L’article L. 123-12 du Code de l’environnement pose la règle assez simple selon laquelle, lorsqu’une enquête publique est organisée, le dossier d’enquête doit être mis en ligne pendant toute la durée de l’enquête :
“Le dossier d’enquête publique est mis en ligne pendant toute la durée de l’enquête“.
On pourrait déduire d’une telle disposition que, dans l’hypothèse où le dossier d’enquête publique mis en ligne serait incomplet, ladite enquête serait irrégulière, ce qui devrait entraîner l’annulation de la décision finale prise par la personne publique à l’issue de la procédure.
C’est oublier l’existence de la jurisprudence Danthony (CE, 23 décembre 2011, n°335033), selon laquelle un vice de procédure n’a pas forcément pour conséquence d’aboutir à l’annulation de l’acte adopté par la personne publique.
C’est en appliquant cette jurisprudence que, par un arrêt rendu le 26 janvier 2021, la Cour administrative d’appel de Nantes vient de juger que la procédure de révision d’un Plan local d’urbanisme n’était pas forcément irrégulière, quand bien même le dossier d’enquête mis en ligne serait incomplet.
Après avoir constaté que certaines pièces du dossier d’enquête publique n’avaient pas été mises en ligne, la Cour a toutefois relevé qu’un dossier complet avait bien été mis à la disposition des administrés en mairie, que cette information avait, elle, été mise en ligne et que, durant l’enquête publique, de nombreuses observations avaient été déposées, sans qu’aucune remarque ne soit effectuée sur la composition du dossier disponible sur Internet (hormis celle effectuée par le requérant, mais celui-ci avait reçu, à sa demande, la totalité du dossier sous format papier).
Pour la Cour, ces différents éléments montrent que, même si le dossier d’enquête publique mis en ligne était incomplet, cela n’a pas nui à l’information du public sur la révision du PLU, ce qui permet de neutraliser l’absence de respect de l’article L. 123-12 précité :
“Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une enquête publique n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. Tel est notamment le cas s’il a eu pour effet de nuire à l’information et à la participation de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête.
4. En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 27 avril 2018, à la demande de M. E…, que le dossier d’enquête publique mis en ligne sur le site Internet de la commune de Prunay-Le-Gillon était incomplet, en ce que n’y étaient pas joints les délibérations et arrêtés afférents à la procédure de révision du plan local d’urbanisme communal, le rapport de présentation de ce plan, les servitudes d’utilité publique, le plan des servitudes d’utilité publique, les annexes au plan local d’urbanisme (c’est-à-dire les annexes sanitaires, le plan des réseaux d’assainissement, le plan des réseaux d’adduction d’eau potable, le plan des contraintes, le classement sonore des infrastructures terrestres et la déclaration d’utilité publique des périmètres de protection des captages d’eau potable), ainsi que les avis antérieurement émis par les personnes publiques associées. Pour autant, il ressort des pièces du dossier que le dossier d’enquête mis à disposition du public en mairie, dans sa version papier, comportait l’ensemble des pièces requises et notamment les pièces non accessibles sur le site Internet de la commune. En outre, le dossier d’enquête mis en ligne incluait, notamment, l’arrêté du 5 mars 2018 du maire de Prunay-Le-Guillon prescrivant l’enquête publique sur le projet de révision du plan local d’urbanisme, qui mentionnait que le ” projet de révision générale du plan local d’urbanisme accompagné des avis rendus sur ce projet ” serait déposé en mairie du 3 avril au 4 mai 2018 et accessible aux horaires habituels d’ouverture de la mairie. Le dossier d’enquête publique a été consulté en mairie dix-sept fois, quatorze observations ont été formulées sur le registre d’enquête, dont au moins quatre de la part de personnes ne résidant pas sur le territoire de la commune de Prunay-Le-Guillon, et cinq courriers ont été reçus par le commissaire enquêteur. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que des personnes auraient consulté la seule version mise en ligne du dossier d’enquête ou émis, via ce support, des observations, ni que des personnes autres que M. E… se seraient plaintes du caractère incomplet du dossier d’enquête mis en ligne. Quant à M. E…, il a reçu, à sa demande, communication de l’entier dossier d’enquête publique le 27 avril 2018, à une date qui lui permettait d’émettre des observations sur le projet, ce qu’il a d’ailleurs fait. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’incomplétude du dossier d’enquête publique mis en ligne n’a pas eu pour effet de nuire à l’information et à la participation de l’ensemble des personnes intéressées par le projet ni n’a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête publique et, par suite, sur la délibération contestée du conseil municipal. Le moyen tiré de ce que cette délibération a été adoptée à la suite d’une procédure d’enquête publique irrégulière doit, dès lors, être écarté”.
Cet arrêt constitue donc un pas de plus vers la “Danthonysation” du droit de l’enquête publique.
Ref. : CAA Nantes, 26 janvier 2021, req., n° 20NT01097. Pour lire l’arrêt, cliquer ici