Marchés à bon de commande ou accords cadres passés sans plafond : attention le juge français commence à frapper !

Mise à jour au 25/8/2021, voir :

Bercy restaure les plafonds des accords cadres, après la démolition effectuée la CJUE… Mais le décret au JO de ce matin suscite quelques interrogations. 

 

 

 

Par son déjà célèbre arrêt Simonsen & Weel, la CJUE a, pour les marchés publics, emplafonné l’absence de plafonds dans les marchés publics, ce qui pose de nombreuses difficultés pour les marchés à bon de commande et les accords cadres (voire certains SAD) qui n’auraient pas de tels plafonds.

Source : CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20).

La DAJ de Bercy a vite mis en ligne sa doctrine à ce sujet et elle annonce des réformes à venir, même si bien sûr nombre de question restent sans réponses claires.

Sur tous ces points, voir :

 

Voir aussi cette une courte vidéo (3 mn 45), une présentation de ce dossier « Marchés : au minimum faut-il un maximum », présenté par Me Eric Landot, suivi par un entretien avec :

  • M. Olivier Metzger
    Directeur des affaires juridiques et patrimoniales, Ville de Saint-Priest

 

https://youtu.be/zU5eRAC4ZHo

Il s’agit d’une reprise d’un dossier extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, intitulée « les 5′ juridiques ».
Pour mieux connaître notre partenaire WEKA, fort de 40 ans d’expertise :

 

 

Or, voici que le juge français :

  • aura été prompt à appliquer cette nouvelle jurisprudence européenne
  • et ce avec une plus grande férocité que le juge européen, qui lui avait eu le bon goût de ne pas censurer le marché qui lui était soumis.

 

En effet, la censure immédiate de marchés passés avant l’arrêt CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20)… est sévère et il eût fallu pour les juristes concernés être devins pour éviter ce piège.

En l’espèce, une communauté de communes a lancé en mai 2021 un appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet la « collecte en porte-en-porte et en apport volontaire, tri et valorisation des déchets ».

Le candidat arrivé en second a attaqué le marché et il a gagné en référé précontractuel, avec retour à la case départ pour la procédure, le juge posant que le marché ainsi lancé était bien un :

« accord-cadre mono-attributaire exécuté par émission de bons de commande et divisé en deux lots, pour une période de quatre ans. »

… et ce sans maximum.

Certes la communauté de communes tentait de soulever qu’elle avait bien indiqué un maximum, mais c’était là une « valeur totale estimée de l’accord-cadre » et non un maximum dûment rempli comme tel par exemple dans les autres pièces du marché.

Et le juge de continuer avec une certaine rigidité :

« La communauté de communes ne démontre pas que les pièces du marché permettaient aux candidats d’apprécier la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n°1 en litige. Ni l’énumération du tonnage des déchets collectés sur les six dernières années, de la fréquence, horaires et jours de collecte, ni l’indication du périmètre d’intervention, de la répartition des conteneurs et de la liste des points de collecte ne sont de nature, en l’état de l’instruction et en l’absence de précisions supplémentaires, de pallier l’absence de définition du maximum des prestations susceptibles d’être fournies en vertu de cet accord-cadre, ce qui n’a pas en l’espèce permis à la société Coved de présenter, une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elles pourraient être amenées à répondre, quand bien même cette dernière était précédemment titulaire du marché. Contrairement à ce que fait valoir en défense la communauté de communes […], l’arrêt susmentionné de la CJUE n’a pas comme objet d’exclure l’application des principes dégagés aux situations juridiquement constituées et se borne à préciser que le degré de gravité requis pour entraîner l’application de la sanction prévue par l’article 2 quinquiès paragraphe 1 sous a) de la directive 89/655, qui n’est pas applicable en l’espèce, n’est pas atteint. De plus, cet arrêt de la CJUE n’a pas limité dans le temps la portée de l’interprétation donnée par elle, ce qui exclut la possibilité pour le juge des référés de différer son application fusse pour des motifs de sécurité juridique. Par suite, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’évaluation de cette valeur maximale, y compris approximative, ne serait pas possible, la procédure de passation de l’accord-cadre relative au lot n°1 ici en litige, compte tenu du manquement ainsi relevé, doit être annulée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requête. »

 

Conclusions opérationnelles :

  • l’arrêt de la CJUE commence d’être appliqué par le juge français, ce qui ne surprendra personne
  • le juge français n’a pas en l’espèce usé des quelques indices qui lui eussent permis de trouver que le montant estimatif était connu et que le montant plafond estimatif était un montant plafond. Ce qui eut été souple mais nullement impossible.
  • pour vos marchés en cours concernés… prudence :
    • si vous en êtes à la passation… en apaisant tout pré-conflit afin de tenter de limiter les envies contentieuses ;
    • si vous êtes à l’exécution…  en définissant de manière prudente quand le contrat devra cesser de donner lieu à bons de commandes ou à marchés subséquents.
  • pour vos marchés à lancer, en attendant le texte réglementaire annoncé par la DAJ de Bercy, il faut mettre des plafonds même un peu exagérés. Au minimum faut-il un maximum…

 

Voici cette nouvelle ordonnance :

Source : TA Bordeaux, ord., 23 août 2021, n° 2103959 (voir aussi l’ordonnance rendue le même jour avec le même contenu dans l’affaire 2103292 et 2103356) .pdf

 

A petites causes, grands effets… Car un marché qui s’effondre faute de plafond, pour les gaulois que nous sommes, c’est un peu le ciel qui nous tombe sur la tête.