TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS N° 2012679/6-3 ___________ Mme M. B. ___________ Mme T. Rapporteure ___________ M. A. Audience du 9 juin 2022 Décision du 28 juin 2022 _________ 61-01-01-02 C |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Paris 6ème section – 3ème chambre |
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Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, Mme M. B., représentée par Me F., demande au tribunal :
1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme totale de 25 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus responsable de la Covid-19 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– il appartenait à l’Etat, à qui il incombe de prévenir et de gérer les crises sanitaires et de mettre en œuvre le pouvoir de police sanitaire, de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la propagation du virus responsable de la Covid-19 et permettre à la population de se protéger ;
– une faute simple dans la mise en œuvre de ces attributions est de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;
– en l’espèce, l’absence d’anticipation de la survenue d’une épidémie telle que celle de la Covid-19, qui s’est traduite par le constat d’une pénurie de masques de protection à l’apparition de ce virus, constitue une faute ; en effet, faute de mettre en œuvre les mesures de prévention adaptées, l’Etat a méconnu le principe de précaution tel qu’il est garanti par l’article 5 de la charte de l’environnement ;
– la gestion de cette pénurie de masques entre les mois de janvier et mars 2020 s’est révélée défaillante également ;
– la communication des autorités de l’Etat quant à l’utilité des masques pour le grand public, d’une part, et quant à l’éventualité de la mise en place prochaine de mesures visant à fermer les écoles et instaurer un confinement de la population, d’autre part, qui n’a pas permis à la population de se protéger, révèle également une faute ;
– la pénurie de gel hydroalcoolique constatée au début de la crise sanitaire est la conséquence d’une absence d’anticipation de la part des autorités de l’Etat, qui ont en outre tardé à remédier au problème ; cette pénurie révèle également une carence fautive ;
– le choix du Gouvernement français de ne pas procéder au dépistage massif des personnes présentant des symptômes de la Covid-19 aux mois de mars et d’avril 2020 constitue également une faute ;
– en ne prenant pas la décision de confiner la population avant le 16 mars 2020, l’Etat a également commis une faute ;
– l’ensemble de ces fautes est à l’origine de sa contamination par le virus de la Covid-19 ;
– elle demande donc la réparation intégrale des préjudices qui en ont résulté, soit la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d’anxiété et la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– le principe de précaution garanti par l’article 5 de la charte de l’environnement n’est pas applicable en matière de santé publique ;
– la communication de l’Etat, adaptée au niveau de connaissances disponibles quant aux caractéristiques du virus, ne s’est pas avérée fautive ; en tout état de cause, l’allégation du requérant à cet égard n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
– l’Etat n’a commis aucune faute dans la gestion de l’approvisionnement du pays en masques et de la distribution des masques disponibles ;
– l’Etat a pris les mesures nécessaires pour éviter une pénurie de gel hydroalcoolique ; il n’a donc commis aucune faute à cet égard ;
– la stratégie de dépistage mise en œuvre par le Gouvernement était adaptée aux connaissances et aux projections scientifiques alors disponibles ; en outre, le Gouvernement a pris les mesures nécessaires pour augmenter les capacités nationales de dépistage dès le début de la crise sanitaire ; aucune faute ne saurait donc être retenue s’agissant de la gestion de la mise en œuvre de la politique de dépistage ;
– la décision de procéder au confinement de la population, mesure qui visait à éviter la saturation des hôpitaux et à ralentir la circulation du virus, mais restreignait de manière particulièrement importante les libertés individuelles, s’est révélée justifiée par l’évolution de l’épidémie, lorsqu’elle est devenue absolument nécessaire pour préserver la santé publique ; cette décision ne revêt pas de caractère tardif et, par suite, fautif ;
– à titre subsidiaire, aucune des fautes invoquées par la requérante ne présente un lien de causalité direct et certain avec sa contamination par le virus responsable de la Covid-19.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de la santé publique,
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme T.,
– les conclusions de M. A., rapporteur public,
– les observations de Me F., représentant Mme B. ;
– et les observations de M. P., représentant la ministre de la santé et de la prévention.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B. a été hospitalisée à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, du 27 au 31 mars 2020 en raison d’une pneumonie virale à coronavirus-19. Par un courrier reçu le 23 avril 2020, elle a demandé au Premier ministre de l’indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus responsable de la Covid-19, estimant que la prévention puis la gestion de la crise sanitaire avant sa contamination révélaient différentes fautes de nature à engager la responsabilité de l’Etat.
Sur les fautes alléguées :
2. Aux termes de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique : « définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun. / La politique de santé relève de la responsabilité de l’Etat. (…) / La politique de santé comprend : / (…) 7° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires (…) ». Aux termes de l’article L. 1413-1 du même code : « L’Agence nationale de santé publique est un établissement public de l’Etat à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. / L’agence a pour missions : / 1° L’observation épidémiologique et la surveillance de l’état de santé des populations ; / 2° La veille sur les risques sanitaires menaçant les populations ; (…) / 5° La préparation et la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires ; / 6° Le lancement de l’alerte sanitaire. / (…) Elle assure, pour le compte de l’Etat, la gestion administrative, financière et logistique de la réserve sanitaire et de stocks de produits, équipements et matériels ainsi que de services nécessaires à la protection des populations face aux menaces sanitaires graves (…) ». Aux termes de l’article L. 3131-1 du même code, dans sa rédaction applicable antérieurement au 24 mars 2020 : « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces
La Nation possibles sur la santé de la population. (…) ». En outre, l
’article L. 1413-1 du code de la santé publique prévoit que l’agence nationale de santé publique (Santé publique France ou SPF), prenant la suite de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) à compter du 1er mai 2016, exerce au nom de l’Etat la gestion du stock des équipements nécessaires à la protection des populations face aux menace sanitaires graves, au nombre desquels figurent les masques.
En ce qui concerne la décision de confiner la population à compter du 16 mars 2020 :
3. La découverte d’un nouveau coronavirus a été annoncée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 9 janvier 2020. Le 22 janvier 2020, l’OMS a confirmé la transmission interhumaine de ce virus. Le 31 janvier 2020, cette organisation a déclaré que le nouveau coronavirus constituait une urgence de santé publique internationale. Le 11 mars2020, l’OMS a déclaré une situation de pandémie.
4. L’émergence de ce nouveau coronavirus responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19, de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Ainsi, par deux arrêtés des 4 et 9 mars 2020, les rassemblements de plus de 5 000, puis de 1 000 personnes ont été interdits. Puis, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants, élèves et étudiants dans les établissements les recevant a été suspendu. Par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie deCovid-19, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12 heures, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être arrêtées par le représentant de l’Etat dans le département. Par cette mesure, le Premier ministre entendait ralentir la propagation du virus sur le territoire national et préserver la capacité des établissements de santé à prendre en charge les patients atteints de forme grave de la Covid-19.
5. Mme B. soutient que, compte tenu de l’évolution du nombre de contaminations en France, cette dernière mesure a été prise trop tardivement, alors qu’elle souligne que l’Etat français a été informé de l’existence du virus par son réseau consulaire dès le mois de décembre 2019. Dans la mesure où cette mesure de police applicable à l’ensemble du territoire limitait l’exercice des libertés individuelles, en particulier de la liberté d’aller et venir, elle devait être nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elle poursuivait à la date à laquelle elle a été prise.
6. Or, d’une part, dans les circonstances exceptionnelles résultant de l’apparition du virus responsable de la Covid-19 et compte tenu en particulier des modes de transmission du virus, l’objectif de protection de la santé publique ne pouvait consister en l’empêchement pur et simple de l’apparition d’une épidémie sur le territoire national. D’autre part, il ne résulte pas de l’instruction qu’avant le 16 mars 2020, la situation constatée en France, en particulier le nombre de contaminations et le nombre de patients pris en charge par les établissements de soins, ait rendu nécessaire de prendre une mesure aussi restrictive des libertés individuelles, en particulier de la liberté d’aller et venir, afin de prévenir la propagation du virus. Par suite, il ne résulte pas de l’instruction que l’absence de mise en œuvre d’une mesure de confinement avant le 16 mars 2020 soit constitutive d’une faute, la requérante ne précisant en tout état de cause pas à quelle date elle estime que cette mesure aurait dû intervenir.
En ce qui concerne la constitution d’un stock de masques par l’Etat :
7. Il résulte de l’instruction, en particulier du rapport sur « la veille et l’alerte sanitaires en France », publié par l’Institut de veille sanitaire en 2011, et du rapport annuel sur l’état de préparation mondiale aux situations d’urgence sanitaire, publié par le conseil mondial de suivi de la préparation institué en mai 2018 par le groupe de la Banque mondiale et l’OMS, que le risque d’émergence d’un agent pathogène respiratoire à l’origine d’une pandémie était connu par la communauté scientifique et par les autorités sanitaires françaises. Par ailleurs, l’Etat avait connaissance du fait que de tels masques constituaient l’un des principaux moyens de protection dans le cadre d’une telle épidémie, en particulier dans une phase où ni vaccin ni traitement ne seraient disponibles. Ainsi, l’avis relatif à « la stratégie à adopter concernant le stock Etat de masques respiratoires », émis le 1er juillet 2011 par le Haut conseil de la santé publique (HCSP), recommandait la constitution, par l’Etat, d’un stock de masques chirurgicaux et d’appareils de protection respiratoire de type FFP2. Le rapport sénatorial fait au nom de la commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la Covid-19 et de sa gestion remis le 8 décembre 2020 indique que l’objectif que s’était fixé l’Etat, dès 2009, était d’acquérir un milliard de masques FFP2 et un milliard de masques chirurgicaux.
8. Or, il est constant que, lors de l’émergence du coronavirus 2019, le stock d’Etat était constitué de 117 millions de masques chirurgicaux et d’1,5 millions de masques FFP2, soit un stock largement inférieur aux objectifs que s’était fixé l’Etat dès 2009, sans que la pertinence des recommandations émises en 2011 ait été remise en cause par les autoritéscompétentes de l’Etat. La circonstance qu’un tel stock était insuffisant pour faire face à l’apparition d’une pandémie telle celle résultant de la Covid-19 n’est d’ailleurs pas sérieusement contestée en défense.
9. Ainsi, la requérante est fondée à soutenir que l’Etat a commis une faute en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène.
En ce qui concerne la communication du Gouvernement :
10. La requérante fait valoir que plusieurs déclarations gouvernementales ont indiqué, au cours des mois de février et mars 2020, qu’il n’était pas utile, pour la population générale, de porter un masque. Or, les recommandations scientifiques disponibles, en particulier celles émises par le HCSP le 1er juillet 2011, faisaient état de l’utilité du port demasques respiratoires par la population générale, notamment dans les transports en commun, dans l’hypothèse de la survenue d’une épidémie causée par un agent respiratoire hautement pathogène. Ainsi, la requérante est fondée à soutenir que de telles déclarations, qui ont pu avoir notamment pour effet de dissuader la population d’avoir recours à des masques alternatifs, revêtent, compte tenu de leur caractère contradictoire avec les données scientifiques disponibles, un caractère fautif.
11. En revanche, si certaines déclarations gouvernementales, faites antérieurement à l’édiction de l’arrêté du 14 mars 2020 et du décret du 16 mars 2020, cités au point 4 ci-dessus, ont annoncé que les établissements scolaires ne seraient pas fermés et que la population ne serait pas confinée, la seule circonstance que ces annonces se soient révéléescontraires aux mesures instaurées par cet arrêté et ce décret ne saurait être constitutive d’une faute.
12. Enfin, la requérante, qui se borne à indiquer que le Gouvernement a donné des informations inexactes sur l’utilité d’un dépistage, n’apporte pas de précision suffisante à l’appui de cette allégation pour permettre d’en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la gestion de la pénurie de masques :
13. Le ministre des solidarités et de la santé indique que le Gouvernement a décidé de recourir à l’importation pour pallier la pénurie de masques dès le mois de janvier 2020 et fait état de plusieurs commandes passées à l’étranger, pour un nombre de 250 millions de masques au 21 mars 2020. Le ministre fait également état des mesures de réquisitions instaurées par le décret n°2020-190 du 3 mars 2020 et indique que la production nationale de masques a été renforcée. Il indique qu’au 25 mars 2020, le stock d’Etat était composé de 5 millions de masques FFP2 et de 81 millions de masques chirurgicaux. Enfin, il précise qu’à compter du 30 mars 2020, des moyens exceptionnels ont été alloués à Santé publique France afin de pouvoir passer des commandes massives de masques.
14. Eu égard au contexte de pénurie préexistante de masques, à la forte demande en approvisionnement qui s’est à cette époque exprimée au niveau mondial, et à la date à laquelle l’urgence de santé publique internationale a été déclarée par l’OMS, le 31 janvier 2020, il ne résulte pas de l’instruction que les mesures prises par l’Etat avant le mois de mars 2020 pour disposer d’un stock de masques pour lutter contre la propagation du virus soient de nature à révéler une carence fautive.
En ce qui concerne le gel hydroalcoolique :
15. Mme B. soutient que la France s’est trouvée, au début de la crise sanitaire, dans une situation de pénurie de gel hydroalcoolique. Si elle fait valoir que cette pénurie serait exclusivement due à l’impréparation de l’Etat, qui aurait en outre tardé à remédier à l’indisponibilité de ce type de produit, elle ne fournit aucune précision permettant d’apprécierle bien-fondé de cette allégation, alors, d’une part, que l’hygiène des mains pouvait, malgré l’indisponibilité de ce gel, être assurée par un lavage des mains à l’eau et au savon dans de très nombreuses hypothèses, d’autre part que l’Etat a pris des mesures pour faciliter la production de ce produit dès le mois de mars 2020.
En ce qui concerne la stratégie de dépistage :
16. Mme B. soutient que le choix du Gouvernement français de ne pas procéder à un dépistage massif des personnes présentant des symptômes de la Covid-19 aux mois de mars et d’avril 2020, alors que l’OMS avait recommandé, le 16 mars 2020, que les Etats procèdent à des dépistages massifs et qu’il aurait été possible d’atteindre une capaciténationale de dépistage plus importante que celle constatée, en particulier en mobilisant les laboratoires de ville et les laboratoires vétérinaires, constitue également une faute.
17. A cet égard, le ministre des solidarités et de la santé fait valoir que l’agence SPF a saisi le centre national de référence de l’Institut Pasteur dès le mois de janvier, ce qui a permis la mise au point d’un test de dépistage utilisant la technique « RT-PCR » le 22 janvier 2020, et un déploiement de cette technique auprès des établissements de santé de référence. L’activité de dépistage alors menée par des laboratoires de type 3 a dû être suspendue, à compter du 7 février 2020, en raison d’une alerte européenne relative à la contamination des réactifs utilisés, et n’a pu reprendre que le 21 février. Le ministre indique que la France a ensuite été confrontée à des difficultés d’approvisionnement au réactif indispensable au fonctionnement du test, dans un contexte de forte pression internationale sur les pays producteurs et qu’il a été décidé de permettre aux laboratoires hospitaliers de type 2 de pratiquer des tests, permettant ainsi d’avoir une capacité de commande renforcée auprès desproducteurs, mais fait valoir que tous ces laboratoires n’étaient pas équipés pour pratiquer ces tests. Il souligne enfin que tant l’OMS que le Haut conseil de la santé publique, le centre européen de prévention et de contrôle des maladies et la commission européenne ont recommandé d’adopter une stratégie de priorisation des tests dans un contexte de rationalisation des ressources diagnostiques et qu’il a donc été décidé en France de tester prioritairement les personnes à risque.
18. A titre liminaire, il n’est pas allégué par Mme B. que la stratégie de dépistage définie par le Gouvernement en mars 2020, à une période où les capacités de dépistage étaient limitées, serait en elle-même inadaptée.
19. Par ailleurs, alors que les mesures prises par les autorités sanitaires françaises dès l’apparition du virus ont permis la mise au point d’une technique de dépistage rapidement mise en œuvre et que la France a été confrontée à des difficultés exogènes d’approvisionnement pour les éléments nécessaires à la constitution de kits de dépistage, il ne résulte pas de l’instruction que l’absence de mise à contribution, dès la recommandation générale de l’OMS du 16 mars 2020, des laboratoires de ville et des laboratoires vétérinaires, dont il n’est pas établi qu’ils auraient alors été opérationnels, soit constitutive d’une faute, alors en particulier qu’il n’est fait état d’aucune recommandation scientifique émise à cette période tendant à faire pratiquer en France des dépistages systématiques eu égard au nombre de contaminations alors constatées.
20. Enfin, à supposer que Mme B. ait entendu invoquer le principe de précaution, elle ne saurait à cet égard utilement invoquer l’article 5 de la charte de l’environnement dès lors que les carences qu’elle allègue ne sont pas relatives à des atteintes à l’environnement.
Sur le lien de causalité :
21. Eu égard, en premier lieu, à la nature particulièrement contagieuse du virus responsable de la Covid-19 et au caractère néanmoins aléatoire de sa transmission d’un individu à un autre, en deuxième lieu, à l’absence de caractère infaillible de la mesure de prévention que constitue le port d’un masque respiratoire, en troisième lieu, aux autres mesures disponibles pour se protéger, en particulier le respect de distances physiques et le lavage régulier des mains, dont l’application a été largement recommandée par les autorités françaises, et, enfin, en l’absence de tout élément particulier sur la situation personnelle de Mme B., il ne résulte pas de l’instruction que l’absence de mise à disposition de masques de protection pour la population générale résultant de la carence fautive de l’Etat et la communication fautive de l’Etat quant à l’utilité du port de ces dispositifs présentent un lien de causalité suffisamment direct avec la contamination de l’intéressée par le virus responsable de la Covid-19. Dans ces conditions, les fautes de l’Etat ne sont pas de nature à engager, dans les circonstances de l’espèce, la responsabilité de l’Etat à son égard.
22. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de Mme B., y compris les conclusions relatives aux frais d’instance, doivent être rejetées.
D E C ID E :
Article 1er : La requête de Mme B. est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme M. B. et à la ministre de la santé et de la prévention.