Accords cadres (dont les marchés à bon de commande) : le Conseil d’Etat confirme la censure des contrats dépourvus de plafond, même ceux passés avant le décret du 23 août 2021…

Ont été rétablis, par un décret du 23 août 2021, les plafonds, les maxima, pour les accords cadres  (marchés à bon de commande y compris). Après l’arrêt Simonsen & Weel de la CJUE, il était difficile de faire autrement… Mais pour les contrats antérieurs à ce décret, quelques espoirs, maigres, d’éviter la censure du juge demeuraient. Ces ultimes espoirs viennent d’être douchés par le Conseil d’Etat. Ce qui ne veut pas dire que les acheteurs publics sont, procéduralement, désarmés, fort heureusement. 

 

PLAN DE NOTRE ARTICLE :

  • I. Le problème : au minimum faut-il, en commande publique, un maximum
    • I.A. L’arrêt Simonsen & Weel A/S
    • I.B. La prompte réaction de la DAJ avant même le décret 
    • I.C. Quelques éléments complémentaires d’analyse  
    • I.D. Aggravation du problème : le juge français applique déjà cette obligation, de manière logique mais dure, sans tirer parti des régularisation ou requalifications qui eussent pu être possibles 
  • II. Le début de solution : une restauration des plafonds (incomplète et problématique sur certains points, cela dit)
    • II.A. le décret : la DAJ restaure les plafonds… Ou au moins un plafond
    • II.B. Quelques problèmes restent encore non résolus par ce décret, hélas
      • II.B.1. Une entrée en vigueur faussement rassurante, qui pourra (un peu) tenter de servir de ligne de défense…
      • II.B.2. La question des marchés à bon de commande voire des SAD…
      • II.B.3. Quels plafonds fixer ?
      • II.B.4. Et pour les marchés en cours ? Et quand un plafond est-il atteint en cas de marché avec plusieurs attributaires ?
  • III . Une confirmation : il faut bien dès maintenant se doter d’accords cadres et de marchés à bon de commande pourvus de maxima, la défense consistant à s’abriter derrière les délais laissés par le décret étant à l’évidence faible 
  • IV. L’arrêt 456418 du Conseil d’Etat en date du 28 janvier 2022 confirme la censure des contrats dépourvus de plafond, même ceux passés avant le décret du 23 août 2021… 
  • V. Mais cela ne veut pas dire que les personnes publiques concernées sont dépourvues de toute ligne de défense en termes soit d’un intérêt lésé du requérant, soit quant au caractère suffisant des informations fournies. 
  • VI. Voir aussi une vidéo qui traite de ce sujet ainsi que de nombreux autres en matière d’achats récurrents

 

 


 

 

I. Le problème : au minimum faut-il, en commande publique, un maximum

 

I.A. L’arrêt Simonsen & Weel A/S

 

Par une importante décision, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20) a posé que (la mise en gras souligné, au sein de cet extrait du dispositif de l’arrêt, nous est imputable, bien sûr) :

« 1) L’article 49 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, les points 7 et 8 ainsi que le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets.

2) L’article 49 de la directive 2014/24 ainsi que le point 7 et le point 10, sous a), de la partie C de l’annexe V de cette directive, lus en combinaison avec l’article 33 de ladite directive et les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette dernière, doivent être interprétés en ce sens que l’avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre de manière globale et que cet avis peut fixer des exigences supplémentaires que le pouvoir adjudicateur déciderait d’y ajouter.

3) L’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable dans l’hypothèse où un avis de marché a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, même si, d’une part, la quantité estimée et/ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre envisagé ressort non pas de cet avis de marché, mais du cahier des charges et, d’autre part, ni ledit avis de marché ni ce cahier des charges ne mentionnent une quantité maximale et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu dudit accord-cadre. »

 

A ce dernier sujet, citons le point 71 de l’arrêt :

» l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, dès lors que, à l’égard d’un accord-cadre, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus d’offrir, conformément à l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2014/24, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché à partir de la date de publication d’un avis conformément à l’article 51 de cette directive.»

Source : CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20

BREF : pour les accords cadres, au minimum faut-il un maximum… 

 

 

 

I.B. La prompte réaction de la DAJ avant même le décret 

 

La DAJ de Bercy a vite mis en ligne sa doctrine à ce sujet et elle annonce des réformes à venir, même si bien sûr nombre de question restent sans réponses claires :

 

 

I.C. Quelques éléments complémentaires d’analyse  

 

Sur tous ces points, voir :

 

Voir aussi cette une courte vidéo (3 mn 45), une présentation de ce dossier « Marchés : au minimum faut-il un maximum », présenté par Me Eric Landot, suivi par un entretien avec :

  • M. Olivier Metzger
    (alors Directeur des affaires juridiques et patrimoniales, Ville de Saint-Priest ; redevenu avocat depuis)

 

https://youtu.be/zU5eRAC4ZHo

Il s’agit d’une reprise d’un dossier extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, intitulée « les 5′ juridiques ».
Pour mieux connaître notre partenaire WEKA, fort de 40 ans d’expertise :

 

I.D. Aggravation du problème : des TA ont déjà appliqué dès le 23 août 2021 cette obligation, de manière logique mais dure, sans tirer parti des régularisation ou requalifications qui eussent pu être possibles 

 

Or, voici que le juge français :

  • aura été prompt à appliquer cette nouvelle jurisprudence européenne
  • et ce avec une plus grande férocité que le juge européen, qui lui avait eu le bon goût de ne pas censurer le marché qui lui était soumis.

 

En effet, la censure immédiate de marchés passés avant l’arrêt CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20)… est sévère et il eût fallu pour les juristes concernés être devins pour éviter ce piège.

Voici cette nouvelle ordonnance :

Source : TA Bordeaux, ord., 23 août 2021, n° 2103959 (voir aussi l’ordonnance rendue le même jour avec le même contenu dans l’affaire 2103292 et 2103356) .pdf

Nous avons commenté cette ordonnance ici :

 

Or c’est cette ordonnance qui a été confirmée par le Conseil d’Etat le 28 janvier 2022 (voir ci-après IV.).

 

A petites causes, grands effets… Car un marché qui s’effondre faute de plafond, pour les gaulois que nous sommes, c’est un peu le ciel qui nous tombe sur la tête.

 

 

 

II. Le début de solution : une restauration des plafonds (incomplète et problématique sur certains points, cela dit)

 

II.A. le décret (la DAJ restaure les plafonds… Ou au moins un plafond)

 

Au JO a été publié le décret n° 2021-1111 du 23 août 2021 modifiant les dispositions du code de la commande publique relatives aux accords cadres et aux marchés publics de défense ou de sécurité (NOR : ECOM2110845D) :

 

Ce décret entre en vigueur :

  • pour l’essentiel le lendemain de sa publication et s’applique aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de son entrée en vigueur.
  • toutefois, les articles 2 et 4 s’appliquent aux accords-cadres pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022 . Voir sur ce point ci-après « II.B.1. »

En premier lieu, le décret tire les conséquences de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 juin 2021, Simonsen & Weel A/S, aff. C-23/20, qui impose aux acheteurs d’indiquer dans les avis d’appel à la concurrence relatifs aux accords-cadres la quantité ou la valeur maximale des prestations qui pourront être commandées sur le fondement de l’accord-cadre. Ainsi, le décret supprime, à compter du 1er janvier 2022, la possibilité de conclure des accords-cadres sans maximum (il devra y avoir un maximum en valeur ou en quantité).

En second lieu, le décret contient plusieurs mesures de simplification des modalités de passation des marchés publics de défense ou de sécurité, en particulier ceux répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen. Notamment :

  • il relève à 100 000 euros HT le seuil de dispense de procédure applicable à ces marchés, supprime l’obligation de publication au BOAMP ou dans un journal d’annonces légales des avis de marché à partir de 90 000 euros HT et des avis d’attribution des marchés supérieurs au seuil européen,
  • sécurise les marchés passés par carte d’achat en permettant une computation de leurs montants a posteriori
  • assouplit les modalités de vérification des candidatures.
  • vise également à favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises à ces marchés en supprimant l’obligation de constituer des garanties financières en contrepartie du versement de certaines sommes.

 

 

II.B. Quelques problèmes restent encore non résolus par ce décret, hélas

 

 

II.B.1. Une entrée en vigueur faussement rassurante, qui pourra (un peu) tenter de servir de ligne de défense…

 

Nous écrivions il y a quelques jours ce qui suit :

« Nous l’avons vu ci-avant en « I.D. », le juge français a déjà commencé de censurer des passations ne respectant pas l’exigence de l’existence de plafonds, et ce de manière en sus un brin sévère en l’espèce.

« L’existence de ce délai d’entrée en vigueur dans ce décret vise peut-être à donner aux acheteurs publics une nouvelle ligne de défense pour leurs marchés en cours de passation. Mais la solidité de cette  ligne de défense n’est à sur-estimer… dirons nous sans entrer dans les détails pour ne pas risquer de compromettre, en tant qu’avocats, nos futures lignes de défense. 

« Bref en attendant par prudence… adoptez donc des plafonds pour vos achats à venir. Voir II.B.3. cela dit.»

 

Mise à jour au 31/8/2021… Pour une confirmation des craintes à ce sujet voir ci-après « III.» 

 

 

II.B.2. La question des marchés à bon de commande voire des SAD…

 

Il est à craindre, en dépit de ce que le décret ne porte que sur les accords cadres, qu’il ne faille appliquer par prudence des plafonds aussi aux marchés à bon de commande… qui sont des accords cadres (ainsi qu’aux systèmes d’acquisition dynamique pour ceux qui pensaient que ceux-ci étaient déplafonnables, ce qui était débattu).

Les marchés à bon de commande sont donc concernés par ce nouveau décret si l’on combine les articles R. 2162-2 et R. 2162-4 du CCP.

 

aspirine

 

 

II.B.3. Quels plafonds fixer ?

 

Il sera tentant (notamment pour les centrales d’achat qui auront encore plus de mal à fixer leurs futures consommations de ces marchés !) d’indiquer des plafonds énormes, aux frontières de la fantaisie, mais nul doute que sur ce point le juge exercera au minimum un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (et donc, fixer des plafonds élevés par prudence, oui… mais pas au point de sortir du « défendable »).

 

L’interprétation de la DAJ de Bercy à ces sujets nous semble raisonnable. A voir ici :

 

Voici quelques extraits de cette prose sur ces points :

  1. cet arrêt « ne remet […] nullement en cause la possibilité pour les acheteurs de passer des accords-cadres sans montant minimum contractuel.»
    (cela va de soi mais vu certains mouvements de panique sur les réseaux sociaux ça va mieux en le disant)
  2. « Il est recommandé aux acheteurs de prévoir, pour leurs futurs projets d’accords-cadres, le montant maximum des marchés subséquents ou des bons de commande qu’elles pourront demander aux attributaires d’exécuter et au-delà duquel ces attributaires seront libérés de leurs obligations contractuelles.»
    (oui certes c’est là tout l’apport de l’arrêt…)
  3. « Ce montant maximum pourra être fixé à un montant plus élevé que le montant estimé prévisible des achats sur la base des consommations moyennes des dernières années ou de la programmation budgétaire pour l’année à venir. Une telle démarche assure aux acheteurs une marge de sécurité permettant de répondre à de possibles très fortes hausses du besoin, comme l’expérience a pu en être faite à l’occasion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. »
    (ce mode d’emploi s’impose en effet. Mais il ne sera pas très commode par exemple pour les centrales d’achat)

  4. « La fixation d’un maximum élevé pourra éventuellement conduire les acheteurs, notamment pour assurer la sécurité de leurs approvisionnements, à envisager de recourir à des accords-cadres multi-attributaires.»
    (logiquement la DAJ ne s’aventure pas à conjecturer sur le contrôle que ferait le juge sur le caractère sérieux, raisonnable, ou non d’un tel plafond. Le juge déciderait-il, comme nous l’espérons, de se limiter un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation ou irait-il plus loin ? Ce point est LA question du moment, incertaine dans sa réponse mais ô combien importante).

 

Donc rien ne semblait en 2021 justifier (hélas) de différer cette adoption de plafonds à 2022.

Mais il est toujours possible de fixer de tels plafonds un peu haut en se fondant sur des justifications solides au cas par cas bien sûr… dans les limites du contrôle du juge (sans doute limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation).

 

 

 

II.B.4. Et pour les marchés en cours ? Et quand un plafond est-il atteint en cas de marché avec plusieurs attributaires ?

 

L’absence de plafonds va pour les marchés en cours se révéler très difficile à appliquer par les centrales d’achat, qui par définition ont une grande incertitude quant aux montants applicables.

Et comme il l’a été justement relevé sur twitter :

 

 

Pour les marchés existants, des faiblesses seront à redouter, sauf à avenanter : il ne faudrait pas que le juge par exemple accepte de considérer qu’un marché subséquent un peu conséquent puisse être vicié par le fait que l’accord cadre initial était fixé sans plafond. En demande comme en défense, nous aurions en de pareils cas divers points à soulever, mais nous ne pouvons dans le cadre du présent article dévoiler nos batteries sauf à prendre le risque de fragiliser des positions de certains clients.

… et même pour les marchés futurs, ayant plusieurs attributaires, il faudra prévoir des clauses propres au calcul du plafond quand plusieurs marchés subséquents seront atteints.

 

 

 

III . Une confirmation : il faut bien dès maintenant se doter d’accords cadres et de marchés à bon de commande pourvus de maxima, la défense consistant à s’abriter derrière les délais laissés par le décret étant à l’évidence faible 

 

Le TA de Lille vient de rendre une ordonnance dont nous n’avons pas encore le texte mais dont des points entiers ont été diffusés par le cabinet Centaure, requérant en l’espèce, et que voici :

« un accord-cadre doit indiquer une valeur ou une quantité maximale dans le cadre la procédure de passation du marché public, un tel principe étant applicable en l’espèce nonobstant la circonstance que le décret du 23 août 2021 modifiant les dispositions du code de la commande publique relatives aux accords-cadres et aux marchés publics de défense ou de sécurité et intervenu notamment afin de tirer les conséquences de la décision précitée de la Cour de justice de l’Union européenne n’a prévu l’entrée en vigueur des dispositions de son article 2 portant suppression de la possibilité de conclure un accord-cadre sans mention d’une valeur maximale qu’à compter du 1er janvier 2022 ».
[…] « il résulte du règlement de consultation que la technique d’achat employée en vue de la conclusion de ce marché est celle de l’accord-cadre. Celui-ci a toutefois été passé sans préciser le montant maximum estimé notamment en ce qui concerne le lot n°1. Si l’avis de marché mentionnée une valeur estimé de 1.500.000 euros, il ne comporte aucune précision sur une éventuelle ventilation entre ces deux lots et ne mentionne pas de valeur maximale estimée du lot n°1 […] la société requérante n’a pas été en mesure d’apprécier la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n°1 de l’accord-cadre en litige. L’irrégularité tenant à l’absence de mention de la valeur maximale de l’accord-cadre à été de nature à léser la société requérante dès lors qu’elle n’a pu présenter une offre adaptée financièrement et techniquement aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre et donc influer sur le contenu de celle-ci sans que le préfet et le groupement attributaire ne puissent utilement faire valoir sur ce point que la société Centaure avocats n’a adressé à l’administration aucune question dans le cadre de la procédure de passation ni se prévaloir de la circonstance que la société requérante était la société attributaire du précédent marché ».

TA Lille, ord. 27 août 2021, SELARL Centaure Avocats, n°2106335

Or, comme le souligne à juste titre notre confrère Lafay, il est notable que le juge des référés de ce TA ait expressément mentionné, dans ses visas, le décret 2021-1111 précité.

La censure européenne est d’effet immédiat, nulle raison pour qu’un différé d’entrée en vigueur au niveau national ne vienne, hélas, s’y opposer, sauf attitude très constructive d’autres juridictions…

L’arrêt 456418 du Conseil d’Etat en date du 28 janvier 2022 est de toute manière ensuite intervenu pour mettre fin aux derniers espoirs de ligne de défense sur ce point.

 

IV. L’arrêt 456418 du Conseil d’Etat en date du 28 janvier 2022 confirme la censure des contrats dépourvus de plafond, même ceux passés avant le décret du 23 août 2021… 

 

L’ordonnance du TA de Bordeaux évoquée ci-avant au point I.D. … a été confirmée par le Conseil d’Etat par une décision en date du 28 janvier 2022 :

« 6. Il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne mentionné au point 5 que, pour tout appel à concurrence relatif à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre qui, eu égard à son montant, entre dans le champ d’application de cette directive, l’avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l’avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées. Il n’en va différemment que pour les accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, pour lesquels le décret du 23 août 2021, modifiant notamment les dispositions de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique, a supprimé la possibilité de conclure un accord-cadre sans maximum, en différant, en son article 31, l’application de cette règle aux avis de marché publiés à compter du 1er janvier 2022 afin de ne pas porter une atteinte excessive aux intérêts privés et publics en cause.

« 7. D’une part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que ni l’avis de marché, ni le cahier des clauses techniques particulières, ni aucune autre pièce du marché ne mentionnait la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n° 1 de l’accord-cadre en litige, qui relève du champ d’application de la directive du 26 février 2014 mentionnée ci-dessus, et, d’autre part, après avoir souverainement estimé qu’en l’espèce, l’absence de cette information n’avait pas mis la société Coved à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux n’a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en jugeant que la communauté de communes Convergence Garonne avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et que la société Coved avait pu être lésée par ce manquement et était ainsi fondée à demander l’annulation de la procédure de passation du lot en litige.

« 8. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes Convergence Garonne n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée.»

Source : Conseil d’État, 28 janvier 2022, n° 456418

… ce qui douche les derniers espoirs de ceux qui pouvaient espérer sauver ceux de leurs contrats conclus avant l’arrêt de la CJUE ou, au moins, ceux intervenus avant le décret du 23 août 2021.

 

NB ce qui suit reprend un article de Me Marie Gouchon, avocate préassociée de notre cabinet :

 

En effet, dans une telle situation, les acheteurs publics peuvent s’appuyer sur la fameuse jurisprudence« Smirgeomes » du 3 octobre 2008 (req. n°305420) par laquelle le Conseil d’État a exigé, pour qu’un requérant obtienne gain de cause, qu’il démontre que le manquement invoqué a été susceptible de le léser.

NB ATTENTION cela dit désormais il importe d’user de cette jurisprudence avec quelques précautions. Voir :

 

Or, il est fort probable que dans de nombreux cas, les candidats évincés soient dans l’impossibilité de démontrer que l’absence de mention d’un maximum ait pu les léser. Un tel argument aura encore plus de chances de prospérer lorsque, dans les documents de la consultation, des informations auront été communiquées par l’acheteur public sur l’étendue de l’accord-cadre (par exemple, communication d’une estimation des besoins). En effet, dans une telle hypothèse un candidat évincé se trouvera probablement dans l’impossibilité de démontrer que la communication d’un maximum, en montant ou en quantité, aurait pu avoir un quelconque impact sur son offre et donc lui permettre d’être déclaré attributaire.

Il s’agit d’ailleurs de la ligne de défense mise en œuvre par notre cabinet dans le cadre d’un référé précontractuel pour lequel nous avons défendu un acheteur public devant le Tribunal administratif de Paris et pour lequel nous avons obtenu gain de cause.

Dans cette espèce, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris s’est attaché à déterminer si, malgré l’absence de maximum, l’étendue du besoin était suffisamment déterminable par les soumissionnaires :

« Il résulte de l’instruction que l’avis de marché publié au Journal officiel de l’Union européenne indique la valeur estimée de l’accord-cadre, fixée, hors TVA, à X euros pour une durée de quatre ans renouvelable une fois pour une période de deux ans. En outre, l’annexe 3 du cahier des clauses techniques particulières fournit de très nombreuses statistiques, relatives notamment au nombre de cartes d’achat à fournir, aux montants dépensés par ministère et par établissement public et au nombre de transactions effectuées. Si ces données portent sur l’exécution de l’accord-cadre actuel, qui concerne X établissements publics, alors que l’accord- cadre litigieux possède un périmètre beaucoup plus large, incluant X établissements, elles fournissent des informations utiles quant à l’étendue des besoins à satisfaire. La société requérante n’a, de surcroît, sollicitée aucune précision complémentaire. Ainsi, contrairement à ce qu’elle soutient, même si le montant maximum de l’accord-cadre n’a pas été fixé par le pouvoir adjudicateur, les pièces du marché fournissaient des informations suffisamment précises aux soumissionnaires pour leur permettre d’évaluer le montant estimé sur quatre ans. » (TA de Paris, 9 août 2021, req. n°2115638/4).

Finalement, le juge a estimé que, même si aucun montant maximum n’a été fixé, les informations fournies par le pouvoir adjudicateur étaient suffisamment précises pour connaître l’étendue des besoins à satisfaire et permettre aux candidats d’apprécier leur capacité à exécuter l’accord-cadre ; le juge en a conclu que le requérant n’était pas lésé et a donc rejeté ses conclusions.

 

Dans une autre ordonnance de référé, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a adopté un raisonnement similaire (TA Montreuil, ord., 9 septembre 2021, n° 2110510).

L’espoir semble donc encore permis pour les acheteurs publics dont l’accord-cadre ne contiendrait pas de montant maximum.

Lien vers l’ordonnance du TA de Paris :

 

NB : pour un cas où le requérant justifiait à ce titre d’un intérêt lésé selon le TA, voir TA Saint-Martin, ord. 18 septembre 2021, Sté X, n°2100122, dont nous n’avons pas le texte mais qui est commenté ici.

 

Voici ce que nous pouvions vous dire pour éviter que le ciel ne vous tombe sur la tête en cas d’absence de plafond :

 

NB : pour un cas où le requérant justifiait à ce titre d’un intérêt lésé selon le TA, voir TA Saint-Martin, ord. 18 septembre 2021, Sté X, n°2100122, dont nous n’avons pas le texte mais qui est commenté ici.

 

 

VI. Voir aussi une vidéo qui traite de ce sujet ainsi que de nombreux autres en matière d’achats récurrents

 

Accords-cadres (mono ou multi-attributaires) ; accords-cadres à bon de commande ; acquisitions dynamiques (SAD) ; obligations de plafonds ; combinaison avec les outils de centrales d’achats ; solutions face aux risques d’entente…

Il n’est aisé ni de choisir entre les divers outils relatifs aux achats récurrents, ni d’en éviter quelques pièges.

Dans ce cadre aussi passionnant que complexe, le cabinet Landot & associés a décidé de lancer une table ronde, très détaillée (1h34) et composée d’experts reconnus :

  • Mme Céline Dobsik, Directrice juridique, UniHA, la coopérative des acheteurs hospitaliers
  • Me Evangelia Karamitrou, avocate associée au sein du cabinet Landot & associés
  • Me Marie Gouchon, avocate pré-associée au sein du cabinet Landot & associés
  • M. Kévin Picavez, Consultant juridique, DAE (Direction des achats de l’Etat)

… animée par M. Stéphane Menu, journaliste

Les sujets à aborder ne manquent pas. Nous avons tenté de les sérier en quelques grands thèmes :

  •   I. Comparaison rapide des divers outils
  •  II. L’accord cadre, principales questions
  • III. Le SAD
  • IV. Conclusions

 

Voici l’ensemble en à peine plus d’1h30 :

https://youtu.be/UFN-8bIuKdQ