Contrats publics et hausse des prix : compilation de nos sources, vidéos et analyses

Nouvelle diffusion 

  • I. Avis non contentieux du Conseil d’Etat en date du 15 septembre 2022 et fiche de la DAJ de Bercy réalisée dans la foulée. Puis circulaire de la Première Ministre en date du 29 septembre 2022
  • II. Article publié le 4/10 par E. Karamitrou sur la circulaire de la Première Ministre en date du 29/9/2022 
  • III. Vidéo faite à ce sujet après l’avis du CE et la note de la DAJ (par E. Karamitrou, M. Ifcic et E. Landot), intitulée « Modification ”sèche” des clauses financières des marchés publics et concessions : le ”oui mais…” du conseil d’État »
  • IV. Vidéo complémentaire faite avant l’avis du CE (mais qui reste à jour en droit) sur le cas particulier des fermetures de services publics (abordant notamment les mesures qu’il est possible d’adopter en pareil cas) 
  • V. Sur ce même sujet, au lendemain de la décision de la société Vert Marine de fermer unilatéralement certains centres aquatiques, voici l’article qui avait été rédigé par Marie Gouchon 
  • VI. Vidéo connexe (faite en avril 2022)
  • VII. Voir aussi 

 

 

 

I. Avis non contentieux du Conseil d’Etat en date du 15 septembre 2022 et fiche de la DAJ de Bercy réalisée dans la foulée. Puis circulaire de la Première Ministre en date du 29 septembre 2022

 

 

Circulaire PM 20220929 6374/SG du 29 septembre 2022

II. Article publié le 4/10 par E. Karamitrou sur la circulaire de la Première Ministre en date du 29/9/2022 

 

Ces derniers mois (depuis mars 2022) le monde de la commande publique est fortement préoccupé par la flambée des prix et la difficile exécution des contrats publics dans un contexte de plus en plus inflationniste.

Une première circulaire a été publiée le 30 mars dernier relative à l’exécution de contrats de la commande publique ( la circulaire n° 6338/SG relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières ; cf également notre article sur ce point).

Puis, un avis du Conseil d’Etat ainsi qu’une fiche de la DAJ parus fin septembre, ont fourni le mode d’emploi aux acheteurs publics afin de faire face à cette crise sans précédent.

Dernier acte de ce thriller paru ce jour : la circulaire de la Première Ministre (circulaire relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières et abrogeant la circulaire n°6338/SG du 30 mars 2022).

Cette circulaire  s’articule autour de 6 thématiques que nous allons présenter brièvement ci-dessous :

 

  1. une obligation de prévoir des prix révisables :

La circulaire reprend les articles du code de la commande publique en rappelant que dans des nombreux marchés (denrées alimentaires, énergie, transports, travaux, etc.) des clauses de révision de prix doivent absolument être prévues. Ces clauses permettent « une relation équilibrée » entre acheteur et fournisseur notamment pour les contrats de longue durée.

Elle incite les acheteurs publics à prévoir de telles clauses dans les marchés à venir et elle suggère que les contrats ne prévoient pas de terme fixe au sein de la formule de révision ni de clause butoir.

2. Une modification « sèche » de clauses financières des contrats est possible

En reprenant l’avis du Conseil d’Etat sur ce point, la circulaire indique qu’il est possible de recourir à une modification de contrat dans des conditions prévues par les dispositions du code de la commande publique.

Ainsi, il est précisé que la modification peut concerner la quantité ou le périmètre de prestations à fournir ou alors l’aménagement des conditions et des délais de réalisation afin de pallier les difficultés provoquées par le contexte actuel.

Elle indique par la suite qu’il est possible de procéder à une renégociation des prix en application des articles R. 2194- 5 ou R. 3135- 5 du code de la commande publique qui prévoit la possibilité de modifier les contrats lorsque la modification a été rendue nécessaire par des circonstances imprévues.

Naturellement, ladite circulaire précise que le montant de cette compensation doit trouver sa limite en ce qu’il est nécessaire de permettre aux prestataires de poursuivre l’exécution du contrat dans le respect du bon emploi des deniers publics et du principe général interdisant aux personnes publiques de consentir des libéralités.

Elle incite ainsi les acheteurs à vérifier la réalité et la sincérité des justificatifs apportés par les titulaires pour éviter de payer des sommes qui sont sans aucun lien avec les circonstances imprévisibles ou dont la réalité ne serait pas objectivement justifiée. Un rappel est effectué enfin sur le fait que ces modifications sont limitées à 50% du montant initial du contrat.

La Première Ministre, indique par la suite, conformément à l’avis du Conseil d’État, qu’il est possible aussi de procéder à des modifications de faible montant sur le fondement des articles R. 2194- 8 ou R. 3135- 8 du code de la commande publique.

En revanche, le contrat ne peut être modifié sur la base des articles R 2194- 7 et R 3135- 7 du code de la commande publique relatifs aux modifications non substantielles ; seules les modifications fondées sur les circonstances imprévisibles sont possibles dans ce cas.

Elle rappelle enfin que les modifications de contrat en cours ne sont pas de droit pour le contractant de l’administration.

3. une indemnisation de prestataires sur le fondement de la théorie de l’imprévision est possible

En se fondant sur l’article L. 6 du code de la commande publique, la circulaire prévoit que les cocontractants peuvent choisir plutôt que de modifier le contrat de conclure une convention d’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision.

Cette indemnité vise à dédommager partiellement le titulaire du préjudice en raison du bouleversement de l’économie de son contrat lorsque évidemment un tel bouleversement peut être prouvé (ce bouleversement de l’économie du contrat doit être analysé au cas par cas).

Elle rappelle aussi que c’est indemnisation n’est pas soumise au plafond de 50% (prévu par le code de la commande publique en cas de modification du contrat fondé sur les articles R.  2194- 5 et R. 3135- 5 du code de la commande publique).

De manière opérationnelle, il est indiqué que la jurisprudence laisse traditionnellement à la charge du titulaire une partie de l’aléa variant de 5 à 25% du montant de la perte effectivement subi en fonction des circonstances et des profits éventuels dégagés par l’entreprise cocontractante. Il s’agit ici d’une évaluation que la circulaire déduit de la jurisprudence mais qui n’est pas précisée dans l’avis du Conseil d’État.

4. Une résiliation amiable de contrat est possible

La circulaire rappelle qu’il est tout à fait loisible aux parties de résilier à l’amiable le contrat et elle précise que dans le cadre d’une résiliation différée, le titulaire a droit à une indemnité d’imprévision si les conditions prévues par les textes sont réunies et pour la partie du contrat qu’il lui reste à exécuter.

5. Le gel des pénalités contractuelles

La Première Ministre dans sa circulaire recommande que l’exécution des clauses du contrat prévoyant des pénalités de retard ou l’exécution de prestations aux frais et risques de l’entreprise soit suspendue tant que le titulaire du contrat est dans l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales.

6. Les contrats de droit privé

Enfin, concernant les contrats de droit privé, la circulaire précise que ces contrats peuvent être renégociés en application de l’article 1195 du code civil.

 

Voici ce texte :

Circulaire PM 20220929 6374/SG du 29 septembre 2022


III. Vidéo faite à ce sujet après l’avis du CE et la note de la DAJ (par E. Karamitrou, M. Ifcic et E. Landot), intitulée « Modification ”sèche” des clauses financières des marchés publics et concessions : le ”oui mais…” du conseil d’État »

 

Pour décortiquer ces documents et leur mode d’emploi parfois malaisé, voici une vidéo détaillée (16 mn 42) avec les interventions de :

  • Me Evangelia Karamitrou, avocate associée au cabinet Landot & associés
  • Me Mathilde Ifcic, avocate au cabinet Landot & associés
  • Me Eric Landot, avocat associé au cabinet Landot & associés

 

https://youtu.be/Y-0H8aQddO8

 

IV. Vidéo complémentaire faite avant l’avis du CE (mais qui reste à jour en droit) sur le cas particulier des fermetures de services publics (abordant notamment les mesures qu’il est possible d’adopter en pareil cas) 

 

Les prix flambent. Certes. Mais ce n’est pas une raison pour réduire le principe de continuité du service public en cendres… ni pour carboniser le droit des contrats.

Face à cette situation, les outils juridiques font feu de tous bois :

  • aides (de l’Etat aux entreprises grosses consommatrices)
  • renégociations des contrats électriques ou gaziers
  • application des clauses du contrat (révision des prix entre autres)
  • avenants pour réorganiser le service temporairement (non sans limites juridiques certes)
  • indemnité d’imprévision (laquelle permet parfois de larges indemnisations, dans un cadre strict mais qui correspond bien à nombre de situations actuelles)
  • résiliation bilatérale avec une nouvelle organisation avant que certaines sociétés ne soient en cessation de paiement.

 

Certains vont plus loin, comme Vert Marine :

… au risque de s’exposer à des sanctions plus sévères encore.

 

Alors en 9 mn 24, explorons ce sujet explosif avec :

  • un dossier brièvement allumé par votre serviteur
  • puis, surtout, des interview croisées de :
    • M. Nicolas Fouquet, adjoint aux sports de la ville de Versailles
    • Me Evangelia Karamitrou, avocate associée au cabinet Landot & associés

 

https://youtu.be/FrC8PcTSDg0

 

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 5′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr

 

V. Sur ce même sujet, au lendemain de la décision de la société Vert Marine de fermer unilatéralement certains centres aquatiques, voici l’article qui avait été rédigé par Marie Gouchon 

 

Hier, la presse nationale s’est faite l’écho de la décision de la société Vert Marine, société spécialisée dans l’exploitation de piscines et centres aquatiques, de fermer une trentaine d’équipements  en raison de l’explosion du prix de l’énergie.

Il s’agit d’une décision inédite que la société Vert Marine aurait pris unilatéralement alors que les équipements concernés sont quasiment tous exploités dans le cadre de contrats de Délégation de Service Public (ci-après DSP) conclus avec des collectivités.

En tant qu’avocats exerçant quotidiennement en droit de la commande publique, la légalité d’une telle décision nous questionne nécessairement.

En effet, il ne fait aucun doute qu’une telle décision contrevient au principe de continuité du service public, obligation qui s’impose à tout exploitant d’un service public ; l’aptitude à assurer la continuité du service public étant d’ailleurs un des éléments devant être obligatoirement pris en compte, en vertu de l’article L. 1411-5 du Code général des collectivités territoriales, lors de l’analyse des dossiers de candidatures en vue de l’attribution d’un contrat de DSP.

En outre, cette décision contrevient à un principe classique en droit de la commande publique selon lequel, dans le cadre d’un contrat de concession de service public, le cocontractant de l’administration est obligatoirement tenu d’en assurer l’exécution sauf en cas de force majeure et ne peut se soustraire à ses propres obligations contractuelles même en se prévalant des manquements ou défaillances de l’administration (CE, 8 octobre 2014, Société Grenke Location, req. n°3700644 ; CE, 19 juillet 2016, CH Andrée Rosemon, req. n° 399178).

Or, au regard de la jurisprudence administrative particulièrement restrictive concernant la notion de force majeure, il est peu probable que la situation actuelle puisse être qualifiée de force majeure, cette théorie étant généralement mobilisée lorsque l’exécution d’un contrat devient impossible, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’exploitation des piscines concernées reste possible, elle est simplement plus coûteuse.

Il serait d’ailleurs surprenant qu’un juge administratif valide un tel comportement car sinon cela voudrait dire que n’importe quel exploitant d’un service public pourrait, à chaque hausse des prix, cesser l’exploitation de services publics dont, par nature, la continuité est essentielle.

Selon notre analyse, en cas de recours, la décision de la société Vert Marine serait donc très probablement jugée irrégulière.

Une telle décision doit donc inviter les collectivités concernées à réagir.

Quels sont les moyens qui pourraient être mis en œuvre par les collectivités concernées ?

A notre sens, et même si cette situation nécessiterait une analyse au cas par cas en procédant, notamment, à une analyse des dispositions contractuelles liant la société Vert Marine aux différentes collectivités concernées, plusieurs solutions pourraient être envisagées.

Premièrement, les collectivités concernées pourraient envisager de sanctionner le comportement de leur délégataire en appliquant des pénalités contractuelles si le contrat en prévoit, voire de faire exécuter le contrat aux frais et risques du délégataire (la jurisprudence administrative ayant reconnu la possibilité d’appliquer cette sanction coercitive à l’ensemble des contrats administratifs : CE, 14 février 2017, Société Sea Invest Bordeaux, req. n° 405157).

Deuxièmement, les collectivités concernées pourraient envisager d’introduire un référé mesure utiles afin d’obtenir, en urgence, la condamnation de leur délégataire à reprendre l’exploitation de leur piscine, assortie du paiement d’une astreinte en cas de non-respect de cette décision.

Troisièmement, les collectivités concernées pourraient même envisager, si la situation perdure, de résilier pour faute le contrat conclu avec la société Vert Marine, même si une telle solution ne permettrait pas de régler, à court terme, le problème de fermeture des piscines concernées.

Naturellement, avant de réagir, les collectivités concernées ne devront pas de manquer de procéder à une étude attentive de la situation et devront veiller à se faire accompagner dans leurs différentes démarches juridiques car il y a fort à parier que la société Vert Marine a pris le soin de prendre attache avec son conseil avant de prendre une décision aussi radicale.

Au regard des sanctions envisageables, les risques pour la société Vert Marine semblent relativement conséquents et il est d’ailleurs surprenant que cette société ait prise une telle décision car, en cas de bouleversement de l’économie du contrat (ce qui peut être le cas dans l’hypothèse d’une hausse importante des prix de l’énergie, mais nécessite d’être vérifié au cas par cas), un délégataire peut prétendre à une indemnisation de la part de la collectivité cocontractante sur le fondement de la théorie de l’imprévision (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, req. n°59928, publié au recueil Lebon). Toutefois, en principe, la théorie de l’imprévision ne peut être mise en œuvre que dans l’hypothèse où le cocontractant de l’administration a poursuivi l’exécution du contrat malgré le bouleversement de l’économie du contrat…

Enfin, il faut espérer que cette situation ne donne pas des idées à d’autres délégataires, même si, heureusement, d’un point de vue juridique les collectivités ne sont pas dépourvues de solutions pour faire cesser de telles situations !

 

VI. Vidéo connexe (faite en avril 2022)

 

 

Via cette vidéo (de 9 mn 24), Me Eric Landot et, surtout, Evangelia Karamitrou examinent comment il est possible pour les acheteurs publics de s’adapter à cette situation afin de continuer d’exécuter le plus sereinement possible leurs contrats :

https://youtu.be/hRr_1RHNIOI

 

 

VII. Voir aussi 

 

Ainsi que :