Quand un masseur-kinésithérapeute et/ou un ostéopathe peut-il pratiquer un « toucher pelvien » ?

1/ Cas des ostéopathes 

Les ostéopathes peuvent réaliser des actes dont la liste est fixée par le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007… dont l’article 3 exclut expressément les touchers pelviens, entre autres :

« I. – Le praticien justifiant d’un titre d’ostéopathe ne peut effectuer les actes suivants :

1° Manipulations gynéco-obstétricales ;

2° Touchers pelviens.

II. – Après un diagnostic établi par un médecin attestant l’absence de contre-indication médicale à l’ostéopathie, le praticien justifiant d’un titre d’ostéopathe est habilité à effectuer les actes suivants :

1° Manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de six mois ;

2° Manipulations du rachis cervical.

III. – Les dispositions prévues aux I et II du présent article ne sont pas applicables aux médecins ni aux autres professionnels de santé lorsqu’ils sont habilités à réaliser ces actes dans le cadre de l’exercice de leur profession de santé et dans le respect des dispositions relatives à leur exercice professionnel. »

A défaut, même s’il s’agit de tenter des rééducation du périnée ou autres, un ostéopathe qui pratique un « toucher pelvien » risque de graves conséquences pénales pour avoir à la fois pratiqué l’exercice illégal de la médecine et pour agression sexuelle, voire viol, dans certains cas.

Voir en ce sens : Cass. crim., 19 juin 2007, n° 06-85.303 ; CA Bordeaux, 24 mars 2016, n° 15/00839

NB : sur la condamnation d’un médecin, voir Conseil national de l’ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 11 mai 2017, n° 13031.

 

2/ Cas des masseurs-kinésithérapeutes

Le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes a rendu en 2018 un nouvel avis n° 2018-03 à ce sujet dont il ressortait que :

« L’attention des masseurs-kinésithérapeutes est attirée sur le fait que la réalisation d’un toucher vaginal ou rectal quelle qu’en soit l’indication thérapeutique, effectué sans avoir au préalable délivré une information claire et loyale et recueilli le consentement du patient peut revêtir la qualification pénale d’agression sexuelle ou de viol […] »

… ce qui ne fait pas débat. Et, surtout, cet avis précisait que :

« En agissant selon les règles de l’art les masseurs-kinésithérapeutes sont autorisés à réaliser des touchers pelviens (vaginal et rectal) à visée bilan diagnostic et thérapeutique, dans le cadre de la prise en charge sur prescription médicale de la rééducation périnéo-sphinctérienne dans les domaines urologiques, gynécologiques et proctologiques.
Dans le cadre exclusif du traitement de coccygodynies et en ultime intention, le masseur-kinésithérapeute peut pratiquer un toucher pelvien, sous réserve de respecter les articles R.4321-80, R.4321-83 et R.4321-113 du code de la santé publique.»

Voir ce document :

Or, cet avis pouvait être entendu de diverses manières. Faut-il toujours une prescription médicale avant que de pratiquer un tel toucher pelvien ?

La réponse du Conseil d’Etat va dans le sens de l’interprétation rigoureuse (mais il ne pouvait guère en avoir une autre) des textes.

Voici une partie du résumé des tables du rec. telles que préfigurées sur la base Ariane :

« Si l’article L. 4321-1 du code de la santé publique (CSP) ne soumet l’exercice de son art par le masseur kinésithérapeute à une prescription médicale que lorsqu’il agit dans un but thérapeutique, il renvoie à un décret en Conseil d’Etat la définition de l’ensemble des actes professionnels de masso-kinésithérapie, et non seulement des actes médicaux prescrits par un médecin. Or il ne résulte d’aucune des dispositions du CSP énumérant les actes professionnels de masso-kinésithérapie, notamment ses articles R. 4321-1, R. 4321-3, R. 4321-4 et R. 4321-5, qu’un masseur kinésithérapeute soit habilité à pratiquer sur ses patientes, hors prescription médicale, et quelle que soit la finalité qu’il lui assigne, un geste de toucher pelvien, qui ne constitue notamment ni une manoeuvre externe constitutive d’un acte de massage ni un acte de gymnastique médicale. »

Donc hors prescription médicale, point de salut.

 

3/ Cas des masseurs-kinésithérapeutes qui sont aussi ostéopathes

Oui mais dans cette affaire, le praticien était aussi ostéopathe. Cela changeait-il quelque chose ?

A ceci, la réponse ne pouvait être que négative puisque les ostéophates ont encore moins qualité pour ce faire…

D’où le fait que le Conseil d’Etat, très logiquement, pose qu’il :

« résulte des articles 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 et 1er et 3 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007, qui interdisent aux praticiens justifiant d’un titre d’ostéopathe d’effectuer des touchers pelviens, qu’un masseur-kinésithérapeute qui justifie du titre d’ostéopathe n’est autorisé à pratiquer un geste de toucher pelvien que lorsqu’il est habilité à réaliser cet acte dans l’exercice de sa profession de masseur-kinésithérapeute et dans le respect des dispositions relatives à son exercice professionnel à ce titre. »
(futur résumé des 
tables).

La seule circonstance que ce geste soit réalisé par des praticiens se prévalant également du titre d’ostéopathe ne peut donc suffire à justifier sa réalisation hors du cadre légal applicable à la masso-kinésithérapie.

Ce praticien à double casquette relève, précise le Conseil d’Etat (et ce point est important), à cet égard, du contrôle de la juridiction disciplinaire des masseurs-kinésithérapeutes.

 


VOIR CE NOUVEL ARRÊT DU CONSEIL D’ETAT :

Conseil d’État, 4 août 2023, n° 467213, aux tables du recueil Lebon