Débits de boissons : à l’ivresse de l’excès de pouvoir, le Préfet doit préférer, de sagesse, assez se pourvoir

Fermer un bar est, pour l’Etat, assez facile. Mais encore faut-il se fonder sur des raisons réelles pouvant impliquer les tenanciers de cet établissements dans les troubles à l’ordre public invoqués par l’Etat… Sinon, cela ne portera pas chance à celui-ci. Une histoire de chat noir vient de nous le prouver. 


 

La fermeture des établissement à usage de débits de boissons et restauration répond à un régime puissant (celui de l’article L. 3332-15 du Code de la santé publique) , avec :

Reste qu’il ne s’agit pas non plus de laisser passer n’importe quoi. Et le TA de Nantes vient d’en donner une éclairante illustration.

Le bar « le Chat Noir », situé à l’intersection de la rue Du Guesclin et de l’allée Duguay-Trouin, dont la façade donne sur le cours Franklin Roosevelt à une cinquantaine de mètre des rails d’une ligne de tramway, avait servi de point de rassemblement pour des individus ayant commis des violences à l’encontre des forces de l’ordre, parfois depuis la terrasse située devant l’entrée des locaux, sans intervention du personnel de l’établissement, dans la soirée du 14 septembre 2019, date de la manifestation organisée par le mouvement dit “des gilets jaunes”.

Sur cette base, le préfet avait, en décembre 2019, ordonné la fermeture administrative dudit bar « le Chat Noir » pour une durée d’un mois.
Or, ce tribunal estime (au vu notamment du rapport du directeur départemental de la sécurité publique de la Loire-Atlantique et des captures d’écran de l’enregistrement vidéo réalisé par le centre superviseur urbain de Nantes Métropole, enregistrement que les membres de la formation de jugement ont visionné) que si les jets de projectile en direction des véhicules des forces de l’ordre par quatre individus depuis la terrasse de l’établissement sont bien constitutifs d’atteinte à l’ordre public au sens de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, la simple circonstance que ces individus, dont l’action a duré en tout et pour tout quatorze secondes, aient stationné sur la terrasse et seraient allés, à certains moments de l’après-midi, à l’intérieur du bar, ne suffit pas à établir un lien entre cette atteinte à l’ordre public et la fréquentation de cet établissement ou ses conditions d’exploitation.

Le tribunal prononce en conséquence l’annulation de l’arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné la fermeture pour une durée d’un mois de l’établissement et condamne l’Etat à indemniser l’exploitante du préjudice financier correspondant au manque à gagner pendant la période du 12 décembre 2019 au 11 janvier 2020, ainsi que du préjudice moral, incluant les troubles dans les conditions d’existence, qu’elle a subi consécutivement à la fermeture de son établissement.

CAA Toulouse, 7 mars 2023, n° 21TL04565