Contentieux et EnR : selon le CE, accélérer n’est pas régresser

Ne viole pas, selon le Conseil d’Etat, le principe de non-régression en matière environnementale… le fait qu’existe un régime accéléré et allégé pour certains contentieux propres aux énergies renouvelables (hors éolien)… Ce qui s’inscrit dans la droite ligne d’autres décisions de la Haute Assemblée pour qui, décidément, ces questions processuelles ne peuvent pas être des régressions environnementales. 

 


 

Le décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 accélérait les régimes contentieux afférents aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité… pour les décisions prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026 (nouvel article R. 311-6 du code de justice administrative).

Avec à la clef, comme en électoral des élections locales par exemple, des délais accélérés de jugement. Ainsi qu’un délai de recours contentieux de deux mois sans prolongation acquise par un recours administratif.

Voir, à ce sujet, notre article publié alors :

… renforçant la tournure baroque, voire bigarrée, prise par le contentieux administratifs depuis quelques décennies (voir ici, à ce propos).

Le Conseil d’Etat vient de valider ce régime contentieux spécifique et accéléré, sans estimer qu’était en ce domaine méconnu le principe de non-régression en matière environnementale. Ce qui est certes discutable, mais qui s’avère tout à fait conforme à la jurisprudence assez constante de la Haute Assemblée, laquelle avait déjà par exemple jugé que :

 

Ce qu’exprime le Conseil d’Etat avec son laconisme usuel, qui en ce domaine s’avère aussi commode (car la justification intellectuelle de sa position devient malaisée si on l’approfondit un peu) que cash (car là, nulle porte ne saurait être plus fermée : ce principe pour le juge s’impose au fond du droit mais non aux éléments processuels, à l’évidence) :

« 9. En troisième lieu, aux termes du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les autorités s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du  » principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment « . Toutefois, les requérants ne peuvent utilement invoquer ce principe de non-régression en matière environnementale pour contester des dispositions aménageant le régime contentieux applicable aux décisions visées par le décret attaqué.»

 

Ces aménagements contentieux ne portent pas non plus atteinte au principe d’égalité ni au droit à un procès équitable ou autres variations autour de ces deux thèmes. Mais, là, sur ce point, je n’aurais pas parié un kopeck sur ces moyens contentieux, même si j’apprends que certains ont été portés par des émanations de nos ordres professionnels, et donc de nos cotisations d’avocats. Gronf. Mais c’est un autre sujet :

«7. En premier lieu, si les dispositions du III de l’article R. 311-6 du code de justice administrative prévoient un dessaisissement du tribunal administratif qui ne statue pas dans un délai de dix mois au profit de la cour administrative d’appel, et faute pour celle-ci de statuer dans ce même délai, un dessaisissement de la cour administrative d’appel au profit du Conseil d’Etat, la procédure ainsi organisée, n’a pas, en tant que telle, pour objet ou pour effet de supprimer un degré de juridiction et se borne à aménager les délais de jugement sans priver les justiciables de l’accès à un juge dès lors qu’elle permet aux requérants dont la demande ne serait pas jugée dans le délai imparti par le tribunal administratif d’exposer leurs moyens devant la cour administrative d’appel ou, le cas échéant et si cette dernière ne statue pas dans le délai imparti, devant le Conseil d’Etat, appelés à statuer en droit et en fait. Ces dispositions, qui, contrairement à ce que soutient la A…, présentent un caractère temporaire, prises dans l’objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de certains types d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, ne méconnaissent pas le principe d’égalité entre les justiciables.
« 8. En deuxième lieu, d’une part, ni les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni les stipulations du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni aucun principe général du droit ne consacrent l’existence d’une règle du double degré de juridiction qui s’imposerait au pouvoir réglementaire. D’autre part, si le II de l’article R. 311-6 du code de justice administrative prévoit que le délai de recours contre les décisions concernées est de deux mois, par dérogation, le cas échéant, aux dispositions spéciales prévues par les dispositions réglementaires propres à certaines de ces décisions prévoyant un délai de recours d’une durée supérieure, le pouvoir réglementaire s’est borné à appliquer à ces décisions le délai de recours de droit commun résultant de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, sans porter d’atteinte illégale au droit à un recours juridictionnel effectif. Les dispositions du décret attaqué prévoyant que le délai de recours contentieux contre les décisions concernées n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif ne portent pas davantage d’atteinte illégale à ce droit.»

 

Source :

Conseil d’État, 12 avril 2024, n° 470092, aux tables du recueil Lebon