Certaines communes et EPCI sont désormais tenus d’élaborer « une stratégie numérique responsable ». Mode d’emploi

Il a fallu un peu moins de 9 mois pour que de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, naisse au JO ce décret d’application :

  • décret n° 2022-1084 du 29 juillet 2022 relatif à l’élaboration d’une stratégie numérique responsable par les communes de plus de 50 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants (NOR : TREB2216824D) :

 

NB : le numérique étant à l’origine de 2,5% des émissions gaz à effet de serre en France (Ademe et Arcep) mais ces chiffres sont difficiles à établir et le coût carbone de l’utilisation de ces produits est souvent présentée comme assez peu de choses au regard du coût de leur fabrication (d’où d’indispensables réflexions sur les cycles de vie et la réparabilité de tels produits).  

 

I. Une édification législative par étapes (lois empreinte numérique puis climat/résilience)

 

A la base, l’article 35 de cette loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021, précitée, prévoyait déjà un système en deux temps :

I. – Les communes de plus de 50 000 habitants définissent, au plus tard le 1er janvier 2025, une stratégie numérique responsable qui indique notamment les objectifs de réduction de l’empreinte environnementale du numérique et les mesures mises en place pour les atteindre.
Elles élaborent, au plus tard le 1er janvier 2023, un programme de travail préalable à l’élaboration de la stratégie mentionnée au premier alinéa du présent I, qui comporte notamment un état des lieux recensant les acteurs concernés et rappelant, le cas échéant, les mesures menées pour réduire l’empreinte environnementale du numérique.
La stratégie numérique responsable fait l’objet d’un bilan annuel dans le cadre du rapport sur la situation en matière de développement durable prévu à l’article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales.
Le contenu de cette stratégie et les modalités de son élaboration sont précisés par décret.
Le présent I est applicable aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plus de 50 000 habitants.
II. – A la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « rapport », sont insérés les mots : « , qui comprend notamment le bilan annuel de la stratégie numérique responsable mentionnée au I de l’article 35 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, ».
III. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2025.

 

« I.-Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 2311-1-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport précise le programme d’actions mis en place pour assurer la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire dont la collectivité territoriale est propriétaire, dans un objectif de respect des obligations prévues à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation. » ;
2° Les articles L. 3311-2 et L. 4310-1 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport précise le programme d’actions mis en place pour assurer la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire dont la collectivité territoriale est propriétaire, dans un objectif de respect des obligations prévues à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation. »
II.-Le I entre en vigueur le 1er janvier 2024. »

Dès lors, l’article L. 2311-1-1 du CGCT est ainsi formulé jusqu’à la fin de 2023 :

« Dans les communes de plus de 50 000 habitants, préalablement aux débats sur le projet de budget, le maire présente un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation et à contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable inscrits au programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies. Le contenu de ce rapport, qui comprend notamment le bilan annuel de la stratégie numérique responsable mentionnée au I de l’article 35 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, et, si nécessaire, les modalités de son élaboration sont fixés par décret. »

« Ces dispositions sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plus de 50 000 habitants. »

 

Puis il sera ainsi rédigé à compter du premier janvier 2024, sauf modification de la loi d’ici là :

«Dans les communes de plus de 50 000 habitants, préalablement aux débats sur le projet de budget, le maire présente un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation et à contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable inscrits au programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies. Le contenu de ce rapport, qui comprend notamment le bilan annuel de la stratégie numérique responsable mentionnée au I de l’article 35 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, et, si nécessaire, les modalités de son élaboration sont fixés par décret.

« Ce rapport précise le programme d’actions mis en place pour assurer la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire dont la collectivité territoriale est propriétaire, dans un objectif de respect des obligations prévues à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation.

« Ces dispositions sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plus de 50 000 habitants.»

 

II. Tableau opérant un premier décorticage de ces obligations législatives 

 

Jusqu’à 2023 A compter de 2024
Qui ? Communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants
Quand présenter ce rapport ? Préalablement aux débats sur le projet de budget (en même temps que le ROB donc ? ou — lecture stricte — avant le ROB ?)
Contenu rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation et à contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD). Contenu à préciser par un décret, dont un « bilan annuel de la stratégie numérique responsable » Idem avec l’obligation, en sus, pour ce rapport, de préciser « le programme d’actions mis en place pour assurer la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire dont la collectivité territoriale est propriétaire, dans un objectif de respect des obligations prévues à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation. » 
Sanction Pas de vraie sanction certaines mais : 1/ risque de censure médiatico-politique et de remarques CRC 2/ illégalité d’une décision de refus d’adopter ce rapport 3/ plus sérieusement mais avec plus d’aléa, fragilisation possible de la procédure budgétaire… Inversement, adopter un tel document peut former une synthèse intéressante valorisant les actions conduites.

 

NB : sur cette notion d’ODD, très large, voir : 

 

III. Apports du décret n° 2022-1084 du 29 juillet 2022

 

Le décret n° 2022-1084 du 29 juillet 2022, précité, précise, de manière fort libérale (au sens initial, propre, de ce qualificatif… faut-il hélas rappeler) ce contenu et ces modalités d’élaboration. 

L’article 1er, seul utile, de ce texte est ainsi rédigé :

« Art. D. 2311-15-1. – Pour l’élaboration de la stratégie numérique responsable mentionnée à l’article L. 2311-1-1, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés à ce même article établissent, en lien avec les acteurs publics et privés intéressés, un programme de travail. Ce programme comprend un bilan de l’impact environnemental du numérique et celui de ses usages sur le territoire concerné. Il décrit de plus, sous forme de synthèse, les actions déjà engagées pour l’atténuer le cas échéant.
« La stratégie numérique responsable comprend, sur la base du programme de travail ainsi établi, les objectifs de réduction de l’empreinte numérique du territoire concerné, les indicateurs de suivi associés à ces objectifs et les mesures mises en place pour y parvenir. Elle détermine les moyens d’y satisfaire. Ces objectifs et les mesures mises en œuvre peuvent avoir un caractère annuel ou pluriannuel.
« Les objectifs de la stratégie peuvent notamment porter sur :
« 1° La commande publique locale et durable, dans une démarche de réemploi, de réparation et de lutte contre l’obsolescence ;
« 2° La gestion durable et de proximité du cycle de vie du matériel informatique ;
« 3° L’écoconception des sites et des services numériques ;
« 4° La mise en place d’une politique de sensibilisation au numérique responsable et à la sécurité informatique à destination des élus et agents publics ;
« 5° La mise en place d’une démarche numérique responsable auprès de tous afin de sensibiliser les citoyens aux enjeux environnementaux du numérique et de l’inclusion numérique ;
« 6° La mise en place d’une démarche de territoire connecté et durable en lien avec une démarche d’ouverture et de valorisation des données. »

 

–> CE RAPPORT N’IMPOSE DONC LE PROGRAMME D’ACTION QU’À PARTIR DE 2025

 

Soit in fine :

 

• 2023 : état des lieux(et insertion dans le rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation et à contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable ODD)

 

• 2024 : idem avec l’obligation, en sus, pour ce rapport, de préciser « le programme d’actions mis en place pour assurer la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments ou des parties de bâtiment à usage tertiaire.

 

• 2025 : «programme de travail » (bilan de l’impact environnemental du numérique et celui de ses usages sur le territoire concerné ; description synthétique des actions déjà engagées pour l’atténuer le cas échéant), et ce « en lien avec les acteurs publics et privés intéressés »(ce qui est flou et donne des marges de manœuvre, mais gare à ne pas exclure des acteurs conséquents — et ce à l’aune de la jurisprudence Danthony — le mieux étant de faire un appel public à participation). Le « bilan annuel de la stratégie numérique responsable » est à bâtir ensuite sur la base de ce programme de travail, et il doit prévoir (de manière annuelle ou pluriannuelle) :

– les objectifs de réduction de l’empreinte numérique du territoire concerné,

– les indicateurs de suivi associés à ces objectifs

– les mesures mises en place pour y parvenir (et « les moyens d’y satisfaire »).

N.B. : les objectifs de la stratégie peuvent notamment porter sur : 1° La commande publique locale et durable, dans une démarche de réemploi, de réparation et de lutte contre l’obsolescence ; 2° La gestion durable et de proximité du cycle de vie du matériel informatique ; 3° L’écoconception des sites et des services numériques ; 4° La mise en place d’une politique de sensibilisation au numérique responsable et à la sécurité informatique à destination des élus et agents publics ; 5° La mise en place d’une démarche numérique responsable auprès de tous afin de sensibiliser les citoyens aux enjeux environnementaux du numérique et de l’inclusion numérique ; 6° La mise en place d’une démarche de territoire connecté et durable en lien avec une démarche d’ouverture et de valorisation des données.

 

NB : pas de vraie sanction certaines mais : 1/ risque de censure médiatico-politique et de remarques CRC 2/ illégalité d’une décision de refus d’adopter ce rapport 3/ plus sérieusement mais avec plus d’aléa, fragilisation possible de la procédure budgétaire… Inversement, adopter un tel document peut former une synthèse intéressante valorisant les actions conduites.