Fermer un bar est, pour l’Etat, assez facile. Mais encore faut-il se fonder sur des raisons réelles pouvant impliquer les tenanciers de cet établissements dans les troubles à l’ordre public invoqués par l’Etat… Sinon, cela ne portera pas chance à celui-ci. Une histoire de chat noir vient de nous le prouver.
La fermeture des établissement à usage de débits de boissons et restauration répond à un régime puissant (celui de l’article L. 3332-15 du Code de la santé publique) , avec :
- un juge rétif à admettre l’urgence l’urgence en référé liberté (voir par exemple CE, ord., 5 février 2021, n°449065).
- une interprétation très favorable par le juge à la Danthonysation des vices de procédures (voir par exemple CAA Nantes, 5 octobre 2012, 11NT01248) le seront encore moins en référé liberté.
- un contrôle de la proportionnalité de la sanction qui va loin, notamment en cas de vente d’alcool en quantité importante à certains consommateurs (voir par exemple CE, ord., 9 août 2022, n° 466124).
NB voir aussi 6 mois : une barre haute pour bars clos (en application du 3 de ce même article L. 3332-15 du code de la santé publique ; CAA Bordeaux, 12 juillet 2018, préfet de la Gironde c/ société I Boat, n°16BX01498)
Reste qu’il ne s’agit pas non plus de laisser passer n’importe quoi. Et le TA de Nantes vient d’en donner une éclairante illustration.
Le bar « le Chat Noir », situé à l’intersection de la rue Du Guesclin et de l’allée Duguay-Trouin, dont la façade donne sur le cours Franklin Roosevelt à une cinquantaine de mètre des rails d’une ligne de tramway, avait servi de point de rassemblement pour des individus ayant commis des violences à l’encontre des forces de l’ordre, parfois depuis la terrasse située devant l’entrée des locaux, sans intervention du personnel de l’établissement, dans la soirée du 14 septembre 2019, date de la manifestation organisée par le mouvement dit “des gilets jaunes”.
Le tribunal prononce en conséquence l’annulation de l’arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné la fermeture pour une durée d’un mois de l’établissement et condamne l’Etat à indemniser l’exploitante du préjudice financier correspondant au manque à gagner pendant la période du 12 décembre 2019 au 11 janvier 2020, ainsi que du préjudice moral, incluant les troubles dans les conditions d’existence, qu’elle a subi consécutivement à la fermeture de son établissement.