Affichage électoral sur un véhicule : illicéité confirmée par le Conseil d’Etat ; appréciation des dangers (au pénal et en électoral) à moduler

La campagne électorale municipale de 2020 a donné lieu, plus que les précédentes si j’en juge par les assez nombreux cas qui sont remontés à notre cabinet, à l’usage de véhicules, en général des camionnettes, arborant des affiches électorales.

Voici quelques exemples, relatifs à divers partis politiques, et au sein desquels ne se trouve naturellement aucune illustration relative aux dossiers de nos clients :

 

Le plus surprenant aura été, à plusieurs reprises, le peu de crédit accordé à mes mises en garde, entre la fin de 2019 et juin 2020… relatives à l’illécéité du procédé dans les campagnes électorales pour les élections locales ! Il faut croire que le procédé est passé dans les moeurs, à l’américaine, au point que c’est le rappel au droit qui semble exotique.

 

Alors, à l’occasion d’un tout récent arrêt, faisons le point.

Les articles L. 51 et L. 113-1 du Code électoral sont clairs pour sanctionner tout affichage en dehors des panneaux et le juge administratif a souvent statué pour dire que cela s’appliquait partout y compris sur tout autre type d’affichage (ce qui compte est qu’il y ait publicité électorale et non le support). Voir aussi CC, 14 décembre 2012, n° 2012-4628 AN…

Le juge pénal a donc censuré depuis longtemps l’usage d’affiches ou autre messages électoraux en dehors des espaces prévus à cet effet même s’il ne s’agit pas d’affiches à strictement parler (TGI Belley, 4 févr. 1965 : JCP G 1965, II, 14144 ; voir aussi TGI Carcassonne, 2 Novembre 1990, Numéro JurisData : 1990-603045).

Précisons que la jurisprudence électorale est elle ample à ce sujet mais tout dépend ensuite de l’écart de voix…

A noter : s’il s’agit d’un affichage électoral irrégulier, mais si le bénéficiaire de cet affichage électoral, mis en demeure de supprimer des affiches irrégulières, s’est exécuté dans le délai de 48 heures qui lui a été prescrit, celui-ci ne peut être pénalement mis en cause dans le cadre du code de l’environnement qui s’applique aux affichages et dont on pourrait prétendre qu’il s’applique aussi en un tel cas (C. env., art. L. 581-35, al. 2).

Le TA de Nantes (TA Nantes, 11 février 2021, n° 2006288) a confirmé que le procédé est illégal.

Mais en l’espèce, en dépit d’une différence de voix conséquente sans être énorme, et notamment en raison d’un message assez neutre, le juge a estimé que cela n’avait pas altéré la sincérité du scrutin dans la commune concernée.

Or, le 30 décembre 2021, ce jugement a été confirmé : LE PROCÉDÉ EST ILLÉGAL (mais en l’espèce le Conseil d’Etat confirme que cette illégalité — et les quelques autres soulevées — ne suffisait pas à changer la donne électorale) :

« 7. Enfin, s’il résulte de l’instruction que l’équipe de campagne de M. B… a fait circuler dans la commune de Fontenay-le-Comte, au cours de la campagne électorale, un véhicule recouvert d’adhésifs et d’affiches électorales, cet affichage sauvage, bien que contraire aux dispositions de l’article L. 51 du code électoral, n’a, compte tenu de l’écart de voix entre les listes pour l’attribution du dernier siège au conseil municipal et au conseil communautaire, pas été de nature à fausser la sincérité du scrutin. »

Source : CE, 30 décembre 2021, n° 450527

CONCLUSIONS :

  • OUI c’est une infraction pénale, mais plutôt assez rarement sanctionnée … et surtout non sanctionnable pour qui régularise sa situation à la première remarque (mais avec un petit débat sur l’application de ce régime d’exclusion de sanction pour ce type d’affichage précis)
  • OUI c’est illicite et considéré comme tel en contentieux électoral mais comme toujours il faut alors prendre en compte le message diffusé, d’une part, et l’écart de voix, d’autre part.