Délégations pour ester en Justice : la Cour de cassation assouplit sa jurisprudence ; mais continuons de ne pas en sous-estimer les exigences…

Délégations au maire pour ester en Justice : la Cour de cassation assouplit ses exigences dans le cas des formulations englobantes retenues dans la plupart des délibérations.

Il accepte, désormais, d’y voir plus facilement qu’autrefois des autorisations à déposer plainte et à se constituer partie civile même sans mention très explicite sur ce point.

Il n’en demeure pas moins que les formulations de telles délégations continuent de devoir être concoctées avec précision, au contraire de ce qui se pratique souvent… 

 

 

L’article L. 2122-22 du CGCT, fort connu de tous les praticiens du bloc local, liste les domaines de compétences pouvant être délégués au maire par le conseil municipal.

N.B. : rappelons au passage que le piège classique dans l’usage de cet article consiste à faire, dans ces « délibérations L. 2122-22 » de simples séries de copier-coller du texte de la loi vers le texte de la délibération. OR dans nombre de domaines, la liste dudit article L. 2122-22 RENVOIE à des précisions, limites ou conditions fixées par le conseil municipal. Ne pas fixer ces précisions, limites ou conditions… revient à ne pas fixer les limites de ce qui est délégué … ce qui revient à vicier la délégation… ce qui revient à vicier l’acte ainsi adopté. Pour une illustration récente, voir  : TA Amiens, 6 avril 2021, Préfète de l’Oise c/ Compiègne, n° 2100998.

Les formulations à adopter en matière de délégations doivent être précises et le drame a longtemps été que juges administratif et pénal n’avaient pas toujours les mêmes exigences en ce domaine.

Le juge pénal exige que la compétence confiée à l’exécutif pour agir en Justice soit assez précise. Ce juge a permis, en revanche, à un exécutif local de former appel en application d’une délégation qui ne semblait couvrir que la première instance (Cass. crim., 22 janvier 1990, req. n° 88-87.003) mais il a estimé qu’une délégation trop générale qui ne portait pas précisément sur les plaintes avec constitution de partie civile déposée par le maire… ne conféraient pas à ce dernier le droit d’en déposer sans délibération ad hoc, ce qui était sévère (Cass. crim., 28 janvier 2004, n° 02-88.471, au Bull. Voir aussi les arrêts de la Cass. crim du 8 octobre 1996-10-08 [Bulletin criminel 1996, n° 348, p. 1035], du 13 décembre 1983 [Bulletin criminel 1983, n° 338, p. 872] et du 18 février 1987 [Bulletin criminel 1987, n° 80, p. 218].

C’est cette jurisprudence fort sévère qui vient d’évoluer par une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui est appelée à être publiée au Bulletin.

Il résulte, selon le juge pénal désormais donc,  de l’article L. 2122-22, 16°, du CGCT que le conseil municipal peut légalement déléguer au maire, pendant la durée de son mandat, le droit d’ester en justice pour l’ensemble du contentieux de la commune.

Encourt donc la cassation l’arrêt qui déclare irrecevable la constitution de partie civile d’une commune présentée par son maire au motif que la délégation ne spécifie pas les affaires pour lesquelles le maire a une délégation pour agir en justice, alors que cette dernière autorisait le maire à intenter au nom de la commune, par voie d’action ou d’intervention, toute action en justice quelle que soit sa nature ou à défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle, ceci devant l’ensemble des juridictions administratives, civiles et pénales, ainsi que devant toutes les juridictions sans exception, en charge de contentieux spécialisés, aussi bien en première instance qu’en appel ou en cassation

Source :

Cass. crim., 4 avril 2023, n° 22-83.613, au Bull.

Photo : coll. pers. (image de la partie pénale de notre bibliothèque)