Nous l’avions commenté il y a de cela un an dans cet article, en ce 12 avril 2022, le Conseil d’État (CE, 12 avril 2022, requête. n°452601) vient de confirmer le jugement de la CAA de Marseille du 15 mars 2021, n° 20MA01853, reconnaissant que le délai de recours en reprise des relations contractuelles (« Béziers II ») n’est pas impacté par la saisine du comité consultatif de règlement amiable des différends.
Lors des opérations de réception de l’ouvrage concernant une opération d’extension et de réhabilitation d’un lycée, la société Q assumant le rôle de contrôleur technique a émis un avis défavorable portant sur un des bâtiments. Le maître d’ouvrage A a ainsi notifié le maître d’œuvre F de la résiliation pour faute du marché le 1e mars 2018.
Ce dernier a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) des litiges du différent puis le TA d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles.
Or, le CE le rappelle « une partie à un contrat administratif peut, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. »
Ici, la notification de la résiliation du contrat s’est faite à la date du 1e mars 2018, celle de la saisine du CCIRA, à la date du 27 avril 2018, donc moins de deux mois après la première. Cependant, la date de la saisine du tribunal administratif tendant à ce qu’il ordonne la reprise des relations contractuelles, s’est faite le 31 mai 2019, soit bien après cette même notification. Ainsi, si le Conseil d’État reconnaissait que le délai de recours en reprise de relations contractuelles était suspendu, cette longue attente aurait été valide.
Prévus par l’article L. 2197-3 et réglementés par les articles R. 2197-1 à D2197-22 du code de la commande publique, ces comités « ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l’exécution des marchés. ». Ce ne sont ni des juridictions, ni des instances d’arbitrage : ils émettent des avis que les parties sont libres de suivre ou non. Les comités constituent une alternative qui se veut efficace à des recours contentieux souvent longs et coûteux.
La décision de la CAA de Marseille du 15 mars 2021 pouvait paraître étrange, en effet, la saisine de ces CCIRA est sensée interrompre le cours des différentes prescription et délais de recours contentieux (l’article 142 du décret du 25 mars 2016, alors applicable, qui se retrouve aujourd’hui à l’article R2197-16 du code de la commande publique) indique :
« La saisine (…) d’un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions et les délais de recours contentieux jusqu’à la notification du constat de clôture de la médiation ou la notification de la décision prise par l’acheteur sur l’avis du comité. » (article 142 du décret du 25 mars 2016 (alors applicable)).
Cependant, le Conseil d’État a fait du cas du recours en reprise des relations contractuelles (dit « Béziers II ») une exception, comme il lui était arrivé de faire lors de précédents arrêts (en effet, dans CE, 30 mai 2012, SARL Promotion de la restauration touristique, n° 357151, rec. p.237, il avait entériné que l’exercice d’un recours administratif pour contester la mesure de résiliation, s’il est toujours loisible au cocontractant d’y recourir, ne peut avoir pour effet d’interrompre un délai de recours contentieux).
Ainsi, reprenant le raisonnement du jugement de la CAA de Marseille du 15 mars 2021, il exclut des bornes de la compétence des CCIRA les questions relatives à la contestation d’une mesure de résiliation de contrat, excluant par la même occasion son interruption des délais aux recours dits « Béziers II » :
« Il résulte de ces dispositions et stipulations que la compétence confiée au comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges, qui se borne à la formulation de propositions de solutions amiables aux différends financiers relatifs à l’exécution des marchés publics, ne s’étend pas aux litiges portant exclusivement sur la contestation de la régularité ou du bien-fondé d’une mesure de résiliation en vue d’obtenir la reprise des relations contractuelles. Il s’ensuit que la saisine de ce comité n’est pas de nature à interrompre le délai de deux mois imparti au demandeur […] pour introduire le recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, dont, en tout état de cause, le régime contentieux particulier commande que les parties en saisissent le juge, qui dispose des pouvoirs de pleine juridiction l’autorisant à ordonner la reprise des relations contractuelles, dans les meilleurs délais. »
*article rédigé avec le concours de Lucas Blondiaux, stagiaire.