Un appel manifestement infondé ne peut être rejeté, d’un côté, et donner lieu à acceptation de conclusions incidentes, de l’autre (sauf à encourir une annulation TOTALE)

Un Tribunal administratif avait annulé une décision d’opposition à une déclaration préalable de travaux et prononcé une injonction de réexamen.

Soit. L’auteur de la décision forme appel du jugement. Bien.

Mais là où les choses se compliquent, c’est que :

  • d’un côté, la requête d’appel est rejetée comme manifestement dépourvue de fondement, et ce en application du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative (CJA)
  • et d’un autre côté, le demandeur de première instance forme des conclusions incidentes tendant à ce qu’il soit enjoint de lui délivrer une décision de non-opposition… conclusions qui sont, elles, acceptées.

 

Le Conseil d’Etat a bien évidemment mis fin à cette anomalie ; une conclusion incidente… est incidente, accessoire à l’appel. Si l’appel est rejeté, la conclusion incidente ne peut être accueillie.

En l’espèce, donc, le Conseil d’Etat juge que :

«3. Les dispositions de l’article R. 222-1 rappelées au point précédent n’ouvrent pas aux magistrats qu’elles désignent la faculté, après avoir rejeté une requête d’appel comme manifestement dépourvue de fondement, de faire droit à des conclusions incidentes.
«
4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en faisant droit aux conclusions incidentes de la société Orange tendant à ce qu’il soit enjoint au maire de la commune de lui délivrer l’autorisation sollicitée, après avoir rejeté les requêtes d’appel de la commune contre le jugement du tribunal administratif de Lille annulant les décisions du maire de s’opposer aux déclarations préalables de la société Orange comme manifestement mal fondées, le juge d’appel a statué au terme d’une procédure irrégulière.
« 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen du pourvoi, la commune de Sainghin-en-Mélantois est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque.»

 

D’où le résumé que voici aux futures tables du rec.

« Tribunal administratif ayant annulé une décision d’opposition à une déclaration préalable de travaux et prononcé une injonction de réexamen. Auteur de la décision interjetant appel du jugement. Demandeur de première instance formant des conclusions incidentes tendant à ce qu’il soit enjoint de lui délivrer une décision de non-opposition. En faisant droit à ces conclusions incidentes sur le fondement du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du CJA, le juge d’appel entache son ordonnance d’une irrégularité qui justifie son annulation totale.»

 

On notera le détail final : c’est bien une annulation totale qui en résulte.

L’affaire peut donc être rejugée en son entier. La censure ne se limite alors pas à l’accueil des conclusions incidentes. C’est le point principal à retenir de cette affaire… le reste étant tout de même assez évident pour qu’il soit surprenant que la question ait même pu remonter au Conseil d’Etat.

Source :

Conseil d’État, 24 octobre 2023, n° 465360, à publier aux tables du recueil Lebon

Voir aussi les conclusions de Mme Dorothée PRADINES, Rapporteure publique :