Est-il conforme à la Constitution que les associations non reconnues d’utilité publiques soient assujetties, en Ile-de-France, à la taxe sur les bureaux ?

Un régime de taxe sur les bureaux et autres locaux commerciaux existe en Ile-de-France (article L. 520-1 du code de l’urbanisme ; 1°, 2° et 3° du III de l’article 231 ter du code général des impôts.

Le Conseil d’Etat a posé à ce sujet (23 septembre 2022, n° 452256que :

« Pour l’application de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances pour 1999 dont elles sont issues, les locaux utilisés par des associations sont imposables dans la catégorie dite des locaux à usage de bureaux, à l’exception de ceux qu’elles utilisent pour exercer, à titre lucratif, des activités de commerce ou de prestations de services et qui sont destinés à accueillir la clientèle, lesquels locaux sont imposables dans la catégorie dite des locaux commerciaux. »

Ce qui est déjà une première information.

Sauf qu’il est possible d’échapper à cette taxe pour divers motifs, notamment :

  • en vertu de l’article L. 520-6 du code de l’urbanisme, pour les locaux affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l’Etat, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial ;
  • Les bureaux utilisés par les membres des professions libérales et les officiers ministériels ;
  • Les locaux affectés aux associations constituées dans les formes prévues à l’article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association (reconnaissance d’utilité publique).

Assujettir à cette taxe des associations pour leurs locaux professionnels, même pour des activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, tel un service de crèche… sauf reconnaissance d’utilité publique… n’est-ce pas discriminatoire ? Une telle différence de traitement juridique est-elle constitutionnellement «  fondée sur une différence de situation […] en rapport avec l’objet de la loi » ?

C’est ce que le Conseil constitutionnel a eu à trancher par renvoi de la décision n° 452256 précitée (et qui était, à mentionner aux tables du recueil Lebon… ce qui est rarement le cas pour les décisions de renvoi de QPC mais, là, le Conseil d’état donne déjà une information intéressante sur l’interprétation des règles applicables).

Cette réponse a été rendue, ce matin, par le Conseil constitutionnel, lequel a déclaré l’état du droit, sur ce point, CONFORME À LA CONSTITUTION. 

Voici le raisonnement tenu par le Conseil :

«8. Les dispositions contestées de l’article L. 520-6 du même code exonèrent de cette taxe les locaux affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l’État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial.

« 9. En premier lieu, il ressort des travaux parlementaires que, en instaurant cette taxe, le législateur a entendu, à des fins d’aménagement du territoire et de décentralisation, dissuader les implantations d’activités tertiaires en Île-de-France.

« 10. Au regard de cet objectif, il était loisible au législateur d’inclure dans le champ de cette taxe les locaux utilisés pour leurs activités par des associations, y compris lorsqu’elles exercent une activité à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel.

« 11. En second lieu, d’une part, les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques n’imposent pas que les personnes privées soient soumises à des règles d’assujettissement à l’impôt identiques à celles qui s’appliquent aux personnes morales de droit public. Ainsi, en prévoyant une exonération bénéficiant aux locaux affectés au service public qui appartiennent à certaines personnes publiques, sans étendre cette exonération à ceux utilisés par des associations, y compris celles qui exercent une activité à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, les dispositions contestées traitent différemment des personnes placées dans des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport avec l’objet de la loi et fondée sur des critères objectifs et rationnels.»

 

Source :

Décision n° 2022-1026 QPC du 25 novembre 2022, Association France horizon [Assujettissement de certaines associations à la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage en Île-de-France], Conformité