Par un jugement rendu hier, 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a confirmé que la consultation préalable de la CDCI était obligatoire dans le cadre de la procédure dérogatoire de retrait d’un syndicat liée à la prise en charge des compétences eau potable et assainissement, et ce quelle que soit la décision finalement prise par le préfet. La procédure de retrait dont il est question n’est plus en vigueur, mais cette solution apportée par le TA s’avère précieuse pour d’autres procédures totalement comparables.
Pour rappel, le retrait d’une communauté d’un syndicat d’eau potable ou d’assainissement peut être réalisé via le recours à la procédure de droit commun de l’article L. 5211-19 du CGCT, soit via le recours à l’une des procédures dérogatoires existantes. Parmi ces dernières, figure la possibilité pour une communauté ayant pris en charge les compétences eau potable et/ou assainissement de demander au préfet le retrait des syndicats d’eau potable et/ou d’assainissement au sein desquels cette communauté siège en représentation-substitution. En cas de décision favorable du préfet, le retrait intervient alors au 1erjanvier de l’année suivant la prise de compétence et la substitution de la communauté au sein du syndicat concerné.
Par ailleurs, le CGCT prévoit que la CDCI doit être consultée dans le cadre de cette procédure. Le respect de cette formalité a cependant pu nourrir quelques incertitudes quant au caractère obligatoire de cette consultation en cas de refus du préfet d’autoriser le retrait de syndicats. En effet, pour prendre en exemple les dispositions de l’article L. 5216-7 IV du CGCT, applicable aux communautés d’agglomération, la lettre du texte prévoit que :
« […] après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale, le représentant de l’État peut autoriser la communauté d’agglomération à se retirer du syndicat […]. »
Certaines préfectures estiment ainsi qu’il existerait un lien fonctionnel entre la consultation de la CDCI et le sens de la décision prise par le préfet, cette consultation n’étant obligatoire qu’en cas de décision favorable au retrait. Une tentative de justification pourrait d’ailleurs être avancée au soutien de cette analyse en considérant que, dans la mesure où seule une décision favorable serait de nature à entraîner une modification de la structuration territoriale prévue par le SDCI, la consultation de la CDCI – qui participe au demeurant à l’élaboration du SDCI – ne serait donc obligatoire que dans ce cas. Bon, en pratique raisonner ainsi reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs puisque la consultation de la CDCI doit justement permettre d’orienter le préfet dans sa prise de décision !
Et tel est bien ce que souligne en substance le juge administratif dans le cadre de la décision du 31 janvier 2020.
S’agissant brièvement du contexte de l’affaire, la prise de compétences eau potable et assainissement par une communauté de communes avait entraîné à un portage morcelé de ces deux compétences entre cette communauté et plusieurs syndicats. De manière à rationaliser ce portage quelque peu balkanisé de l’eau potable et de l’assainissement, la communauté avait mis en œuvre la procédure alors en vigueur de retrait dérogatoire de l’article L. 5214-21 II du CGCT afin d’obtenir son retrait des syndicats. Le préfet refusa cependant d’autoriser le retrait sans juger nécessaire de consulter au préalable la CDCI.
Or, le juge administratif sanctionne ce vice de procédure en considérant que :
« […] Il résulte de ces dispositions, qui organisent un régime dérogatoire de retrait d’un syndicat, que, contrairement à ce que soutient l’État en défense, la commission départementale de la coopération intercommunale doit être saisie pour avis par le préfet de toute demande de retrait d’un syndicat présentée devant lui par une communauté de communes sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 5214-21 II du code général des collectivités territoriales. Il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté que le préfet de l’Essonne n’a pas soumis les demandes de retrait du SIARCE et du SEOE présentées par la communauté de communes Entre Juine et Renarde à la commission départementale de la coopération intercommunale. Par suite, la communauté de communes requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise à la suite d’une procédure irrégulière.[…]»
Par conséquent, la saisine de la CDCI est obligatoire quel que soit le sens de la décision prise par le préfet sur la demande de retrait.
Mais surtout, le juge administratif souligne, dans le prolongement de la jurisprudenceDanthony(CE, 23 décembre 2011, n°335033), que :
« […] En l’espèce, la méconnaissance de l’obligation de consulter la commission départementale de la coopération intercommunale, composée de représentants des collectivités locales et d’établissements publics locaux, a nécessairement privé la communauté de communes d’une garantie. Au surplus, l’avis de cette commission, qui a pour objet d’éclairer le préfet sur la position de ces représentants, est, alors même qu’il ne lie pas l’administration, susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision du préfet. Ainsi, la méconnaissance de l’obligation de consultation de cette commission constitue une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision du 4 octobre 2017 par laquelle le préfet de l’Essonne a refusé de faire droit à ses demandes de retrait du SIARCE et du SEOE. […]»
Autrement dit, l’absence de consultation de la CDCI constitue, dans le cadre de cette procédure dérogatoire de retrait, un vice non régularisable.
Ceci étant, il n’aura pas échappé aux lecteurs attentifs que ce jugement a été rendu à propos de la procédure dérogatoire de retrait prévue pour les communautés de communes par l’article L. 5214-21 II du CGCT, dans sa version applicable à la date du litige. Or l’article 4 de la loi n°2018-702 a supprimé cette faculté de retrait pour les communautés de communes.
L’analyse du tribunal administratif de Versailles nous paraît cependant toujours d’actualité pour les communautés d’agglomération qui, sur le fondement des dispositions de l’article L. 5216-7 du CGCT, bénéficient toujours cette procédure de retrait dérogatoire.
Avec les prises de compétences eau potable, assainissement et eaux pluviales intervenues au 1er janvier 2020, nul doute donc que l’absence de consultation de la CDCI dans le cadre d’une procédure de retrait dérogatoire d’une communauté d’agglomération serait donc susceptible de fragiliser toute la démarche, et ce que le préfet soit favorable ou opposé au retrait de syndicats. De même peut-on s’interroger sur des refus préfectoraux qui se feraient avant consultation de la CDCI pour des démarches analogues, ou en tous cas assez comparables, de retrait adhésion (art. L. 5214-216 du CGCT et, surtout, la nouvelle procédure de retrait adhésion d’une communauté d’agglomération, issue de la loi engagement et proximité du 27 décembre 2020…).
Le jugement du 30 janvier 2020 peut-être consulté via le lien ci-après : 1089662783_1708639