Par un arrêt M. B. c/ commune de Saint-Lubin-des-Joncherets (Eure-et-Loir) en date du 29 décembre 2021 (req. n° 437489), le Conseil d’État a considéré que le juge administratif exerce un contrôle normal sur la décision par laquelle une autorité territoriale place à la retraite d’office un fonctionnaire territorial en raison de son inaptitude définitive à l’exercice à tout emploi.
L’arrêt précise en outre que l’autorité territoriale se prononce au regard de l’ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé du fonctionnaire au jour de la décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n’auraient pas été communiqués à l’autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu’ils éclairent cette situation.
En l’espèce, M. B…, technicien territorial principal de 1ère classe, employé au sein des services de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets depuis le 1er octobre 1996, a été admis à la retraite pour invalidité, à compter du 1er avril 2015, par un arrêté du 18 janvier 2016 du maire de cette commune. Par un jugement du 17 octobre 2017, le tribunal administratif d’Orléans, après avoir prescrit, par un jugement avant-dire droit du 4 octobre 2016, une expertise médicale portant sur l’aptitude de M. B… à reprendre ses fonctions au jour de l’édiction de l’arrêté du 18 janvier 2016, a annulé cette décision. La cour administrative d’appel de Nantes ayant rejeté l’appel formé contre ce jugement, la commune s’est alors pourvue en cassation contre l’arrêt du 8 novembre 2019.
Pour rejeter son pourvoi, le Conseil d’État délimite tout d’abord les conditions dans lesquelles l’autorité territoriale peut prendre sa décision. Il résulte de la réglementation applicable, indique-t-il, « que lorsqu’un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l’exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d’office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme et que l’autorité territoriale doit, préalablement à la mise à la retraite, obtenir un avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. La légalité de la décision qu’il appartient à l’autorité territoriale de prendre en vue du placement d’office d’un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu’elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s’apprécie au regard de l’ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n’auraient pas été communiqués à l’autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu’ils éclairent cette situation. »
Il précise ensuite l’office du juge : « Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité territoriale sur l’inaptitude définitive d’un fonctionnaire. »
Puis, il constate au regard « des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales, lors de sa séance du 28 octobre 2014, rejoignant le sens de l’avis adopté le 17 juin 2014 par le comité médical départemental qui avait été défavorable à la réintégration du fonctionnaire à l’issue de son congé de longue maladie le 9 juin 2014, a été d’avis que M. B… était dans l’impossibilité absolue et définitive de continuer ses fonctions et, d’autre part, que la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a adopté, le 15 janvier 2016, un avis favorable au placement d’office de ce fonctionnaire à la retraite pour invalidité, qui a été suivi par l’arrêté contesté pris le 18 janvier 2016. Toutefois, le médecin désigné en exécution du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 4 octobre 2016 a conclu dans son rapport d’expertise du 16 novembre 2016 qu’il résultait des pièces médicales du dossier que l’état de santé de M. B…, tel qu’il devait être constaté au 18 janvier 2016, était exempt de pathologie et ne le rendait pas inapte à l’exercice de ses fonctions ou de tout autre poste de travail. Parmi les pièces médicales examinées par cet expert et fondant sa conclusion, qui n’avaient pas été communiquées à la commune avant l’adoption de l’arrêté contesté, figurent notamment les rapports et certificats établis, à l’époque de la séance de la commission de réforme, par le médecin traitant de M. B…, le 22 septembre 2014, ainsi que par deux médecins spécialistes, le 20 octobre 2014 et le 28 octobre 2014. »
Et de conclure que : « Dès lors que ce rapport de l’expert désigné par le tribunal administratif ainsi que les pièces et renseignements médicaux sur lesquels il s’est fondé pour l’établir étaient propres à établir la réalité de l’état de santé de M. B… au 18 janvier 2016, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour administrative d’appel de Nantes a jugé […] que le maire de Saint-Lubin-des-Joncherets avait commis une erreur d’appréciation en estimant que M. B… présentait, au 18 janvier 2016, une inaptitude définitive et absolue à l’exercice de ses fonctions. »
Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-12-29/437489