La personne née d’un don de spermatozoïdes ou d’ovocyte (de gamètes, donc) dispose bien, depuis 2021, d’un droit à demander au donneur ou à la donneuse si celui-ci ou celle-ci accepte de lever le voile sur ses origines. Le Conseil constitutionnel a validé le régime qui fait que d’une part ces enfants ne sont en droit civil pas ceux du donneur ou de la donneuse et, d’autre part, le régime prévu pour que ces donneurs ou donneuses puissent refuser, ou non, cette information. Le Conseil a estimé qu’il n’était pas inconstitutionnel à ce stade que le législateur n’aie pas prévu une possibilité préventive de refus de toute éventuelle demande ultérieure. Mais les sages de la rue Montpensier ont ajouté une réserve d’interprétation (permettant aux donneurs et donneuses de ne pas subir des demandes répétées émanant de la même personne).
L’article L. 2143-6 du code de la santé publique, créé par la loi du 2 août 2021, prévoit qu’une personne majeure née à la suite d’un don de gamètes ou d’embryons réalisé avant une date fixée par décret au 1er septembre 2022 peut, désormais, saisir la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur d’une demande d’accès à ces informations.
Voir :
Ce régime n’avait donné lieu qu’à un contrôle très partiel (en raison du caractère sur ce point très limité de la saisine qui Conseil dans la requête émanant de parlementaires) dans la décision du Conseil n° 2021-821 DC du 29 juillet 2021 – Loi relative à la bioéthique.

Un requérant reprochait à ces dispositions de prévoir qu’un tiers donneur, ayant effectué un don de gamètes ou d’embryons à une époque où la loi garantissait son anonymat, peut être contacté par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur afin de recueillir son consentement à la communication de ces données, sans lui permettre de refuser préventivement d’être contacté ni garantir qu’il ne soit pas exposé à des demandes répétées. Il en résultait selon lui une méconnaissance du droit au respect de la vie privée.
Par ailleurs, dans le cadre de la procédure contradictoire, le Conseil constitutionnel a soulevé d’office le grief tiré de ce que, en remettant en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l’empire de textes antérieurs, ces dispositions méconnaîtraient la garantie des droits.
Le Conseil constitutionnel a :
- par une décision n° 2023-1052 QPC du 9 juin 2023, validé ce régime juridique issu de la loi de 2021… mais avec une importante réserve d’interprétation.
Le Conseil constitutionnel constate que, si ces dispositions permettent ainsi à la personne issue du don d’obtenir communication des données non identifiantes et de l’identité du tiers donneur, cette communication est subordonnée au consentement de ce dernier… l’anonymat dudit donneur est donc respecté (et donc l’article 16 de la DDHC aussi).
La réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel porte sur le fait que dans ce régime, il importera, en cas de refus, de ne PAS soumettre le tiers donneur à des demandes répétées émanant d’une même personne.
Voir cette décision : - par sa décision n° 2023-1053 QPC du 9 juin 2023, déclaré conforme à la Constitution le premier alinéa de l’article 342-9 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, prévoyant qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre le tiers donneur et l’enfant issu de son don.
À cette occasion, le Conseil constitutionnel relève qu’aucune interprétation jurisprudentielle constante ne confère, en l’état, à ces dispositions une portée qui exclurait la possibilité, pour le tiers donneur, d’établir un lien de filiation adoptive avec une personne issue de son don. Le Conseil juge toutefois que, quand bien même les dispositions du premier alinéa de l’article 342-9 seraient interprétées comme interdisant l’établissement d’un tel lien de filiation, elles ne méconnaîtraient pas le droit de mener une vie familiale normale.
Voir cette décision :
NB : en réalité, dès avant 2021, la plupart des CECOS (centres de dons en ce domaine, en France) faisaient déjà remplir aux donneurs des formulaires prévoyant des réponses à ces questions pour le cas où le droit évoluerait.
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