Passer de 20 à 7 jours le délai entre la publication des arrêtés relatifs à la chasse… et le début de celle-ci, n’est une atteinte ni au droit de recours effectif, ni au principe de non-régression en matière d’environnement, selon le Conseil d’Etat.
Aux termes du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les autorités s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du :
« principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
Le juge fait prévaloir une interprétation raisonnée, non absolue voire parcimonieuse, de ce principe :
- TA La Réunion, 1ère chambre, 14 décembre 2017, n° 1401324 et 1500484voir Principe d’amélioration constante, de non régression, en matière de protection de l’environnement et, notamment, de biodiversité : ce principe s’applique-t-il à toutes les décisions publiques ? – jugement confirmé par la CAA de Bordeaux, 12 novembre 2019, n° 18BX00361
- Conseil d’État, 6ème – 1ère chambres réunies, 08/12/2017, 404391voir Pas de nouvelle exemption d’évaluation environnementale sauf cas d’incidence notable sur la santé ou l’environnement (application souple du principe de non régression ; courses de véhicules)
- CE, 26 juin 2019, n° 415426, 415431Voir Pesticides : le Conseil d’Etat et le JO jouent en stéréo
- Environnement : déroger expérimentalement n’est pas régresser (CE, 17 juin 2019, n° 421871, au rec.)
- Néonicotinoïdes sur les betteraves : le Conseil constitutionnel refuse de saupoudrer la Constitution d’un principe de non-régression absolu (Décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020)
- Environnement : régression du principe de non régression… quoique (application parcimonieuse, mais application quand même, de ce principe : CE, 9 octobre 2019, n°420804)
- etc.
… Avec quelques sursauts parfois de la part du juge (voir par exemple )Annulation d’une partie de la (relative) dérégulation des ICPE au nom du principe de non-régression en matière environnementale ).Pour un exemple, en transport aérien, où il a été dit le principe de non-régression avait fait une envolée alors que cela se discute, voir CE, 9 juillet 2021, n° 439195, arrêt que j’avais commenté ici).
En matière de néonicotinoïdes :
- entre 2020 et 2021, les deux ailes du Palais Royal ont admis l’interdiction tout en validant l’exception en dépit du fait que celle-ci est intervenue après coup, ce qui la conduisait potentiellement à être contraire au principe de non-régression.
Sources : CE, 12 juillet 2021, n° 424617, à publier au rec. ; C. const. Décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 ; CE, ord., 15 mars 2021, 450194-450199 ; CE, ord., 25 février 2022, n°461238. - Avant que de s’aligner sur le droit européen, mais nous sortons alors du cadre juridique stricto sensu du principe de non régression.
Source : CJUE, 19 janvier 2023, n°C-162/21 ; CE, 3 mai 2023, Agir pour l’environnement n°450155, 450287, 450932, 450933, 451271, 451272, 451380, 461199.
En mars 2023, le Conseil d’Etat vient a posé que :
- ce principe s’impose au pouvoir réglementaire en matière environnementale
Sur ce point, voir Cons. const, 4 août 2016, n° 2016-737 DC, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, cons. 10 : « Ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » - sauf si le législateur a :
- soit écarté son application (auquel cas le requérant doit tenter une QPC si celle-ci est recevable…)
- soit si celui-ci a confié au pouvoir réglementaire le soin d’en préciser les contours (auquel cas le requérant doit envisager de soulever que l’on se trouve, peut-être, dans un domaine relevant de la loi). Plus précisément, pour reprendre la formulation du Conseil d’Etat, cette hypothèse correspond au cas où le législateur « a institué un régime protecteur de l’environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en oeuvre de dérogations qu’il a lui-même prévues à ce régime.»
Source : Conseil d’État, 27 mars 2023, n° 463186, aux tables du recueil Lebon.
Voici une nouvelle application portant justement sur l’application de ce principe au domaine réglementaire.
Pour couper court aux recours en matière d’arrêtés préfectoraux annuels relatifs aux dates d’ouverture de la chasse à tir.. le pouvoir réglementaire a réduit de 20 à 7 jours de délai entre la date de publication desdits arrêtés et leur date d’entrée en vigueur.
Des associations attaquent. Le juge estime que cette réduction de délai ne porte pas en elle-même une mesure contraire à ce principe de non-régression :
« 4. Ainsi qu’il a été dit au point 1, les dispositions contestées du décret attaqué ont pour objet de réduire à sept jours le délai, courant à compter de la date de publication de l’arrêté préfectoral, à partir duquel, d’une part, la chasse à tir est ouverte, et, d’autre part, la campagne cynégétique débute, mais ne modifient ni les dates d’ouverture, la durée ou les modalités de la chasse, ni le nombre ou les espèces d’animaux susceptibles d’être chassés. Il n’a, dès lors, pas une incidence directe et significative sur l’environnement et n’entre pas, par voie de conséquence, dans le champ d’application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.»
… ni un droit au recours effectif.
Voir déjà dans le même sens par analogie : CE, 9 octobre 2013, Syndicat de gestion des eaux et de l’environnement du Gâtinais Est et Ouest de l’arrondissement du Montargois, n°370051, aux tables, CE, 21 mars 2022, Association Les amis de la Terre France et autres et UFC-Que choisir, n°440871.
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