Par un arrêt Mme I… et Mme E… en date du 16 février 2022 (req. n° 439427), le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité.
En l’espèce, Mme A… E… puis Mme D… I…, agents comptables de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), ont intégré dans la comptabilité de cet établissement pour les exercices 2013 à 2017 le paiement, par les régisseurs d’avance, sur ordre de l’ordonnateur, de frais de transport vers la France de travailleurs saisonniers marocains et tunisiens depuis leur pays d’origine.
Par un arrêt du 13 janvier 2020 contre lequel Mmes I… et E…, la Cour des comptes a jugé que ces paiements étaient irréguliers, faute de respecter les termes des conventions de main d’œuvre conclues par la France en 1963 avec le Maroc, d’une part, et la Tunisie, d’autre part, lesquelles ne prévoient la prise en charge de ces frais qu’à partir du point de débarquement en France des travailleurs concernés, et en a déduit qu’en intégrant ces paiements dans la comptabilité de l’OFII, Mmes I… et E… avaient engagé leur responsabilité au titre de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963.
Saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt, le Conseil d’État rappelle qu’il résulte de la réglementation applicable « que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée. Si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité. »
Or, poursuite le Conseil d’État, « il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que les décisions instituant les régies d’avance de l’OFII permettaient la prise en charge des frais de transport des travailleurs saisonniers au départ du Maroc et de la Tunisie. Pour constituer débitrices les comptables de l’OFII concernées, la Cour des comptes a jugé que la prise en charge des frais de transport des travailleurs saisonniers au départ du Maroc et de la Tunisie jusqu’en territoire français présentait un caractère irrégulier, au motif que les conventions de main d’œuvre conclues avec ces deux pays en 1963 stipulaient que l’État français supporte “les frais de transport et d’accueil entre le point de débarquement en France et le lieu de travail”. En statuant ainsi, elle a exigé des comptables qu’elles exercent un contrôle de légalité sur les pièces fournies par l’ordonnateur alors que, en présence des pièces justificatives requises, les comptables étaient tenues d’intégrer les paiements litigieux dans la comptabilité de l’établissement. Elle a, par suite, entaché son arrêt d’erreur de droit au regard des principes rappelés au point précédent. »
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