Contentieux de type “Olivet” : les conclusions de la DDFIP peuvent être transmises partiellement aux élus s’il n’en résulte aucune dénaturation

 

Le contrat de concession du service public des eaux de la Communauté urbaine de Bordeaux signé en décembre 1991 a fait l’objet de nombreux avenants dont un signé suite à une délibération du 21 décembre 2012, maintenant la durée initiale de la concession, à échéance de 2021. L’association Trans’cub et 4 habitants de Bordeaux métropole ont, après en avoir demandé le retrait auprès du président de Bordeaux métropole,  demandé l’annulation de cette délibération ainsi que d’une autre du 8 juillet 2011 et de déclarer illégales deux autres délibérations de 2006 et 2009.

Les amateurs de droit contractuels auront donc reconnu une demande, par les requérants, de l’application du célèbre arrêt « Olivet ». 

N.B. : la loi Barnier du 2 février 1995 prévoit une durée maximale de vingt ans pour certaines DSP. Le juge administratif en a alors déduit que les contrats de DSP conclu avant l’entrée en vigueur de la loi Barnier devaient s’arrêter, sauf exceptions, au 3 février 2015 au plus tard (CE, 8 avril 2009, Commune d’Olivet, n°271737).

En fait, il convient pour l’essentiel de retenir par son fameux arrêt « Commune d’Olivet », le Conseil d’Etat est intervenu afin de rendre applicable les dispositions législatives relatives à l’encadrement de la durée des délégations de service public aux conventions de délégation de service public en cours lors de la publication de ces dispositions.

Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé qu’une délégation de service public  dans les domaines environnementaux (et donc d’une durée plafonnée à 20 ans), conclue avant l’entrée en vigueur de ces lois, ne peut plus être régulièrement exécutée au-delà de 20 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi n°95-101 du 2 février 1995 dite « loi Barnier ».

Ainsi, il résulte de cet arrêt que :

  • une délégation de service public conclue avant l’entrée en vigueur de la loi Barnier du 2 février 1995 ne peut être régulièrement exécutée plus de vingt ans après l’entrée en vigueur de ladite loi, soit après le 3 février 1995,
  • néanmoins, il en va différemment en cas de justifications particulières soumises à l’examen préalable du directeur départemental des Finances publiques (DDFIP) (remplaçant le trésorier payeur général dans la nouvelle rédaction de l’article L.1411-2 du CGCT).

 

Le Tribunal administratif de Bordeaux a fait une analyse intéressante sur ce point.

 

Premier apport : passé les délais de REP, il n’est pas possible de demander l’abrogation d’une délibération non réglementaire (ce qui n’est pas nouveau)… et n’est pas une délibération réglementaire une délibération approuvant un avenant entraînant des investissements nouveaux sans changement de tarif ni de durée du contrat

Tout d’abord,le recours en annulation direct fait par les requérants était tardif, mais le juge a accepté de les examiner sous l’angle de la demande d’abrogation les conclusions dirigées contres les délibérations de 2006, 2009 et 2011.

Mais, et c’est le premier apport intéressant (quoiqu’un brin discutable) de ce jugement, le TA a estimé que les délibérations litigieuses n’avaient pas un caractère réglementaire en leurs dispositions contestées, car ne portant pas notamment sur la définition des tarifs applicables et que donc elles ne relevaient pas de la procédure prévue à l’article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 (consacrant les anciennes jurisprudences Despujols de 1930 et Alitalia de 1989).

Bref ces avenants n’étaient pas réglementaires, le premier avenant querellé ayant  :

« eu pour objet d’approuver l’augmentation du niveau d’investissements à la charge du délégataire sur la durée de la délégation, de 146 à 302 millions d’euros, et non, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, de prolonger celle-ci ; que de même, celle du 10 juillet 2009, en ses dispositions contestées par les requérants, a eu pour objet d’approuver le remplacement, sur le réseau de distribution, des branchements en plomb pour un montant prévisionnel de 78 millions d’euros et de définir le montant total de « l’indemnité de retour des branchements plomb renouvelés » à la charge de Bordeaux Métropole au terme de la délégation et non, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, de prolonger celle-ci ; que ces modifications, qui ne concernent que les rapports entre le délégataire et l’autorité délégante, sont purement contractuelles et ne sont pas relatives à l’organisation et au fonctionnement du service public de distribution d’eau potable et d’assainissement et, en particulier, n’ont pas trait aux tarifs applicables aux usagers qui ne sont pas réévalués à la hausse en dépit de l’accroissement des charges du délégataire résultant de ces avenants ; que par suite, ces délibérations n’ont pas le caractère d’un acte règlementaire ; »

NB : ces recours ont été engagés avant l’arrêt CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 (sinon les requérants eussent été irrecevables pour avoir attaqué la délibération et non le contrat, schématiquement). 

 

Second apport : si un organe délibérant décide de maintenir une durée de concession en dépit de l’arrêt Olivet, l’avis du DDFIP (ou DRFIP) peut n’être que partiellement communiqué aux élus dès lors que la partie utile dudit avis a été transmise sans tromperie

 

S’agissant de la délibération de 2012, seule attaquable, laquelle portait sur le maintien de la durée initiale du traité de concession (en dérogation aux principes énoncés dans la loi du 29 janvier 1993, dite loi « Sapin » et de la jurisprudence Olivet), son annulation était demandée principalement du fait d’une information insuffisante des élus avant le vote.

Le tribunal a rejeté les conclusions, estimant que l’avis du directeur régional des finances publiques requis en pareil cas en vertu de l’article L. 1411-2 du CGCT, avait été lu, dans sa partie utile, lors de la séance du conseil communautaire, et que cette lecture, certes partielle, n’avait pas été, dans les circonstances de l’espèce, de nature à induire en erreur les conseillers communautaires sur le sens de l’avis émis par cette autorité. Là encore, le Tribunal administratif s’avère plutôt conciliant. Mais cette position semble conforme, s’agissant d’une question de légalité externe, à l’évolution de la jurisprudence en ce domaine (CE Ass., 23 décembre 2011, Danthony, req. n° 335033).

 

TA Bdx 201605 recours DSP eau 1302295