En cas de pluralité de requérants, avec un avocat, sans qu’un représentant unique ait été désigné, le juge peut-il par défaut considérer que ses décisions ne sont à notifier qu’au primo requérant ?

Réponse non sauf à avoir mis l’avocat en situation d’opter le choix qui s’offre aux requérants en pareil cas.

En cas de pluralité de requérants, avec un avocat de constitué, le juge administratif doit en effet, selon la CAA de Versailles, informer celui-ci que, faute de désignation d’un représentant unique par ses soins avant la clôture de l’instruction, le primo-requérant sera considéré comme le représentant unique du recours (pour les notifications ensuite, ce qui a d’importantes conséquences notamment en référé suspension).

Le Code de justice administrative (CJA) dispose en effet que :

  • Sauf si elle est signée par un mandataire régulièrement constitué, la requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales doit comporter, parmi les signataires, la désignation d’un représentant unique.
  • la juridiction, en cas de requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales et représenté par un avocat, peut décider de ne notifier sa décision qu’à la personne désignée à cette fin par le mandataire avant la clôture de l’instruction ou, à défaut, au premier dénommé.

De ceci, la CAA en déduit qu’il importe :

« qu’une information ait été adressée à l’avocat des parties avant la clôture de l’instruction sur l’option qu’il lui revient d’exercer ou à défaut sur la désignation du premier dénommé de la requête comme représentant unique pour que soient exclus les autres requérants du droit à recevoir notification de la décision et que leur soient opposables tous ses effets. »

Et si ce mode d’emploi n’est pas respecté, un requérant à qui une ordonnance de rejet (pour défaut de moyen sérieux) de son référé suspension n’a pas été notifiée… n’a pas à confirmer expressément sa requête au fond au sens de l’article R. 612-5-2 du CJA.

 

 


 

L’article R. 751-3 du code de justice administrative (CJA)  permet à la juridiction, en cas de requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales et représenté par un avocat, de ne notifier sa décision qu’à la personne désignée à cette fin par le mandataire avant la clôture de l’instruction ou, à défaut, au premier dénommé.

Oui mais… mais en même temps l’article R. 411-5 de ce même code dispose que :

« Sauf si elle est signée par un mandataire régulièrement constitué, la requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales doit comporter, parmi les signataires, la désignation d’un représentant unique.
« 
A défaut, le premier dénommé est avisé par le greffe qu’il est considéré comme le représentant mentionné à l’alinéa précédent, sauf à provoquer, de la part des autres signataires qui en informent la juridiction, la désignation d’un autre représentant unique choisi parmi eux.
« 
L’introduction de la requête au moyen d’une des applications mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-2, emporte désignation de la personne qui l’a introduite comme représentant unique.»

De ceci, la CAA en déduit qu’il importe :

« qu’une information ait été adressée à l’avocat des parties avant la clôture de l’instruction sur l’option qu’il lui revient d’exercer ou à défaut sur la désignation du premier dénommé de la requête comme représentant unique pour que soient exclus les autres requérants du droit à recevoir notification de la décision et que leur soient opposables tous ses effets. »

 

En l’espèce, par ordonnance, en 2021, le juge des référés du TA de Versailles avait rejeté une requête en référé suspension faute de moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Or cette ordonnance avait bien été notifiée à certains requérants, mais pas à une autre.

De plus, il ne ressort pas des pièces que le greffe du tribunal avait alors avisé l’avocat des requérants que, faute de désignation d’un représentant unique par ses soins avant la clôture de l’instruction, le primo-requérant serait considéré comme le représentant unique du recours en référé.

Or, celle des requérantes à qui l’ordonnance n’a pas été dûment notifiée n’a pas confirmé sa requête, alors que c’est obligatoire pour maintenir le recours, sur le fond, après un échec en référé suspension.

En effet, depuis le 1er octobre 2018 (date de dépôt des requêtes), en application de l’article R. 612-5-2 du Code de justice administrative (CJA), après un référé suspension perdu faute de moyen sérieux, le requérant devra expressément confirmer sa requête au fond… sauf s’il a engagé un recours en cassation contre cette ordonnance (ce qui d’ailleurs pose un problème si le requérant est un préfet, lequel alors se pourvoi en appel — voir ici à ce propos — et non en cassation : ce régime s’applique-t-il à lui alors, et comment ?).

SOIT en version courte :

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SOIT en version développée :

 

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Depuis, nombre de requérants, mal accompagnés ou non conseillés, se prennent les pieds dans le tapis et le juge a eu diverses occasions de préciser les détails de ce régime :

 

Voir à ce sujet cette petite vidéo concoctée par mes soins en janvier 2022 et qui tente de regarder ce point et quelques autres en 4 mn 14 :

 

Sauf que :

  • en l’espèce donc le TA n’a pas respecté le mode d’emploi dégagé par la CAA selon lequel, il importe « qu’une information ai[e] été adressée à l’avocat des parties avant la clôture de l’instruction sur l’option qu’il lui revient d’exercer ou à défaut sur la désignation du premier dénommé de la requête comme représentant unique pour que soient exclus les autres requérants du droit à recevoir notification de la décision et que leur soient opposables tous ses effets. »
  • faute que cela aie été fait, la requérante qui n’était pas primo-requérante mais à qui l’ordonnance n’a pas été notifiée, n’était pas contrainte de confirmer sa requête au fond alors même que le rejet a été fait par manque de moyen sérieux. 

 

Et, par suite, la commune défenderesse en première instance n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de donner acte du désistement d’office de cette requérante à qui l’ordonnance n’a pas été notifiée (ce qui eût été possible — de ne pas notifier cette ordonnance donc — si le TA avait adressé à l’avocat des parties une information sur l’alternative s’offrant à lui, donc).

Source :

CAA de VERSAILLES, 27 février 2024, n° 23VE01231