Intercommunalité : quid de la répartition de la trésorerie ? [VIDEO et article]

Nouvelle diffusion :

Avec quelques évolutions récentes, dont un intéressant arrêt de la CAA de Versailles (10 novembre 2022, 20VE00040), et au moment où chacun prépare l’intercommunalisation des compétences eau et assainissement d’ici à 2026, passons en revue ce que sont les règles de répartition, de transfert ou non, de la trésorerie, en matière d’intercommunalité… au fil d’une vidéo (I) et d’un article (II).

 

I. Vidéo détaillée

 

Voici tout d’abord une vidéo où, en 17 mn 03 , je tente de faire le point sur ce sujet :

https://youtu.be/_B_iZETt14A

 

 

II. Article

 

En matière de répartition et de transfert, ou de non transfert, de la trésorerie lors des évolutions intercommunales, il faut distinguer plusieurs situations… la première grande distinction étant entre le sens ascendant (on étend les compétences ou le périmètre d’une intercommunalité)… et le sens descendant (retrait de compétence ou de périmètre). Puis il importe de dissocier le cas des SPIC de celui des SPA. Avec, à chaque fois, une mise à part des procédures de dissolution.

II.A. Dans un sens ascendant

II.A.I Dans un sens ascendant, en cas de transfert de compétence ou dadhésion dans le cas dun service public industriel et commercial

 

En cas d’adhésion ou de transfert de compétences, s’applique un arrêt aux effets dévastateurs du Conseil d’Etat (compréhensible quand on regarde l’espèce, mais dont la solution d’espèce n’aurait sans doute pas du être érigée en principe général). La Haute Assemblée en effet a décidé dans un arrêt de 2016 (CE, 25 mars 2016, Commune de La Motte-Ternant, 386623)  que :

  • « Pour l’application des articles L. 5211-18 et L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), relatifs au transfert de compétences d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le solde du compte administratif du budget annexe d’un service public à caractère industriel ou commercial (SPIC) ne constitue pas un bien qui serait nécessaire à l’exercice de ce service public, ni un ensemble de droits et obligations qui lui seraient attachés. Par suite, ces articles n’imposent pas le transfert du solde du compte administratif du budget annexe d’un tel service lorsque celui-ci est transféré à un EPCI par une commune. »

Voir à ce propos :

 

Résultat : nombre de communes gardent des trésoreries positives considérables dans des domaines où des investissements énormes vont devoir intervenir… et surtout dans des domaines où cette trésorerie excédentaire résulte de retards d’investissements (sur la légalité de ce régime, et ses limites, voir l’arrêt Bandol cité ci-après, et expliqué in fine du présent article).

Autres sources à ce sujet : art. L. 2224-2 et suiv., puis R. 2221-48 et, enfin, R. 2221-90 du CGCT ; CE, 9 avril 1999, Commune de Bandol, req. n° 170999 ; CE, 21 novembre 2012, CASA, n° 346380 ; TA de Melun, 27 sept. 2018, Commune de Bussy-Saint-Georges, n° 1604315. Voir également : CAA Versailles, 2 octobre 2014, SIVU Tri-Action c/ Cne de Franconville, req. n°12VE01929 ; TA Versailles, 7 mai 2009, Syndicat d’assainissement de la moyenne Vallée de l’Essonne, req. n°0604650 ; CE, 26 juillet 1996, Association Narbonne Libertés 89, n° 130363 et 130450.

 

 

Et encore en eau et en assainissement faut-il tenir compte du régime un peu bigarré inventé par l’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, lequel corrige le tir à la marge de ce régime en en prévoyant une atténuation (obligation de transférer une partie  :

    • citons ce texte :
      • « Lorsqu’une commune transfère l’ensemble des compétences relatives à l’eau qu’elle exerce à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, elle transmet le schéma de distribution d’eau potable mentionné à l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales ainsi qu’un état financier de l’exercice de la compétence. Elle répond aux questions de l’établissement public de coopération intercommunale à cet égard.« Lorsque le schéma fait apparaître un taux de perte en eau supérieur au taux mentionné au deuxième alinéa du même article L. 2224-7-1, le transfert de compétence s’accompagne du transfert du solde positif du budget annexe du service d’eau à l’établissement public de coopération intercommunale, sauf disposition contraire prévue par convention. La convention peut prévoir un transfert partiel de budget en fonction de l’état du réseau.»
    • cette atténuation ne s’applique que pour l’eau (qui est, c’est vrai, le domaine où notre pays va connaître dans le monde rural notamment un véritable mur d’investissement)
    • elle est liée au transfert du zonage en matière d’eau… zonage qui n’existe pas toujours ce qui peut conduire à des situations juridiquement incertaines, ou en tous cas débattues
    • la loi nouvelle impose surtout que la commune :
      • transmette « un état financier de l’exercice de la compétence » ce qui est bel et bon
      • réponde « aux questions de l’établissement public de coopération intercommunale à cet égard. »
    • ce n’est que si « le schéma fait apparaître un taux de perte en eau supérieur au taux mentionné au deuxième alinéa du même article L. 2224-7-1» que « le transfert de compétence s’accompagne du transfert du solde positif du budget annexe du service d’eau à l’établissement public de coopération intercommunale, sauf disposition contraire prévue par convention. La convention peut prévoir un transfert partiel de budget en fonction de l’état du réseau. ».
      Avantage de ce dernier point : nous avons un indicateur à peu près simple pour caler les négociations.
      Inconvénient majeur : l’indicateur des taux de fuite est un peu primaire pour résumer des questions de retard d’investissement bien plus complexes dans le monde réel…

 

 

Mais la commune qui refuse de transférer une trésorerie indispensable pour un projet d’investissement :

• peut voir sa position fragilisée, en droit, si les sommes en question sont prévues en autofinancement dans un PPI

• s’expose à une mesure de rétorsion via l’édification de zonages tarifaires, certes dans le cadre de la jurisprudence en ce domaine (plus souple qu’on ne le croît usuellement. Voir : CE, 26 juillet 1996, Ass., Narbonne Libertés 89, rec. T 696 ; CE, 22 octobre 2021, n° 436256, aux tables).

 

II.A.2. Dans un sens ascendant, en cas dadhésion ou dextension de périmètre, pour un SPA

Pour schématiser, disons que ce point fait débat mais qu’est en position fragile celui qui défend les transferts sauf cas, clair, de PPI (plan pluriannuel d’investissement) et/ou d’affectation des sommes à ces futurs investissements au moins en comptabilité analytique…

II.A.3. Dans un sens ascendant, en cas dadhésion dun syndicat à un autre syndicat, valant dissolution

 

Tout autre est le régime des dissolutions de syndicats pour cause d’adhésion avec transfert intégral des biens, droits et obligations au syndicat auquel on adhère… car là il y a un transfert intégral desdits biens, trésorerie y compris (art. L. 5711-4 du CGCT) :

« En matière de gestion de l’eau et des cours d’eau, d’alimentation en eau potable, d’assainissement collectif ou non collectif, de collecte ou de traitement des déchets ménagers et assimilés, ou de distribution d’électricité ou de gaz naturel ou de réseaux et services locaux de communications électroniques, un syndicat mixte relevant du présent titre peut adhérer à un autre syndicat mixte défini au présent titre ou institué en application de l’article L. 5721-2, suivant la procédure définie à l’article L. 5211-18.L’adhésion d’un syndicat mixte à un autre syndicat mixte est sans incidence sur les règles qui régissent ce dernier.
«
Lorsque le syndicat mixte qui adhère à un autre syndicat mixte lui transfère la totalité des compétences qu’il exerce, l’adhésion entraîne sa dissolution.
« Les membres du syndicat mixte dissous deviennent de plein droit membres du syndicat mixte qui subsiste.
« Sauf disposition statutaire contraire, il leur est attribué au sein du comité syndical un nombre de sièges identique à celui dont disposait le syndicat mixte dissous.
« L’ensemble des biens, droits et obligations du syndicat mixte dissous sont transférés au syndicat mixte auquel il adhère. Celui-ci est substitué de plein droit, pour l’exercice de ses compétences, au syndicat mixte dissous dans toutes ses délibérations et tous ses actes.
« Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties. Les cocontractants sont informés de la substitution de personne morale par le syndicat mixte qui subsiste. La substitution n’entraîne aucun droit àrésiliation ou à indemnisation pour le cocontractant.
« Le transfert est effectué à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts ou honoraires.
« L’ensemble des personnels du syndicat mixte dissous est réputé relever du syndicat mixte auquel il adhère dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les siennes.
« Les transferts de compétences s’effectuent dans les conditions financières et patrimoniales prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 5211-17.»

 

II.B. Dans le sens descendant (retrait de périmètre ou de compétences, voire dissolution).

 

II.B.1. Rappel des règles en ce domaine

En cas de retrait, à la base :

  • s’appliquent alors les règles classiques de retrait notamment celles fixées à l’article L. 5211-25-1 du CGCT :
    « En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l’établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeur nette comptable, avec les adjonctions effectuées sur ces biens liquidées sur les mêmes bases. Le solde de l’encours de la dette transférée afférente à ces biens est également restitué à la commune propriétaire ; … »
  • le retrait d’un syndicat vaut réduction du périmètre syndicat mixte dont ce syndicat primaire était membre.

Ce qui impose, en pratique une ventilation des biens, droits et obligations entre communes, mais en lien étroit avec les intercommunalités qui reprendront toute ou partie des compétences, si elles existent déjà.

NB : un TA a imposé que la ventilation soit opérée entre chaque commune… Dans les cas d’accords, en pratique, nous avons quelques astuces pour rendre ce travail moins épique cela dit… Même quand un EPCI regroupe ensuite ces communes (TA Poitiers, 18 juin 2020, n° 1802394).

En tous cas, selon ce régime, le préfet doit faute d’accord procéder à la répartition:

  • d’une part, de l’ensemble des actifs dont l’établissement est devenu propriétaire postérieurement au transfert de compétences, à l’exception des disponibilités nécessaires pour faire face aux besoins de financements relatifs à des opérations décidées avant la date de la répartition et non encore retracées au bilan de l’établissement public,
  • d’autre part, de l’encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences.

 

Il est à noter qu’il est arrivé que le juge soit plus précis sur l’ordre à respecter pour ce faire. Dans un arrêt (2 septembre 2008, n°07MA02392) la CAA de Marseille posait par exemple :

« que le solde de l’encours de la dette ne peut ainsi être fixé puis réparti entre les deux collectivités avant que les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétence de la commune vers l’établissement de coopération intercommunale, et le produit de la réalisation de tels biens, aient été eux-mêmes fixés et répartis »

La CAA de Nantes (dans l’affaire 17NT02973 en date du 10 mai 2019) aborde les choses un peu différemment, mais sans que cela ne conduise à une révolution. elle impose bien de distinguer l’actif puis la dette, ce qui impose bien dans les deux cas de prendre ces deux éléments en compte et naturellement, de s’assurer de l’existence d’un actif dépassant le passif/la dette avant de répartir ladite dette.

Il importe donc d’agir en deux temps, soit par deux arrêtés, soit au moins dans la phase administrative de contradictoire, et ce sans reprendre les options de l’assemblée délibérante de la communauté de communes si celles-ci sont elles-même illégales au fond (en quelque sorte, pas d’incompétence négative donc : CAA Nancy, 2 juin 2008, Commune de Wittelsheim, n° 7C00596).

Puis sur le fond :

  • il faut un partage « équilibré de l’ensemble des éléments d’actif et de passif nés postérieurement au transfert de compétences et antérieurement au retrait de la commune du périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale, en tenant notamment compte, le cas échéant, d’une partie des charges fixes liées à la réalisation d’un équipement financé par cet établissement » (ce qui rejoint la position précitée et présentement commentée de CAA de Versailles, 10 novembre 2022, 20VE00040, mais aussi par exemple de la CAA de Nantes (dans l’affaire susmentionnée 17NT02973 en date du 10 mai 2019) ou encore la position du Conseil d’Etat qui, dans son arrêt en date du 21 novembre 2012 (CE, n°346380) précisait que « cette répartition doit être fixée dans le but…de garantir un partage équilibré compte tenu de l’importance de la participation de la commune…».
  • mais sur les critères de ce partage, les jurisprudences abondent et conduisent à un mode d’emploi complexe :
    • L’actif et le passif doivent être répartis en fonction de l’usage de chacun et des financements de chacun (CAA de Marseille, 2 septembre 2008, n°07MA02392 ; voir par analogie CE, 3 mai 1993 Bastia, n° 101436, DA 93-333 ; CE, 10 mars 1995, n° 95725, DA 1995-327) pour un autre syndicat mixte.
    • Sur la prise en compte des pertes de recettes pour la communauté mais aussi des diminutions de dépenses qui résultent d’un retrait, voir TA Nice, 17 décembre 2010, Communauté de communes de Côteaux d’Azur, n° 09023674.
    • Dans le même sens, ajoutons qu’en matière de retraits de structures intercommunales comme de défusions de communes, ou d’autres contentieux connexes, le juge impose une règle de bon sens : nul ne peut se voir imposer la charge de biens dont il n’a plus l’usage (CE 28/3/90 Cote, n° 76863, publié aux tables du rec. mais sur un autre point).Sur ce point, citons deux décisions du TA Dijon (27/6/00 Ronchères et Cheney, n° 991116 et 991068 [2 aff.], Quinz. jur. 17/07/2000 p. 20-21). dans l’affaire Cheney une commune se retirant d’un syndicat intercommunal ne pouvait se voir imposer une charge d’emprunt correspondant à un équipement dont elle n’avait pas l’usage. Dans l’affaire Ronchères, cette commune se défusionnant de Saint Fargeau ne pouvait se voir imposer des charges relatives aux coûts liés à un bâtiment industriel en jachère, situé sur la commune de Saint-Fargeau, alors que la nouvelle commune de Ronchères n’en aurait pas les bénéfices (pas de TP notamment) en cas de nouvel usage économique dudit bâtiment.
    • cela peut conduire à l’attribution à une commune ou à un EPCI d’un équipement qui n’est pas sur son territoire (sauf si ce bien avait été mis à disposition avant l’intercommunalisation, auquel cas les règles de retour des biens mis à disposition ne peuvent conduire à de telles solutions).
      NB : Sur le fait que le juge a pu admettre qu’on intervienne en dehors de son périmètre intercommunal, voir CAA Douai, 13 septembre 2004, CA du Soissonnais c/ Cnes de Chaudun et Ploisy, n° 04DA00046 par extension à l’intercommunalité de la jurisprudence communale posée par l’arrêt de principe CE, 6 mars 1981, Association de défense des habitants du quartier de Chèvre-morte et autres, req. n° 00120. Sur le fait que sur ce point le juge reste néanmoins très strict, voir par exemple TA Clermont- Ferrand, 21 mai 2013, Préfet du Puy-de-Dôme, n° 1201987 et TA Clermont-Ferrand, 21 janvier 2014, Préfet du Puy-de-Dôme, n° 1300409.
    • En cas de désaccord, il peut aussi être fait usage de l’arbitrage du président de la chambre régionale des comptes (CRC) prévu par l’article L.1321-1 du CGCT. Cet arbitrage peut ensuite donner lieu à contentieux devant le TA (CE, 13 mars 1998, Dpt de la Moselle, Rec. T. 1003).
    • Dès qu’il s’agit pour un préfet d’intervenir à la suite d’un retrait, faute d’accord des parties, dans le cadre d’un EPCI à FPU :
      • le Préfet doit bien prendre garde à avoir dans son arrêté sa propre analyse et ne pas reprendre, ou pas reprendre servilement, à son compte celle de la CLETC. A tout le moins doit-il prouver qu’il ne s’est pas senti lié par les calculs de ladite CLETC (voir par exemple TA Nîmes, 16 novembre 2021, CCPRO et Sorgues, n°1903653, 1903654, 1904194)
      • étant par ailleurs rappelé que les calculs des CLETC effectués plusieurs années auparavant lors d’une création, adhésion, ou d’un transfert de compétence, ne sont plus opérant lors du retrait opéré bien après… même si sur ce point les jurisprudences ont pu tâtonner.

      NB : sur ce dernier point, citons deux jurisprudences du même TA.. difficiles tout de même à concilier entre elles : TA Orléans, 4 mai 2016, communes de M et L c/ Ch. M., n° 1502921 et 150042 (voir ici) et TA Orléans, 7 mars 2019, commune de la Chapelle Royale et commune des Autels-Villevillon, n° 1800622 et 1800623 (voir ici le jugement 1800622)… Voir à ces sujets notre vidéo : Attribution de compensation : que dit le juge ? [VIDEO] 

Autres sources : TA Dijon, 9 octobre 2018, Cluny, n° 1600007 (Jugement Cluny) ; TA Châlons-en-Champagne, 29 janvier 2019, Joinville, n°1700973 (106308823_1700973) ; TA Orléans, 7 mars 2019, Communes des Autels-Villevillon et de la Chapelle-Royale, n° 1800622 et 1800623 (jugement 1800622) ; TA Orléans, 4 mai 2016, communes de M et L c/ Ch. M., n° 1502921 et 150042 (voir : Une communauté perd une compétence en 2006. Puis elle la reprend en 2012. Entre temps, la gestion fut syndicale. La communauté devait-elle calculer l’attribution de compensation des communes concernées sur la base des années antérieures à 2006 ? ou des années antérieures à 2012 ? ) ; CAA Nantes, 21 février 2014, n°12NT02774 (voir : Attribution de compensation : au moindre sur-mesure, il faut appliquer les règles de majorités dérogatoires ) ; TA Orléans, 4 août 2011, Cne de Gien, n°1101381 (sur la désignation des membres de la CLECT, ce qui est certes un peu un autre sujet ; voir : https://blog.landot-avocats.net/wp-content/uploads/2016/06/ta-orlc3a9ans-2011-gien-dc3a9signations-cletc.pdf).

 

 

N.B.  sur les transferts de contentieux, dans un sens ou l’autre (sauf dissolution), voir la règle selon laquelle il n’y a pas de transfert des contentieux en cas d’intercommunalisation si le recours a eu lieu avant le transfert  (CAA Nancy, 6 mars 1990, Société coopérative d’HLM « La maison familiale lorraine », req. n° 89NC00027, Rec. T. p. 626 ; CAA Nancy, 11 mai 2006, req. n° 04NC00570 et 04NC00571 ; voir surtout CE, 3 décembre 2014, Citelum, n° 383865, publié aux Tables du Rec. ; voir aussi dans le même sens et pour la question d’un appel en garantie : CE, 4 décembre 2013, CUMPM, n° 349614). Il en résulte parfois des situations ubuesques (voir par exemple CAA Lyon, 11 janvier 2018, n° 16LY01410). Voir :

 

 

II.B.2. Maintien ou pas de l’arrêt CASA de 2012 ? Pour la CAA de Versailles, c’est OUI (avec un mode d’emploi confirmé,  mais aussi affiné). Dans un cas (descendant donc) de réduction de périmètre ou de compétences, il y a donc bien répartition de la trésorerie. 

 

Reste que se pose la question de savoir si le même raisonnement s’impose ou non, encore, pour la trésorerie, notamment en cas de SPIC.

A priori, tout concourt à ce qu’il en aille de même :

  • la trésorerie est, en droit, un bien (donc un bien à répartir)
  • Un jugement du TA de Nice avait estimé que la trésorerie constitue un bien meuble et donc l’excé- dent budgétaire dégagé par l’EPCI constitue un bien qui doit être réparti lors d’un retrait inter- communal, contrairement à ce qu’affirment usuellement les services de l’État (TA Nice, 3 octobre 2008, Commune d’Antibes-Juan-les-Pins et autres, req. n° 075917). Mais ce jugement avait ensuite été censuré, en des termes d’ailleurs assez flous, à hauteur d’appel (CAA Marseille, 2 décembre 2010, CASA, n° 08MA049886). Le Conseil d’État a ensuite tranché  ce litige (CE, 21 novembre 2012, CASA, n° 346380)mais en des termes qui eussent mérité d’être plus clairs. Selon la Haute Juridiction, à ce stade, la :
    • trésorerie est un bien à transférer (ce qui est conforme au droit des biens d’une manière générale),
    • mais en imposant qu’à ce stade soit posée la question du point de savoir si « un tel excédent de trésorerie [est] ou non nécessaire pour faire face aux besoins de financement relatifs à des opérations décidées à la date de la répartition et non encore retracées au bilan de l’établissement public ».

Cette affaire a connu son point final avec un arrêt cette fois rédigé en termes clairs et transposables à d’autres cas (CAA Marseille, 20 septembre 2013, CASA, n° 12MA04657).

On retrouve là le mode d’emploi repris donc récemment par la CAA de Versailles (CAA de Versailles, 10 novembre 2022, 20VE00040) et qui est logique… sauf que l’on voit souvent prospérer l’analyse selon laquelle cet arrêt CE, 21 novembre 2012, CASA, n° 346380, précité, ne serait plus applicable dans certains cas depuis CE, 25 mars 2016, Commune de La Motte-Ternant, 386623, susmentionné (et sus-critiqué !)… par une sorte de parallélisme des modes d’emploi pour les retraits et pour les adhésions/ extensions de compétences. 

Sauf que :

  • le raisonnement est légitimement différent pour un bien que l’on se répartit (prise en compte du passé) que pour l’avenir
  • jamais le juge n’a clairement en cas de retrait d’un périmètre ou d’une compétence (ou de dissolution, a fortiori) remis en question l’arrêt CASA précité n° 346380 et il est rassurant pour les acteurs de terrain qui se retirent d’en voir au contraire une confirmation. Pour les autres, c’est moins joyeux.

Revenons à la CAA de Versailles, qui donc confirme qu’il faut bien continuer à appliquer la solution CASA de l’arrêt du Conseil d’Etat de 2012 (nonobstant l’application de l’arrêt La Motte-Ternant en sens inverse, depuis).

Que dit le juge ? Qu’il faut agir ainsi s’agissant de la répartition d’un excédent de trésorerie en cas de retrait d’un EPCI ou d’un syndicat mixte :

« 7. Pour l’application des dispositions précitées de l’article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales, qui s’appliquent à la communauté de communes de l’Arpajonnais quand bien même elle disposait d’une fiscalité propre, il y a lieu, afin d’apprécier s’il doit être procédé à la répartition de l’excédent de trésorerie de l’établissement public de coopération intercommunale qui a conservé sa compétence à l’égard des communes qui en restent membres, de rechercher si un tel excédent de trésorerie est ou non nécessaire pour faire face aux besoins de financement relatifs à des opérations décidées à la date de la répartition et non encore retracées au bilan de l’établissement public et de tenir notamment compte, le cas échéant, d’une partie des charges fixes liées à la réalisation d’un équipement financé par cet établissement. Contrairement à ce que soutient la communauté d’agglomération Cœur d’Essonne Agglomération, l’excédent de trésorerie de 15 889 476 euros enregistré à l’actif du bilan de la communauté de communes de l’Arpajonnais à la clôture de l’exercice 2015 constitue un bien au sens du 2° de l’article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales, qui doit être totalement réparti dans les conditions susmentionnées entre l’établissement public de coopération intercommunale et les communes s’en retirant, dès lors qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que cet excédent serait nécessaire pour faire face à des besoins de financement relatifs à des opérations décidées à la date de la répartition, non encore retracées au bilan de l’établissement public. »

En l’espèce :

« Contrairement à ce que soutient la communauté d’agglomération Cœur d’Essonne Agglomération, l’excédent de trésorerie de 15 889 476 euros enregistré à l’actif du bilan de la communauté de communes de l’Arpajonnais à la clôture de l’exercice 2015 constitue un bien au sens du 2° de l’article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales, qui doit être totalement réparti dans les conditions susmentionnées entre l’établissement public de coopération intercommunale et les communes s’en retirant, dès lors qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que cet excédent serait nécessaire pour faire face à des besoins de financement relatifs à des opérations décidées à la date de la répartition, non encore retracées au bilan de l’établissement public. »

Et donc qu’il faut en ce domaine :

  • « rechercher si un tel excédent de trésorerie est ou non nécessaire pour faire face aux besoins de financement relatifs à des opérations décidées à la date de la répartition et non encore retracées au bilan de l’établissement public »
  • en tenant « notamment compte, le cas échéant, d’une partie des charges fixes liées à la réalisation d’un équipement financé par cet établissement.»
  • la trésorerie n’étant pas utile pour un tel besoin de financement (en tenant en compte une partie des charges fixes) étant à se répartir sinon.

 

 

NB : précisons que le juge rejette l’argument tiré de l’éventuelle exception d’illégalité des reversements au budget général des excédents de budgets SPIC (comme les budgets eau et/ou assainissement M49) car ceux-ci proviennent de redevances excédendaires elles-mêmes illégales (pour résumer une question délicate :  c’est l’apport de l’arrêt « Commune de Bandol, » précité, du CE, en date du 9 avril 1999, n° 170999… En effet, une délibération tarifaire excédentaire est un acte réglementaire que l’on peut ensuite évoquer par exception d’illégalité contre les factures ou leur recouvrement. Mais ensuite un budget excédentaire reporté année après année donne lieu à une série d’actes à la chaîne, dont des actes non réglementaires, ce qui prive de la possibilité de continuer à pouvoir soulever une exception d’illégalité). Or, c’est par de tels reversements au budget général (en vidant l’excédent du budget M49) que de nombreux acteurs locaux évitent ou tentent d’éviter d’avoir à verser une quote-part de trésorerie…

 

II.C. Dissolution

Enfin, retenons que dans le cas des dissolutions, s’applique un tout autre régime (art. L. 5212-33, L. 5212-34 pour les syndicats, notamment) avec répartition de la trésorerie, mais nous sommes là dans un autre cadre juridique avec ses propres règles et ses multiples pièges…