Dans le cas d’une relaxe pour blessures ou homicide involontaires, la victime qui n’a pas réclamé au juge pénal la réparation de son préjudice, comme la loi l’y autorise dans cette hypothèse, conserve le droit de présenter au juge civil sa demande d’indemnisation.
Un sapeur-pompier en intervention conduisait un véhicule de secours routier. Son véhicule a été percuté par un automobiliste. Le sapeur-pompier est décédé des suites de cet accident de la circulation.
La famille du sapeur-pompier, partie civile, réclame réparation de son préjudice.
Le tribunal correctionnel a jugé l’automobiliste coupable d’homicide involontaire et accordé à la famille du sapeur-pompier une indemnisation de son préjudice causé par ce délit.
Mais ensuite la cour d’appel a relaxé l’automobiliste et rejeté la demande de dommages-intérêts de la partie civile après avoir constaté que celle-ci n’invoquait pas devant elle l’article 470-1 du code de procédure pénale.
Les proches du sapeur-pompier se sont tournés vers la justice civile afin d’obtenir une indemnisation de la part de l’assureur de l’automobiliste.
Le juge civil a déclaré cette action irrecevable : il a considéré qu’ils auraient dû formuler leur demande de réparation dans le cadre de la procédure pénale. La cour d’appel a confirmé ce jugement.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a donné tort à la cour d’appel et saisi une autre cour d’appel : selon elle, le fait de ne pas demander au juge pénal des dommages-intérêts dans l’hypothèse d’une éventuelle relaxe du prévenu ne privait pas la partie civile du droit de saisir ultérieurement le juge civil en réparation de son préjudice.
Cette nouvelle demande soumise par la famille au juge civil ne méconnait ni le principe de « concentration des moyens » ni le principe de l’« autorité de chose jugée ».
La cour d’appel chargée de rejuger l’affaire n’a pas suivi la décision de la deuxième chambre civile : se référant au principe de l’autorité de la chose jugée, elle a déclaré irrecevable la demande d’indemnisation formulée par la famille du sapeur-pompier.
Cette position a conduit la Cour de cassation à examiner l’affaire en assemblée plénière, formation de jugement la plus solennelle, au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées.
Cela soulevait une question importante : la personne qui ne demande pas au juge pénal de statuer sur la réparation de son préjudice dans l’hypothèse d’une relaxe du prévenu auquel est reprochée une infraction non intentionnelle conserve-t-elle le droit de soumettre sa demande d’indemnisation au juge civil, sans que lui soient opposés le principe de concentration des moyens et l’autorité de la chose jugée ?
La réponse est OUI. La Cour de cassation précise la portée de la solution en distinguant les deux hypothèses qui peuvent se présenter :
- si la partie civile n’a formé aucune demande d’indemnisation de son préjudice devant le juge pénal pour le cas où la personne poursuivie serait relaxée, alors elle peut soumettre celle-ci devant le juge civil ;
- si, au contraire, elle a formé sa demande devant le juge pénal, comme le lui permet l’article 470-1 du code de procédure pénale, alors elle doit, en application du principe de concentration des moyens, présenter l’ensemble des arguments fondant sa demande. En effet, elle ne pourra plus, ensuite, saisir le juge civil de la même demande.
Par conséquent, la décision de la cour d’appel qui a déclaré irrecevable la demande d’indemnisation formulée par la famille du sapeur-pompier est censurée ; une autre cour d’appel devra se prononcer à nouveau sur cette demande.
NB : ce qui précède reprend, assez servilement, le communiqué de la Cour de cassation. Rien n’y est, notablement, à y ajouter.
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