Afin de faciliter la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, l’implantation d’antennes-relais par les différents opérateurs est facilitée par certaines règles d’urbanisme spécifiques particulièrement avantageuses.
Par exemple, la loi ELAN du 23 novembre 2018 a posé la règle dérogatoire (certes à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2022 mais on ne pas exclure que cette échéance soit repoussée) selon laquelle les autorisations d’urbanisme permettant l’implantation d’une antenne de radiophonie mobile ne peuvent pas être retirées par leur auteur, même si elles sont illégales (alors qu’en principe, toute autorisation d’urbanisme peut être retirée par son auteur si elle est illégale et dans un délai de trois mois à compter de son édiction, comme le prévoit l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme).
De même, lorsqu’un recours en référé est introduit à l’encontre d’une décision refusant l’autorisation d’implanter une antenne ou bien procédant à son retrait , la condition tirée de l’urgence est présumée être remplie au nom de l’intérêt public qui s’attache à la couverture numérique du territoire (v.par exemple parmi l’abondante jurisprudence en ce sens CE, 2 juillet 2008, Société Française de Radiophonie, Rec., p. 260).
Les opérateurs de téléphonie mobile disposent donc d’outils juridiques qui leur sont propres et qui sont destinés à faciliter l’implantation de leurs équipements.
Mais qu’en est-il des infrastructures dites “passives” qui sont constituées d’antennes édifiées par des constructeurs qui ne sont pas opérateurs de radiophonie mobile (même si bien souvent, ces acteurs dits “tower co” sont des filiales de ces derniers) ?
Dans la mesure où leur projet consiste simplement à implanter une antenne, un pylône, mais sans exploiter directement cet équipement, ces acteurs peuvent-ils revendiquer le bénéfice des règles propres aux antennes de radiophonie mobile ?
Le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse positive à cette interrogation dans des termes exempts de toute ambiguïté.
Même s’il n’est pas établi que le demandeur de l’autorisation a conclu avec un opérateur de radiophonie un accord sur le fonctionnement de l’antenne, l’urgence à suspendre le refus ou le retrait de la décision de la collectivité est présumée, toujours au nom de l’intérêt public tiré de la couverture numérique du territoire :
“Pour estimer que la condition d’urgence requise par les dispositions citées ci-dessus de l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’était pas remplie et rejeter en conséquence la demande de suspension dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur la circonstance qu’il ne résultait pas de l’instruction que la société Hivory aurait, pour le projet litigieux, conclu un engagement avec l’un au moins des opérateurs de communications électroniques engagés auprès de l’Etat.
En se fondant sur cette circonstance, sans prendre en compte l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et la finalité de l’infrastructure projetée, qui a vocation à être exploitée par au moins un opérateur ayant souscrit des engagements avec l’Etat et dont le réseau ne couvre que partiellement le territoire de la commune, le juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la société Hivory est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque”.
De même, l’autorisation d’implanter une antenne dont est titulaire une société Tower Co ne peut être retirée, en application des dispositions particulières posées par la loi ELAN :
” est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision le moyen tiré de ce que la commune, à laquelle les dispositions citées ci-dessus de l’article 222 de la loi du 23 novembre 2018, qui ont dérogé à titre expérimental à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, interdisaient de procéder au retrait de la décision de non-opposition, a méconnu les dispositions de l’article R. 424 13 du code de l’urbanisme en refusant de délivrer le certificat de non-opposition demandé”.
Cette jurisprudence ne va donc pas ralentir l’apparition des antennes relais dans nos paysages…bien au contraire.
Ref. : CE, 24 février 2022, Société Hivory, req., n° 454047. Pour lire l’arrêt, cliquer ici