Le conseil constitutionnel vient de valider la constitutionnalité de la loi organique Covid-19, dont, au contraire de la loi ordinaire (voir ici), le contenu reste très limité (à une question de délais en QPC).
Le conseil constitutionnel valide la constitutionnalité de la loi organique Covid-19 (ce qui s’avère très discuté pour des raisons de procédure et interroge sur l’application, ou non, à la sphère constitutionnelle d’une version de la théorie, en droit administratif, des circonstances exceptionnelles).
Nous vous l’indiquions le 23 mars :
La loi organique « Faire face à l’épidémie de covid-19 » avait été adoptée telle quelle par les deux chambres :
Mais comme il s’agit d’une loi organique (qui doit donc être soumise aux sages de la rue Montpensier : art. 61 de la Constitution), surtout s’agissant d’une loi n’ayant d’autre contenu que des questions liées aux QPC (suspension des délais le temps de la crise…), le Premier Ministre avait du saisir le Conseil constitutionnel de ladite loi organique.
A cette occasion, deux universitaires avaient formulé des critiques et des demandes fort différentes :
Ledit conseil constitutionnel vient de confirmer la constitutionnalité de cette loi organique par la décision rendue ce jour.
Bref rien de bien méchant.
SAUF que l’article 46 de la Constitution prévoit un délai de 15 jours entre le dépôt et l’examen par la première assemblée saisie d’un projet ou d’une proposition de loi organique lorsque la procédure accélérée a été engagée. Ce qui ne fut pas fait. Et le juge constitutionnel n’y a pas vu malice, posant que :
« compte tenu des circonstances particulières de l’espèce,» il n’y avait pas lieu à censure constitutionnelle.
Une sorte d’application à la sphère constitutionnelle de la théorie dite « des circonstances exceptionnelles » (développée et amplifiée depuis les arrêts Dames Dol et Laurent puis Heyriès).
Sauf que cette analogie a été développée par certains (plutôt à raison me semble-t-il), et refusée par d’autres.
Sur ce point, voir par exemple l’intéressant article du Professeur M. Carpentier : http://blog.juspoliticum.com/2020/04/04/larret-heyries-du-conseil-constitutionnel-par-mathieu-carpentier/
Voici cette décision :
Décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020 – Loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 – Conformité
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 23 mars 2020, par le Premier ministre, sous le n° 2020-799 DC, conformément au cinquième alinéa de l’article 46 et au premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
Au vu des textes suivants :
-
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. La loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution.
2. Déposé devant le Sénat, première assemblée saisie, le 18 mars 2020, le projet de loi organique, pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, a été examiné en séance publique le lendemain.
3. Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution.
4. Conformément au premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution, les articles 23-4 et 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus fixent à trois mois le délai déterminé dans lequel le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. L’article 23-10 de la même ordonnance prévoit que le Conseil constitutionnel statue dans un même délai de trois mois après sa saisine.
5. Afin de faire face aux conséquences de l’épidémie du virus covid-19 sur le fonctionnement des juridictions, l’article unique de cette loi organique se borne à suspendre jusqu’au 30 juin 2020 le délai dans lequel le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et celui dans lequel ce dernier doit statuer sur une telle question. Il ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période.
6. Ces dispositions sont conformes à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. – La loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est conforme à la Constitution.
Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 26 mars 2020
ECLI:FR:CC:2020:2020.799.DC