A l’instar de tout changement jurisprudentiel d’ampleur, l’arrêt Béziers II (CE Sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n°304806, publié au recueil Lebon), ouvrant une nouvelle voie de recours en permettant au cocontractant de contester une décision de résiliation devant le juge du contrat et de faire ordonner par celui-ci la reprise des relations contractuelles, a été cause de l’émergence d’une distinction centrale : d’un côté, les simples mesures d’exécution du contrat, ouvrant uniquement un droit à indemnisation ; de l’autre, les mesures de résiliation, permettant de saisir le juge d’un recours en reprise des relations contractuelles.
Par la suite, le champ d’application du recours en reprise des relations contractuelles a été précisé par le Conseil d’Etat (CE, 6 juin 2018, Société Orange, req. n°411053, mentionné aux tables du recueil Lebon ; cf à ce propos un autre article de notre blog), en ce que la décision de non-renouvellement d’une convention ne constituait pas une mesure de résiliation, et ne permettait par conséquent pas au cocontractant de former un tel recours.
L’arrêt ici présenté (CE, 13 juillet 2022, Commune de Sanary-sur-mer, req. n°458488, mentionné aux tables du recueil Lebon) se place dans la continuité de cette veine jurisprudentielle, jugé par la même formation (CHR 8e– 3e ) à quelques années d’intervalle, à propos de faits d’espèces similaires.
Il était question, en l’espèce, d’une convention d’occupation temporaire du domaine public portuaire conclue par la commune de Samary-sur-Mer avec M.B, permettant à son titulaire de bénéficier d’un poste d’amarrage dans le port de cette commune.
L’origine du litige réside dans la décision prise par le maire de ne pas renouveler le contrat, alors arrivé à son échéance, en application de stipulations prévues par la convention. Désireux de continuer à en bénéficier, les requérants ont demandés au tribunal administratif de Toulon d’annuler ladite décision.
Dès lors, au vu des principes précédemment évoqués, l’enjeu se trouvait dans la détermination de la nature de la décision litigieuse, commandant la recevabilité du recours intenté. Après le rejet de la demande d’annulation par le tribunal administratif, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé les décisions en cause, analysant les conclusions dont elle était saisie comme tendant à l’annulation du refus de renouvellement de la convention d’occupation domaniale en litige.
Cependant, le raisonnement du Conseil d’État ne procède pas de la même analyse. En effet, les juges du Palais-Royal ont considérés, après avoir rappelé dans un premier temps les principes de la jurisprudence Béziers II, que l’
«exception relative aux décisions de résiliation ne s’étend pas aux décisions de la personne publique refusant de faire application de stipulations du contrat relative à son renouvellement. Il s’agit alors de mesures d’exécution du contrat qui n’ont ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours. »
Par conséquent, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en annulant les décisions litigieuses, alors même qu’elles constituaient de simples mesures se rattachant à l’exécution du contrat.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État a par suite estimé que « les conclusions soumises au tribunal administratif, qui tendent à l’annulation du refus de faire application des stipulations d’une convention d’occupation domaniales relatives à son renouvellement, sont irrecevables (…) ».
Ainsi, en réitérant une solution acquise pour lui donner une formulation plus générale et une portée plus étendue sur un point précis, le Conseil d’État a poursuivi la clarification du régime de recevabilité du recours en reprise des relations contractuelles, consolidant à cet égard la distinction entre résiliation et non-renouvellement.
*article rédigé en collaboration avec Thomas Mancuso, stagiaire