Dans les EPT du Grand Paris, l’enveloppe globale des indemnités de fonctions applicable aux élus d’un établissement public territorial concerne le président et les vice-présidents, mais pas les indemnités prévues pour les conseillers, lesquelles, dès lors, s’ajoutent à ce montant.

La Métropole du Grand Paris (MGP), à l’architecture baroque (et dont on annonce l’imminence de la réforme… depuis 5 ans) est composée d’établissements publics territoriaux (EPT) qui sont dotés de la personnalité morale (le régime des EPT est donc bien différent de celui mis en son temps dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence).

Le régime des indemnités de fonctions dans des EPT a déjà donné lieu à quelques contentieux.

En vertu du premier alinéa de l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales, les indemnités maximales pour l’exercice effectif des fonctions de président, de vice-président (VP) et de conseiller d’un établissement public territorial ne peuvent dépasser, respectivement, 110%, 44%, et 6% de l’indice terminal de la fonction publique d’Etat.

En vertu du deuxième alinéa de l’article L. 5211-12 du même code applicable aux établissements public territoriaux (EPT) conformément au quatrième alinéa de l’article L. 5219-2-1 de ce code, le montant total des indemnités versées aux titulaires de ces fonctions ne doit pas excéder celui de l’enveloppe indemnitaire globale qui est déterminée en additionnant l’indemnité maximale pour l’exercice effectif des fonctions de président et les indemnités maximales pour l’exercice effectif des fonctions de vice-président.

L’article L. 5219-2-1 du CGCT précise qu’il y a, sur ce point précis, un régime qui déroge au droit commun : cet article déroge au plafonnement fixé par le droit intercommunal commun par l’article L. 5211-12 de ce même code. Mais jusqu’où va cette dérogation ? Plus précisément,

  • ce montant global (président + VP), plafonné par l’article L. 5211-12 du CGCT, inclut-il les sommes à verser au titre des fonctions de conseillers ?
  • ou non (auquel cas montant total est égal au plafond [Président + VP] + montant à allouer aux conseillers).

 

Le TA de Montreuil avait calculé la somme totale à ventiler entre élus comme étant limitée à l’enveloppe d’indemnités « Président + Vice-présidents (VP)  » : le montant total, selon ce TA, était plafonné sur la base de l’enveloppe totale « Président + VP + conseillers territoriaux »… y compris les 6% de l’indice brut terminal alloués aux conseillers.

Source : TA Montreuil, 16 mars 2017, n°s 1605905 et 1607748, Préfet de la Seine-Saint-Denis :

Ce jugement a été confirmé à hauteur d’appel par la CAA de Versailles :

« 6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l’enveloppe globale de rémunération telle qu’elle est définie par le deuxième alinéa de l’article L. 5211-12 doit être répartie entre l’ensemble des élus, président, vice-présidents et conseillers. Ainsi, le montant de l’enveloppe globale déterminée par la somme de l’indemnité maximale pour l’exercice effectif des fonctions de président et des indemnités maximales pour l’exercice effectif des fonctions de vice-président correspondant, respectivement, à 110% et 44% de l’indice terminal de la fonction publique d’Etat constitue le montant des rémunérations à répartir entre les élus de l’établissement public territorial. La circonstance que les dispositions de l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales fixent l’indemnité maximale de conseiller d’un établissement public territorial à 6% de l’indice terminal de la fonction publique d’Etat est sans influence sur l’application des règles sus-rappelées relative aux calcul de l’enveloppe globale de rémunération auxquelles ledit article renvoie expressément. » [CAA Versailles, 18 octobre 2018, 17VE01104].

Le même raisonnement a été conduit par au le TA de Melun (jugement n° 1605798 du 10 mai 2017) puis par la CAA de Paris (arrêt n° 17PA02176 du 23 avril 2019).

Autant dire que l’affaire semblait, pour les élus considérés, pliée.

Mais le Conseil d’Etat vient de confirmer le bien fondé des positions des EPT correspondants par un arrêt rendu hier. 

Le Conseil d’Etat (logiquement à notre sens) a fait prévaloir l’enchaînement logique des textes qui conduit à donner tout son sens à la dérogation prévue à l’article L. 5211-12 par l’article L. 5219-2-1 du CGCT :

« Le quatrième alinéa de l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales cité au point 4, qui prévoit que les indemnités des élus des établissements publics territoriaux sont régies par les dispositions de l’article L. 5211-12 du même code à l’exception de celles de son premier alinéa, doit être interprété comme rendant applicable le dispositif de l’enveloppe indemnitaire globale, prévu au deuxième alinéa de ce dernier article et qui constitue, pour les autres établissements publics de coopération intercommunale, un plafond uniquement pour les indemnités attribuées aux présidents, vice-présidents et, lorsqu’elles sont facultatives, à certains conseillers, aux indemnités votées par le conseil de territoire pour l’exercice effectif des fonctions de président et de vice-président d’un établissement public territorial, mais non aux indemnités prévues de droit par le code général des collectivités territoriales pour l’exercice effectif des fonctions de conseiller d’un établissement public territorial.

« 6. Dès lors, en jugeant qu’il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 5211-12, L. 5219-2 et L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales que l’enveloppe indemnitaire globale définie par le deuxième alinéa de l’article L. 5211-12 doit être répartie entre l’ensemble des élus, président, vice-présidents mais aussi conseillers de l’établissement public territorial, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. »

Dans les EPT du Grand Paris, l’enveloppe globale des indemnités de fonctions applicable aux élus d’un établissement public territorial concerne le président et les vice-présidents, mais pas les indemnités prévues pour les conseillers, qui dès lors s’ajoutent à ce montant.

Source : CE, 21 septembre 2020, n° 431880

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-09-21/431880

et CE, 21 septembre 2020, n° 426393 et n° 426376 [2 esp. différentes, la n°426376 étant à publier aux tables du rec.]

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-09-21/426393

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-09-21/426376