Publiée il y a un an, la loi du n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a eu l’occasion de voir ses effets détaillés sur notre blog :
- concernant ses effets sur la commande publique : https://blog.landot-avocats.net/2021/08/25/loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-ou-rpr-au-jo-de-ce-matin-de-nouvelles-obligations-a-la-charge-des-titulaires-des-contrats-de-la-commande-publique/
- concernant son impact global pour les collectivités territoriales : https://blog.landot-avocats.net/2021/10/08/la-loi-separatisme-respect-des-principes-de-la-republique-et-les-collectivites-territoriales-video-2/
En matière de services publics, le texte prévoit, dans son article premier, une obligation du respect des principes d’égalités de traitement des usagers, de laïcité et de neutralité du service public. Le texte va même plus loin dans l’alinéa II de ce même article, celui-ci prévoyant que les clauses des contrats confiant en tout ou partie l’exécution d’un service public rappellent ces obligations et prévoient leurs modalités de contrôle et possiblement des pénalités liées.
C’est la mise en place de cet article qui vient de faire l’objet d’une fiche de la DAJ de Bercy, mise en ligne le 16 Août 2022. Celle-ci détaille les obligations induites par cet article et propose, en annexe, des clauses-types à compléter et adapter afin de faciliter la mise en œuvre des dispositions.
I. Champ d’application et portée de l’obligation du respect des principes d’égalité, de laïcité et de neutralité des services publics.
Premièrement concernant le champ d’application de l’obligation renforcée du respect des principes d’égalité, de laïcité et de neutralité des services publics, la DAJ rappelle et précise ce qui est cité dans le texte original, cette obligation concerne :
- Les contrats relevant de l’article L2 du Code de la Commande Publique
- Dès lors qu’ils ont pour objet l’exécution de tout ou une partie d’un service public, les contrats portant sur les fonctions dites « supports », qui se limitent à permettre aux personnes mettant en œuvre un service public de se procurer les moyens nécessaires à son fonctionnement, n’entrent normalement pas dans le champ d’application de ces dispositions (information tirée de l’Etude d’impact sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République).
- Et qui participent à l’exécution du service public des salariés du titulaire ou des personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction.
Les titulaires sont alors responsables du respect de ces principes ; ils doivent à ce titre, communiquer à l’acheteur « chacun des contrats de sous‐traitance ou de sous‐concession ayant pour effet de faire participer le sous‐traitant ou le sous‐concessionnaire à l’exécution de la mission de service public ».
NB : cette obligation est nouvelle concernant les contrats de sous-traitance et de sous-concession. Elle doit par ailleurs être exécutée directement par le titulaire, même sans demande préalable de l’acheteur ou de l’autorité concédante.
II. Prise en compte de l’obligation lors de la mise en concurrence
Lors de la phase de mise en concurrence, la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats de marchés publics, doit se limiter aux seules preuves des capacités techniques du ou des candidats à l’attribution et ne peut faire référence aux principes de neutralité et de laïcité.
L’acheteur peut toutefois, conformément à l’article R. 2142-14, demander aux candidats de produire des références relatives à l’exécution de marché de même nature, sous réserve de ne pas éliminer les candidats ne pouvant fournir de telles références.
C’est au cours de l’examen des offres, que l’acheteur ou l’autorité concédante examine si les offres proposées sont conformes aux exigences du cahier des charges, y compris celles relatives au respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité. Au moment de l’évaluation des critères, la « qualité, y compris la valeur technique », figure, selon la fiche, comme l’un des critères pouvant être utilisés par les acheteurs. Ces derniers peuvent également être complétés, si l’objet du contrat le justifie, par un critère fondé sur les conditions d’exécution et notamment l’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché.
III. Manquements potentiels, contrôles et sanctions possibles
Les manquements aux principes de la République ainsi cités sont renseignés par la jurisprudence ayant eu à juger certains comportements comme contraires aux principes d’égalité, de laïcité et de neutralité des services publics. Ainsi constituent des manquements à ces principes entre autres :
- le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse ;
- la propagande politique ou religieuse (discours prosélyte dans les locaux ou depuis les locaux via des réseaux sociaux, appel au vote pour un parti politique, propos révisionnistes, distribution de tracts de nature politique ou religieuse, etc.) à l’égard des usagers, des autres salariés du prestataire ou employés du service public ;
- le rejet de la mixité (refus de s’adresser aux femmes, de les saluer, refus d’utiliser les locaux mixtes et d’utiliser le matériel en raison de son utilisation par des femmes, séparation stricte des hommes et des femmes dans les bureaux, accès à des salles réservées aux hommes, horaires réservés dans les clubs sportifs ou locaux accueillant du public) ;
- l’apparition d’une adresse électronique professionnelle sur un site cultuel ou celui de partis politiques, courrier politique utilisant un en-tête professionnel et rappelant sa qualité professionnelle ;
- le fait de traiter avec moins de diligence les demandes émanant d’usagers en considération de leur appartenance religieuse ou de leurs convictions vraies ou supposées
(fiche DAJ – Mise en œuvre de l’article 1er de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 prévoyant l’insertion de clauses relatives à l’égalité devant le service public, au respect de la laïcité et de la neutralité, dans les contrats de la commande publique ayant pour objet l’exécution d’un service public, Août 2022).
L’absence de mesures coercitives visant à faire cesser ces comportements est dès lors considérée un manquement grave de la part du titulaire du contrat. L’acheteur définit les modalités de contrôle et de vérification du respect de ces obligations dans le contrat. Il définit de même les sanctions du titulaire dans le cas de leur non-respect. Le suivi peut prendre la forme de comptes rendus et rapports transmis par le titulaire à l’acheteur, de réunions, ou d’inspections ponctuelles. La DAJ recommande l’usage des pénalités financières en cas de manquement, dont le montant doit être précisé pas les termes du contrat. Néanmoins la suspension ou la résiliation aux frais et risques du délégataire peuvent aussi être prévues, pour des manquements suffisamment graves à ces principes.
IV. Effets de cette obligation sur les contrats en cours d’exécution
L’alinéa III de l’article premier de la loi n°2021-1109 du 24 Août 2021 en prévoit une application immédiate entrainant la modification des contrats en cours d’exécution à sa date de parution, seuls les contrats dont le terme intervient dans les dix-huit mois après sa parution ne sont pas concernés.
Cette application aux contrats préexistants implique donc la signature d’avenants venant modifier les contrats pour les conformer aux nouvelles obligations de la loi notamment l’obligation de communiquer les sous-traitants et les sous-concessions, la mention des obligations relatives au respect de l’égalité des usagers et des principes de neutralité et de laïcité et, enfin, la mise en place des modalités de contrôle et des sanctions envisagées en cas de manquement du titulaire.
* article rédigé avec la collaboration de Lucas Blondiaux.
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Loi «séparatisme » (respect des principes de la République) et commande publique [VIDEO et article]