Le fonctionnaire qui demande sa mutation dans une commune n’a pas à l’informer qu’il fait l’objet d’une enquête pénale.

Par un arrêt Mme B… c/ commune de Linas en date du 30 décembre 2021 (req. n° 441863), le Conseil d’État précise qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d’informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d’une procédure de mutation de l’existence d’une enquête pénale le mettant en cause, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n’en faisant pas état. Par suite, la commune d’accueil ne peut légalement retirer à tout moment la décision de recrutement d’un fonctionnaire au motif que ce dernier avait manqué au devoir de probité auquel il était tenu en sa qualité d’agent public en lui dissimulant qu’il faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l’exercice de fonctions analogues.

En l’espèce, Mme B…, qui occupait depuis le 1er août 2011, en qualité de rédactrice territoriale en chef, les fonctions de gestionnaire des finances municipales de la commune de Verneuil-sur-Seine (Yvelines), a postulé, le 28 novembre 2011, auprès de la commune de Linas (Essonne) afin d’occuper, par voie de mutation, le poste vacant de responsable des finances de cette commune. A la suite d’un entretien du 5 décembre 2011, la commune de Linas a fait connaître à Mme B…, par un courrier du 14 décembre 2011, son accord pour la recruter. Par un courrier du 11 janvier 2012, le maire de la commune de Verneuil-sur-Seine a donné son accord à cette mutation à compter du 1er février 2012.

Entretemps, Mme B…, qui avait fait l’objet, le 30 décembre 2011, d’une citation à comparaître par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chartres, a été condamnée par ce tribunal le 9 janvier 2012 à une peine de prison avec sursis pour abus de confiance commis dans l’exercice de précédentes fonctions auprès du comité des oeuvres sociales de la commune de Lucé (Eure-et-Loir), sans inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Par lettres du 10 février 2012, la commune de Linas a fait savoir au maire de Verneuil-sur-Seine et à Mme B… qu’en considération de cette condamnation, elle ne souhaitait plus donner suite à la procédure de recrutement de Mme B… et leur a indiqué que cette dernière devait reprendre ses fonctions dans les services de la commune de Verneuil-sur-Seine.

Mme B… a alors demander à la commune de Linas de réparer les préjudices causés par l’illégalité de sa décision de retrait du 10 février 2012. Face au refus de la commune, elle a saisi le tribunal administratif de Versailles. Cependant, ce dernier a, par un jugement du 29 novembre 2016, rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Linas. Le jugement ayant été confirmé par la cour administrative d’appel de Versailles, Mme B… s’est alors pourvue en cassation contre l’arrêt du 12 décembre 2019 rendu par celle-ci.

Pour faire droit au pourvoi et annuler l’arrêt d’appel, le Conseil d’État observe tout d’abord qu’il résulte des dispositions de l’article 51 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l’article 14 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 « que la mutation d’un fonctionnaire territorial en dehors de sa collectivité d’origine est subordonnée, d’une part, à l’accord entre le fonctionnaire concerné et la collectivité d’accueil, d’autre part, à l’absence d’opposition de la collectivité d’origine, enfin, à l’écoulement d’un délai de trois mois entre la décision de la collectivité d’accueil de recruter ce fonctionnaire et la prise de fonctions de celui-ci, à moins que les deux collectivités ne parviennent à un accord sur une date d’effet anticipée. »

Or, « la cour administrative d’appel a estimé que la décision de procéder au recrutement de Mme B… avait été obtenue par fraude au motif qu’elle avait manqué au devoir de probité auquel elle était tenue en sa qualité d’agent public en dissimulant à la commune de Linas qu’elle faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l’exercice de fonctions analogues, de sorte que la commune avait pu légalement retirer cette décision de recrutement par sa décision contestée du 10 février 2012. Ce faisant, la cour a commis une erreur de droit dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d’informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d’une procédure de mutation de l’existence d’une enquête pénale le mettant en cause, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n’en faisant pas état. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-12-30/441863