Est contraire à la Constitution (art. 16 DDHC ; droit à un recours juridictionnel effectif ; droits de la défense.le premier alinéa de l’article 385 du Code de procédure pénale, puisque ni ce régime ni un autre ne prévoit d’exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n’aurait pu avoir connaissance de l’irrégularité éventuelle d’un acte ou d’un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l’instruction.
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Cela faisait longtemps que M. François F., ancien Premier Ministre, attendait une victoire devant les tribunaux.
Voici chose faite, mais sur un terrain qui reste secondaire… sauf si le juge pénal estime que les nullités soulevées après coup sont réellement déterminantes, ce qui reste à démontrer. Donc M. François F. continue d’avoir quelques sourcils à se faire.
Il avait été condamné en 1e et 2e instance, pour diverses infractions.
Oui mais des nullités de procédures ont été soulevées, pour inconstitutionnalité possible de l’article 385 du code de procédure pénale, ainsi rédigé :
« Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction.
« Toutefois, dans le cas où l’ordonnance ou l’arrêt qui l’a saisi n’a pas été porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l’article 183 ou par l’article 217, ou si l’ordonnance n’a pas été rendue conformément aux dispositions de l’article 184, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction afin que la procédure soit régularisée.
« Lorsque l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a été rendue sans que les conditions prévues par l’article 175 aient été respectées, les parties demeurent recevables, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure.
« Lorsque la procédure dont il est saisi n’est pas renvoyée devant lui par la juridiction d’instruction, le tribunal statue sur les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure.
« La nullité de la citation ne peut être prononcée que dans les conditions prévues par l’article 565.
« Dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond.»
Ce régime de nullité connaît une sorte de couperet : « aucune dérogation au principe de la purge des nullités n’est prévue concernant des moyens de nullité dont le prévenu ne pouvait avoir connaissance avant la clôture de l’instruction», avait souligné l’avocat de l’ancien Premier Ministre, Me Briard, lors de l’audience.
Or, l’avocat voit une telle nullité de procédure dans les révélations, faites après, sur le fait que le Parquet National Financier aurait été pressé, invité à aller promptement dans cette affaire.
C’est la qu’intervient la censure du Conseil constitutionnel qui admet que l’on puisse soulever une nullité même après ce couperet.
Sans se prononcer sur le litige de fond à l’origine de la QPC, le Conseil constitutionnel déclare en effet contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 385 du code de procédure pénale, précité.
NB : plusieurs membres du Conseil, dont M. Juppé, ont logiquement estimé devoir ne pas siéger pour cette affaire.
Le requérant, rejoint par les parties intervenantes (dont un ancien Président de la République…), reprochait à ces dispositions de priver le prévenu de toute possibilité d’invoquer devant le tribunal correctionnel, saisi par une juridiction d’instruction, un moyen tiré de la nullité de la procédure antérieure, quand bien même le prévenu n’avait pu en avoir connaissance que postérieurement à la clôture de l’instruction. Il en résultait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle, au visa de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction et que doit être assuré le respect des droits de la défense.
À l’aune du cadre constitutionnel ainsi énoncé, le Conseil constitutionnel relève, d’une part, que, en vertu de l’article 170 du code de procédure pénale, en toute matière, la chambre de l’instruction peut, au cours de l’information, être saisie aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure par le juge d’instruction, par le procureur de la République, par les parties ou par le témoin assisté. Les articles 173-1 et 174 du même code soumettent à certaines conditions de recevabilité la possibilité de contester de tels actes ou pièces, sauf dans le cas où les parties n’auraient pu connaître le moyen de nullité. Son article 175 prévoit également que des requêtes en nullité peuvent être présentées, dans un certain délai, à compter de l’envoi de l’avis de fin d’information.
D’autre part, par dérogation au mécanisme de la purge des nullités prévu par les dispositions contestées, lorsque l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a été rendue sans que les conditions prévues par le même article 175 aient été respectées, les parties demeurent recevables à soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure.
Le Conseil constitutionnel constate que ces dispositions garantissent ainsi que le prévenu a été en mesure de soulever utilement les moyens de nullité dont il a pu avoir connaissance avant la clôture de l’instruction.
Toutefois, il relève que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne prévoient d’exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n’aurait pu avoir connaissance de l’irrégularité éventuelle d’un acte ou d’un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l’instruction.
De l’ensemble de ces motifs qui font écho à sa jurisprudence antérieure concernant les mécanismes de purge des nullités, telle qu’elle s’était notamment traduite dans sa décision n° 2021-900 QPC du 23 avril 2021, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. Il les déclare donc contraires à la Constitution.
Le Conseil pose qu’en attendant qu’une nouvelle loi soit adoptée ou, au plus tard, au 1eroctobre 2024, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n’a pu être connu avant la clôture de l’instruction.Ce qui veut dire que les nullités seront examinées. Pas qu’elle seront favorablement accueillies par le juge.
Source :
Voir aussi l’audience :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/media/36681
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