conseil pour les droits et devoirs des familles… mais cette création ne serait plus obligatoire à compter de 50 000 habitants
  • le conseil de développement en intercommunalité ne serait plus obligatoire à compter de 20 000, mais de 50 000 habitants
  • amélioration du statut de l’élu en matière de remboursements de frais, de valorisation des acquis professionnels, de formation des élus (avec une ordonnance à venir à ce sujet), etc.
  • évolutions relatives au droit de vote et à la pratique du vote pour les personnes détenues

À la demande de la commune ou du groupement de communes compétent pour contribuer à la protection de la ressource en eau prévue à l’article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, l’autorité administrative institue un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption a pour objectif l’acquisition de terrains destinés à préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement

  • suppression (sauf à Lyon, au contraire) du renvoi à terme vers une élection au suffrage universel direct pour les métropoles.
  • etc.

 

Le mode de scrutin des communes de mille habitants reste finalement à ce seuil (pas de descente à 500 habitants au contraire de ce que voulait l’A.N.).

Il y a eu intégration de la réforme sur les règlements locaux de publicité comme le voulait le Sénat.

Ajoutons enfin que sur les questions de compétences intercommunales à la carte et peut-être sur les périmètres, des promesses de souplesses sont évoquées avec le futur projet de loi 3D dont l’avant projet de loi, concocté par le Gouvernement avec Mme Gourault en première pilote, sont promises pour le lendemain des municipales.