Même entre commune et communauté, les contentieux portant sur la légalité de contrats empiétant prétendument sur les compétences de l’un ou de l’autre…. doivent en passer par le nouveau régime de la jurisprudence “Tarn-et-Garonne” (recours direct contre le contrat mais avec certaines contraintes). Telle est l’amère expérience que vient de vivre une communauté de communes au titre d’un jugement rendu ce jour par le TA de Rouen. Et… telle est l’heureuse expérience que vient de vivre la commune défenderesse !
Le désormais célèbre arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 4 avril 2014 (CE Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994) pose que :
« Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ;
[…]
Considérant qu’il appartient en principe au juge d’appliquer les règles définies ci-dessus qui, prises dans leur ensemble, n’apportent pas de limitation au droit fondamental qu’est le droit au recours ; que toutefois, eu égard à l’impératif de sécurité juridique tenant à ce qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours, le recours ci-dessus défini ne pourra être exercé par les tiers qui n’en bénéficiaient pas et selon les modalités précitées qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de la présente décision ; que l’existence d’un recours contre le contrat, qui, hormis le déféré préfectoral, n’était ouvert avant la présente décision qu’aux seuls concurrents évincés, ne prive pas d’objet les recours pour excès de pouvoir déposés par d’autres tiers contre les actes détachables de contrats signés jusqu’à la date de lecture de la présente décision ; qu’il en résulte que le présent litige a conservé son objet ; »
Il résulte de ce qui précède que le juge administratif a voulu instituer une voie de recours de plein contentieux contre les contrats administratifs, au bénéfice des tiers auxdits contrats, pour les contrats signés après la lecture de l’arrêt précité, qui a eu lieu le 4 avril 2014.
En revanche, l’ouverture de cette voie de contentieux a eu pour effet de fermer la voie du recours contre un acte détachable du contrat, notamment la voie du recours contre la décision de signer le contrat prise postérieurement au 4 avril 2014.
En effet, ainsi qu’il est clairement indiqué dans le corps de la décision :
« la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini »
En conséquence, le recours porté contre la délibération de signer un contrat administratif est irrecevable.
DONC si une communauté veut attaquer le contrat d’une de ses communes au motif que ce contrat empièterait sur les compétences communautaires, il lui faut en passer par les fourches caudines de cette jurisprudence, à peine, sinon, de rendre irrecevable son recours contentieux…
Telle est la mésaventure que viennent de vivre une communauté et son avocat qui ont attaché la délibération et la décision de signer un contrat d’une commune agissant hors compétences selon eux… et non le contrat lui même. Pour le plus grand bonheur de la commune et le plus grand amusement de son avocat.
Voir le jugement rendu dans cette affaire ce jour même :