Restitution des compétences intercommunales : un article au CGCT, moins inutile qu’il ne le paraît, mais entaché d’un bug…

Continuons notre décorticage article par article de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, une fois promulguée :

 

Abordons maintenant l’article 12 de cette loi. Avec deux bonnes nouvelles et une mauvaise.

 

1/ Bonne nouvelle induite par cet article : le législateur de la loi  engagement et proximité invente une procédure de restitution des compétences intercommunales…

Cela pouvait certes sembler un peu inutile car sauf texte contraire, le principe (dit de parallélisme des procédures) est qu’on revient en arrière, pour défaire quelque chose en droit administratif, en faisant l’inverse de ce qui fut fait pour faire cette chose en droit administratif.

Mais comme il y a eu des hésitations en jurisprudence sur ce point (l’article L. 5211-20 du CGCT n’est-il pas un texte spécifique s’opposant du coup à l’application du principe de parallélisme des procédures ? On pourrait le craindre à la lecture, entre autres, de certaines jurisprudences (voir par exemple CAA Douai, 2 novembre 2004, n°03DA00631), ou commentaires (celui du CGCT Dalloz sous cet article par exemple).
Bonne nouvelle donc, au delà d’une inutilité qui n’est qu’apparente.

 

2/ Autre bonne nouvelle, le législateur n’a pas innové. Il a copié presque servilement l’article L. 5211-17 du CGCT (y compris pour les études financières à faire dans le cas des EPCI à fiscalité additionnelle). Donc nous n’avons pas gagné en complexité baroque, ce qui est bel et bon.

 

3/ Mauvaise nouvelle en revanche : y’a un petit bug. Car cette procédure s’impose hors compétences obligatoires (oui… certes…) et hors le cas des compétences exercées par un établissement public de coopération intercommunale et dont le transfert à ce dernier n’est pas prévu […] par la décision institutive ». Rappelons que par décision institutive, il faut entendre « statuts ». Ce qui est juste idiot. Car :

    • Soit on dit que la restitution de compétences ne s’applique aux compétences statutaires (et en ce cas cela ne s’applique à aucune compétence puisque l’intercommunalité ne peut restituer que les compétences qu’elle exerce et elle ne peut les exercer que si elle les a dans sa décision institutive… Ubu roi).
    • Soit ce texte s’applique aux compétences exercées hors statuts et on voit mal lesquelles (celles prises illégalement et non insérées aux statuts ? Mais en ce cas pas de procédure à prévoir… les délibérations d’intérêt communautaire ou métropolitain ? mais ce n’est pas ainsi qu’est rédigé le texte…)
    • soit il faut faire preuve de mansuétude pour le législateur et estimer que le membre de phrase « par la décision institutive » doit être considéré comme non écrit, pour cause de générosité envers nos parlementaires.

 


ENFIN A NOTER : l’application de ce régime pour les compétences optionnelles qui disparaissent en communautés de communes et d’agglomération :

 


 

Allez, on vous communique quand même ce nouvel article :

Article 12
I. – La sous-section 1 de la section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 5211-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-17-1. – Les compétences exercées par un établissement public de coopé-ration intercommunale et dont le transfert à ce dernier n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive peuvent, à tout moment, être restituées à chacune de ses communes membres.
« Cette restitution est décidée par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement et des conseils municipaux des communes membres se prononçant dans les conditions de majorité requises pour la création de l’établissement. Le conseil muni-cipal de chaque commune membre dispose d’un délai de trois mois, à compter de la no-tification au maire de la commune de la délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur la restitution proposée. À défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée défavorable.
« Pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ad-ditionnelle, les délibérations concordantes mentionnées au deuxième alinéa définissent le coût des dépenses liées aux compétences restituées ainsi que les taux représentatifs de ce coût pour l’établissement public de coopération intercommunale et chacune de ses communes membres dans les conditions prévues au 4 du 3° du B du III de l’article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
« La restitution de compétences est prononcée par arrêté du ou des représentants de l’État dans le ou les départements intéressés. »
II. – A la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa du 4 du 3° du B du III de l’article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, la référence : « L. 5211-17 » est remplacée par la référence : « L. 5211-17-1 ».