Ajustements internes aux juridictions administratives le temps de gérer l’épidémie de coronavirus Covid-19…

Décryptons rapidement, en s’appuyant sur le rapport officiel ad hoc, les ajustements propres au contentieux administratifs induits par l’ordonnance de ce matin, le temps que nous cessions de vivre sous l’état d’urgence sanitaire… 

Nous vous en parlions il y a deux jours : les juridictions administratives allaient s’adapter au Coronavirus Covid-19… Voir :

 

Voici chose faite au JO de ce matin avec l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif (NOR: JUSX2008167R) qui, le temps de l’état d’urgence sanitaire (provisoirement fixé à 2 moi par la loi 2020-290 du 23 mars 2020) permet :

  • de compléter des formations de jugement grâce à l’adjonction de magistrats issus d’autres juridictions (article 3) ou à des magistrats ayant le grade de conseiller et une ancienneté minimale de deux ans de statuer par ordonnance dans les conditions prévues à l’article R. 222-1 du code de justice administrative (article 4) ;
  • de communiquer aux parties des pièces, actes et avis par tout moyen (article 5) ;
  • de tenir des audiences à huis clos ou en publicité restreinte (article 6) voire via tout moyen de communication audiovisuelle ou, en cas d’impossibilité, par tout moyen de communication électronique (article 7), avec quelques garanties toutefois ;
  • de dispenser dans toutes matières le rapporteur public d’exposer des conclusions lors de l’audience (article 8) ;
  • de statuer sans audience sur des requêtes présentées en référé (article 9) ;
  • de statuer sans audience sur les demandes de sursis à exécution (article 10) ;
  • de rendre publique les décisions de justice par mise à disposition au greffe de la juridiction (article 11) ;
  • de faire signer la minute des décisions par le seul président de la formation de jugement (article 12) ;
  • de notifier la décision à l’avocat de la partie qu’il représente (article 13) ;
  • de ne pas prononcer lors de l’audience les jugements relatifs aux mesures d’éloignement des étrangers placés en centre de rétention (article 14).
  • que les interruptions de délais prévus au titre I de l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période s’appliquent devant les juridictions de l’ordre administratif, sauf dérogations en matière de droit des étrangers, de droit électoral et d’aide juridictionnelle.
  • que les clôtures d’instruction dont le terme vient à échéance du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire soient prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de ladite période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge.
  • que soit reporté le point de départ des délais impartis au juge pour statuer est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire, sauf dérogations en matière de droit des étrangers et de droit électoral (article 17).

 

Sur le report de la date maximale de recours contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales, voir :

 

 

VOIR CETTE ORDONNANCE :

Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif

NOR: JUSX2008167R

Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu la Constitution, notamment son article 38 ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
Vu la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, notamment les b et c du 2° du I de son article 11 ;
Vu l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;
Le Conseil d’Etat (section de l’intérieur) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne :

Article 1

Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à l’ensemble des juridictions de l’ordre administratif sauf lorsqu’elles en disposent autrement.

  • Titre Ier : DISPOSITIONS RELATIVES À L’ORGANISATION ET AU FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

    Article 2

    Durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée, il est dérogé aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions prévues au présent titre.

    Article 3

    Les formations de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel peuvent délibérer en se complétant, en cas de vacance ou d’empêchement, par l’adjonction d’un ou plusieurs magistrats en activité au sein de l’une de ces juridictions, désignés par le président de la juridiction ainsi complétée sur proposition du président de la juridiction d’origine.
    Des magistrats honoraires peuvent être désignés dans les conditions fixées à l’alinéa précédent, dans le respect des dispositions de l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative.

    Article 4

    Les magistrats ayant le grade de conseiller et une ancienneté minimale de deux ans peuvent être désignés par le président de leur juridiction pour statuer par ordonnance dans les conditions prévues à l’article R. 222-1 du code de justice administrative.

    Article 5

    La communication des pièces, actes et avis aux parties peut être effectuée par tout moyen.

    Article 6

    Le président de la formation de jugement peut décider que l’audience aura lieu hors la présence du public ou que le nombre de personnes admises à l’audience sera limité.

    Article 7

    Les audiences des juridictions de l’ordre administratif peuvent se tenir en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s’assurer de l’identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats.
    En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, le juge peut, par décision insusceptible de recours, décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s’assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges.
    Lorsqu’une partie est assistée d’un conseil ou d’un interprète, il n’est pas requis que ce dernier soit physiquement présent auprès d’elle.
    Dans les cas prévus au présent article, le juge organise et conduit la procédure. Il s’assure du bon déroulement des échanges entre les parties et veille au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Le greffe dresse le procès-verbal des opérations effectuées.

    Article 8

    Le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d’exposer à l’audience des conclusions sur une requête.

    Article 9

    Outre les cas prévus à l’article L. 522-3 du code de justice administrative, il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé. Le juge des référés informe les parties de l’absence d’audience et fixe la date à partir de laquelle l’instruction sera close.
    Ainsi qu’il est dit à l’article L. 523-1, les décisions prises sans audience, en application du premier alinéa, par le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative peuvent faire l’objet d’un appel lorsqu’elles n’ont pas été rendues en application de l’article L. 522-3 du même code.

    Article 10

    Par dérogation à l’article R. 222-25 du code de justice administrative, le président de la cour ou le président de chambre peut statuer sans audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 du même code.

    Article 11

    Par dérogation à l’article R. 741-1 du code de justice administrative, la décision peut être rendue publique par mise à disposition au greffe de la juridiction.

    Article 12

    Par dérogation aux articles R. 741-7 à R. 741-9 du code de justice administrative, la minute de la décision peut être signée uniquement par le président de la formation de jugement.

    Article 13

    Lorsqu’une partie est représentée par un avocat, la notification prévue à l’article R. 751-3 du code de justice administrative est valablement accomplie par l’expédition de la décision à son mandataire.

    Article 14

    Par dérogation à l’article R. 776-27 du code de justice administrative, les jugements relatifs aux mesures d’éloignement prise à l’encontre des étrangers placés en centre de rétention ne sont pas prononcés à l’audience.

  • Titre II : DISPOSITIONS PARTICULIÈRES RELATIVES AUX DÉLAIS DE PROCÉDURE ET DE JUGEMENT

    Article 15

    I. – Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire mentionnée à l’article 2 et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre administratif.
    II. ‒ Par dérogation au I :
    1° Pour les recours contre les obligations de quitter le territoire français, sous réserve de ceux prévus au premier alinéa du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que les recours prévus aux articles L. 731-2 et L. 742-4 du même code, le point de départ du délai de recours est reporté au lendemain de la cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 2. Il en va de même du délai prévu à l’article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique susvisée ;
    2° Les délais applicables aux procédures prévues à l’article L. 213-9 et au premier alinéa du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne font pas l’objet d’adaptation ;
    3° Les réclamations et les recours mentionnées à l’article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour, fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 dans les conditions définies au premier alinéa du III de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée ou, par dérogation, aux dates prévues au deuxième ou troisième alinéa du même III du même article.

    Article 16

    Les mesures de clôture d’instruction dont le terme vient à échéance au cours de la période définie à l’article 2 sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge.

    Article 17

    Durant la période mentionnée à l’article 2, le point de départ des délais impartis au juge pour statuer est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 2.
    Par dérogation à l’alinéa précédent :
    1° Les délais pour statuer sur les recours prévus à l’article L. 213-9 et au III et au IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne font pas l’objet d’adaptation ;
    2° Le délai imparti au tribunal administratif pour statuer sur les recours contre les résultats des élections municipales générales organisées en 2020 expire, sous réserve de l’application de l’article L. 118-2 du code électoral, le dernier jour du quatrième mois suivant le deuxième tour de ces élections.

    Article 18

    La présente ordonnance est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

    Article 19

    Le Premier ministre et la garde des sceaux, ministre de la justice, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 25 mars 2020.

Emmanuel Macron

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

Edouard Philippe

La garde des sceaux, ministre de la justice,

Nicole Belloubet