Loi SRU : en cas de carence, peut-on apprécier les créations de logements sociaux en massifiant plusieurs opérations de constructions ?

Une commune doit réaliser des logements sociaux après arrêté préfectoral de carence. L’obligation, alors, de faire 30 % de logements sociaux peut-elle donner s’apprécier en regroupant plusieurs opérations de construction voisines mais de natures différentes et de constructeurs différents ?

 

L’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation repris à l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme impose, dans les communes faisant l’objet d’un arrêté constatant une carence dans leurs obligations en matière de logements sociaux, la réalisation de logements locatifs sociaux à raison d’au moins 30 % des logements familiaux dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher.

Le représentant de l’Etat, sur demande motivée de la commune, peut déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l’opération. Le respect de ce quota s’apprécie, aux termes du texte, à l’échelle de chaque « opération de construction », contrairement au respect du quota fixé par le plan local d’urbanisme de la commune qui s’apprécie à l’échelle de chaque « opération » en l’absence de précision dans le plan local d’urbanisme.

Une CAA a eu à connaître de deux opérations de construction concernant d’une part, des logements sociaux sur un des lots d’un lotissement et, d’autre part, une résidence services séniors comportant un nombre de logements supérieur aux seuils fixés par l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme sur un autre lot de ce lotissement.

Le juge a estimé que ces deux opérations ne constituent pas une même « opération de construction » au sens et pour l’application de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme dès lors qu’elles relèvent de constructeurs distincts et ne sont pas subordonnées l’une à l’autre.

Le respect du quota de logements locatifs sociaux imposé par le texte doit donc être apprécié indépendamment pour chacune de ces deux opérations.

Par ailleurs, ni le fait qu’il y soit proposé des services collectifs tels que la restauration, ni aucun autre élément ne permet de retenir qu’une résidence services séniors échapperait en tant que telle au droit commun notamment de la copropriété et des baux d’habitation ou relèverait d’une catégorie juridique particulière, tels les logements-foyers régis par les articles L. 633-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ou les logement pour étudiants financés à l’aide d’un prêt locatif social dont les loyers sont soumis à des plafonds.

En l’absence d’autres éléments du régime applicable à une telle résidence qui permettraient d’estimer que les logements qui y seront proposés ne présenteraient pas le caractère de « logement familiaux » au sens de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme et en l’absence d’une dérogation qui aurait été accordée à la commune par l’autorité préfectorale, un permis d’aménager, ainsi que le permis de construire un immeuble collectif de soixante-douze logements sans aucun logement locatif social, et sans qu’une dérogation préfectorale n’ait été accordée, sont considérés comme méconnaissant les dispositions de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme.

Voir aussi CE 24 février 2016 Commune de Pia n° 383079 Publié aux Tables du recueil Lebon 2016 p. 991 (voir : Lotissement : un permis d’aménagement ne peut être accordé que si les caractéristiques du projet permettent de vérifier le respect des règles du PLU portant sur l’implantation des constructions ).

Source : CAA Bordeaux, 3 novembre 2020, n° 18BX03376

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CAA/decision/2020-11-03/18BX03376