Aides « loi Sueur » aux cinémas en 1e année d’exploitation : après la censure du Conseil d’Etat, puis la loi 3DS, c’est en fait un nouveau régime qui naît au JO de ce matin

Les modes de gestion des cinémas, ainsi que les aides que l’on peut apporter à ceux-ci, forment un domaine passionnant que nous avons, à notre cabinet, l’habitude d’exercer avec le sentiment d’être des horlogers maniant des mécanismes complexes.

Mais il est, au coeur de ces rotors, tourbillons et autres complications, se trouve un rouage central : les aides loi Sueur, que peuvent donner les communes et intercommunalités à un grand nombre de ces cinémas.

Sauf qu’en 2021, il a plu aux juges du Palais Royal, de poser que l’article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ne permet pas de telles subventions la première année d’exploitation dudit cinéma.

Pour les dossiers en cours voire passés (si les délais de recours étaient encore ouverts), ce pouvait être assez sanglant :

Cela ne voulait pas dire que les aides Loi Sueur n’étaient plus à prévoir dans le mix des solutions possibles pour aider le cinéma local (à combiner avec les choix entre modes de gestion, en prenant en compte les diverses aides CNC et les options de la collectivité), mais que ces aides étaient donc à n’envisager qu’à partir de l’année n+1 (voire n+2 le temps du classement…) de l’exploitation du nouveau cinéma, ce qui compliquait encore un peu plus des montages possibles. En cas de régime associatif, ou de montage en DSP (ou a fortiori de gestion publique où la question ne se pose plus) les solutions possibles étaient multiples pour contourner ces obstacles. En cas de montage via un bail commercial (possible sous certaines conditions posées par le juge administratif), même quand la personne publique est propriétaire des murs, les solutions étaient en revanche bien plus complexes que de par le passé…

CE, 10 mars 2021, n° 434564, à mentionner aux tables du rec. (voir notre article : Cinéma : les aides « loi Sueur » ne peuvent être utilisées au moment de la création du cinéma )

Voir aussi : Cinémas : majoration temporaire des aides « Loi Sueur » 

Bref, retour en arrière.

La riposte vint vite, à la suite de cette annulation (assez logique au regard des formulations des textes, avouons le), car cela remettait en cause nombre de montages sur tout le territoire national :

Par l’article 148 de cette loi 3DS, au lieu de corriger le bug initial et de permettre de telles aides dès la première année, le législateur a préféré faire un régime additionnel propre à ces premières années d’exploitation, confirmant notre génie national pour les solutions les moins simples en droit :

«Article 148

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 2251-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des subventions peuvent également être attribuées à ces mêmes entreprises pour la création d’un nouvel établissement répondant aux critères mentionnés au premier alinéa. Les conditions d’attribution de ces subventions sont fixées par décret en Conseil d’Etat. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 3232-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des subventions peuvent également être attribuées à ces mêmes entreprises pour la création d’un nouvel établissement répondant aux critères mentionnés au premier alinéa. Les conditions d’attribution de ces subventions sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Restait à avoir le bénéfice dudit décret en Conseil d’Etat, ce qui est chose faite par la magie du JO de ce matin, avec le :

Faire un nouveau régime propre aux premières années d’exploitation n’avait de sens que si l’aide était plus conséquente et adaptée au lancement d’un tel établissement. C’est ce qui fut fait car il est prévu que le montant annuel de ces subventions ne peut excéder 30 % du coût du projet, ce qui n’est pas rien et changera les montages à venir.

Les subventions octroyées portent nécessairement sur le financement de travaux et d’investissements liés à la construction et à la création du nouvel établissement.

A cet égard, le conseil d’administration du CNC détermine, conformément à l’article L. 112-2 du code du cinéma et de l’image animée, la liste des travaux et investissements éligibles aux aides financières à la création et à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques, prévues à l’article L. 111-2 2° b du même code. Cette liste figure dans le règlement général des aides financières du CNC reproduit à la suite du code du cinéma et de l’image animée (article 232-18 du RGA).

Le décret procède par ailleurs à une actualisation des dispositions existantes.

Voici ce texte :

Article 1

  • La section VI du chapitre unique du titre Ier du livre V de la première partie de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
    1° Au premier alinéa de l’article R. 1511-40, le mot : « titulaire » est remplacé par les mots : « déjà titulaire ou futur titulaire » et les mots : « par l’article 14 du code de l’industrie cinématographique, par le Centre national du cinéma et de l’image animée » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 212-2 à L. 212-5 du code du cinéma et de l’image animée » ;
    2° Après l’article R. 1511-41, il est inséré un article R. 1511-41-1 ainsi rédigé :

    « Art. R. 1511-41-1. – En cas de création d’un nouvel établissement de spectacle cinématographique, le futur exploitant de l’établissement produit à l’appui de sa demande un dossier comprenant :
    « 1° Les statuts de l’exploitation ;
    « 2° Une description de l’équipement envisagé et de la capacité prévue de l’établissement ;
    « 3° Les comptes d’exploitation prévisionnels des deux premières années d’exploitation ;
    « 4° Une étude de marché indiquant le nombre d’entrées prévisionnel moyen estimé sur les deux premières années d’exploitation ainsi que l’intérêt du projet pour le territoire ;
    « 5° Le projet cinématographique tel que prévu au 6° de l’article R. 1511-41 ainsi que le projet de programmation détaillé notamment en matière de diffusion d’œuvres cinématographiques d’art et d’essai. » ;

    3° L’article R. 1511-42 est ainsi modifié :
    a) Au premier alinéa, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « ou le futur exploitant » et le mot : « commune » est remplacé par les mots : « collectivité concernée » ;
    b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou, en cas de création d’un nouvel établissement, au projet cinématographique et au projet de programmation prévus au 6° de l’article R. 1511-41-1 » ;
    c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
    « 3° Les conditions dans lesquelles l’intéressé s’oblige, en cas de non-respect des engagements et objectifs prévus au 6° de l’article R. 1511-41 ou, en cas de création d’un nouvel établissement, au 5° de l’article R. 1511-41-1, à restituer, en tout ou partie, les aides perçues. » ;
    4° L’article R. 1511-43 est ainsi modifié :
    a) Les mots : « l’octroi d’un soutien financier, par application des dispositions de l’article 11 du décret n° 98-750 du 24 août 1998 relatif au soutien financier à la diffusion de certaines œuvres cinématographiques et au soutien financier à la modernisation et à la création des établissements de spectacles cinématographiques » sont remplacés par les mots : « l’attribution d’aides financières à la création et à la modernisation des établissements de spectacle cinématographique par le Centre national du cinéma et de l’image animée en application du b du 2° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée » ;
    b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
    « Les investissements liés à la création ou la modernisation des établissements de spectacle cinématographique peuvent notamment porter sur les bâtiments existants ou à construire, les conditions techniques d’exploitation, l’accès à l’établissement, le confort des salles de spectacles ainsi que sur la création de nouvelles salles dans un établissement. »