Par un arrêt commune de Grenoble en date du 14 décembre 2022 (req. n° 450115), le Conseil d’État a jugé que lorsque le conseil municipal d’une commune décide de dissoudre une régie communale personnalisée et de mettre fin au service public administratif dont celle-ci assurait la gestion, il doit déterminer, outre la date à laquelle les opérations de la régie prennent fin, la situation du personnel de la régie en se prononçant sur la procédure envisagée à l’égard des agents et sur les issues possibles de cette dernière.
De plus, il appartient alors au président du conseil d’administration qui prononce le licenciement d’un agent de la régie pour suppression d’emploi, de l’inviter à présenter une demande écrite de reclassement. Cependant, et cela n’allait pas de soi au vu des textes applicables, l’obligation de reclassement pèse sur l’autorité territoriale ayant pris la décision de renoncer à l’exploitation de la régie et de mettre fin à son activité. Ainsi, si l’agent demande son reclassement, l’autorité territoriale est tenue de chercher à le reclasser au sein de ses services en lui proposant un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi.
En l’espèce, par une délibération du 9 juillet 2001, le conseil municipal de la ville de Grenoble a, en application de l’article L. 2221-4 du code général des collectivités territoriales, décidé de créer une régie personnalisée, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dénommée « régie 2C », pour assurer la gestion de deux salles de spectacles.
MM. B… et A… ont été recrutés au sein de cette régie par des contrats de droit public à durée indéterminée du 23 octobre 2012 pour exercer respectivement les fonctions de directeur et celles d’administrateur, comportant des fonctions administratives et comptables.
Par une délibération du 23 mai 2016, le conseil municipal de la commune de Grenoble a décidé de mettre un terme à l’exploitation de la régie 2C, dénommée régie Ciel, au plus tard le 1er décembre 2016, d’acter la fin du service public correspondant à compter de cette date et de procéder à la liquidation de l’établissement public et à la clôture de ses comptes par la reprise de l’actif et du passif dans le budget principal de la commune. Par délibération du 28 juin 2016, le conseil d’administration de la régie Ciel a décidé de supprimer les emplois occupés par MM. B… et A…. Le 21 juillet 2016, la présidente de la régie Ciel a notifié aux l’intéressés sa décision de les licencier à compter du 1er décembre 2016.
Les deux agents ayant attaqué la délibération du 23 mai 2016 et leurs licenciements, le tribunal administratif de Grenoble a, par des jugements du 10 juillet 2019, d’une part, la délibération du 23 mai 2016 en tant qu’elle a décidé de la dissolution de la régie Ciel sans déterminer la situation de ses personnels et d’autre part les deux décisions de licenciement du 21 juillet 2016. Ces jugements ayant été confirmés par la cour administrative d’appel de Lyon, la commune de Grenoble s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’État a toutefois rejeté le pourvoi.
En premier lieu, il rappelle tout d’abord qu’aux « termes de l’article L2121-29 du code général des collectivités territoriales : “Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune”. D’autre part, aux termes de l’article R.2221-62 du même code, relatif à la fin des régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière, chargées de l’exploitation d’un service public administratif : “En cas de dissolution, la situation des personnels de la régie est déterminée par la délibération prévue à l’article R. 2221-17 et est soumise, pour avis, aux commissions administratives paritaires compétentes”. Aux termes de l’article R. 2221-17 du même code : “La délibération du conseil municipal décidant de renoncer à l’exploitation de la régie détermine la date à laquelle prennent fin les opérations de celle-ci. / Les comptes sont arrêtés à cette date. / L’actif et le passif de la régie sont repris dans les comptes de la commune. / Le maire est chargé de procéder à la liquidation de la régie. (…)”. »
Puis, il déduit de ces dispositions « qu’il appartient au conseil municipal qui souhaite renoncer à l’exploitation d’une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, chargée de l’exploitation d’un service public administratif, de déterminer dans une même délibération la date à laquelle prennent fin les opérations de la régie et la situation des personnels. Si ces dispositions n’imposent aucun formalisme particulier quant à la rédaction de la délibération, celle-ci doit toutefois comporter dans ses motifs ou son dispositif des énonciations permettant d’établir que le conseil municipal a effectivement déterminé tant la date à laquelle les opérations de la régie prennent fin que la situation de ses personnels. S’agissant de la situation des personnels, le conseil municipal doit se prononcer sur la procédure envisagée à l’égard des agents et sur les issues possibles de cette dernière. »
En second lieu, le Conseil d’État considère « l’obligation de reclassement […] pèse sur l’autorité territoriale ayant pris la décision de renoncer à l’exploitation de la régie et de mettre fin à son activité ». Cela n’allait pas de soi au regard des textes sur lesquels se fonde la Haute Assemblée. En effet, « aux termes du I de l’article 39-5 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique : “Le licenciement pour l’un des motifs prévus à l’article 39-3, à l’exclusion de ceux prévus au 5° du I et aux II et III de cet article, ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l’agent n’est pas possible dans un autre emploi que le code général de la fonction publique autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents contractuels. Ce reclassement concerne les agents recrutés sur emplois permanents conformément à l’article L. 332-8 du même code, par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L’emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat. / Il s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès de l’agent, d’un emploi relevant d’une catégorie inférieure. / L’offre de reclassement concerne les emplois des services relevant de l’autorité territoriale ayant recruté l’agent. L’offre de reclassement proposée à l’agent est écrite et précise. L’emploi proposé est compatible avec ses compétences professionnelles”. »
Le juge ajoute qu’il s’en suit « qu’il appartient au président du conseil d’administration de la régie, lorsqu’il notifie à l’agent sa décision de le licencier du fait de la suppression de son emploi à la suite de la décision de l’autorité territoriale de renoncer à l’exploitation de la régie, de l’inviter à présenter une demande écrite de reclassement. Saisie d’une telle demande, l’autorité territoriale ayant renoncé à l’exploitation de la régie est tenue de chercher à reclasser l’agent au sein de ses services en lui proposant un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi. »
Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-12-14/450115