Eaux d’exhaure et redevances d’assainissement

Oui on peut instaurer une redevance d’assainissement pour les eaux d’exhaure (qualifiables d’eaux industrielles même provenant d’une copropriété), en sus de la redevance usuelle d’assainissement collectif, sous quelques réserves précisées par la CAA de Paris. 

 


 

Par un arrêté du 30 janvier 2013, le maire de Paris a :

  • autorisé un syndicat de copropriétaires à rejeter dans le système d’assainissement collectif les eaux d’infiltration, dite eaux d’exhaure, recueillies dans le parc de stationnement souterrain de cette copropriété
  • fixé par conséquent les conditions techniques et financières de ce rejet.

Ladite copropriété, schématiquement, voulait bien rejeter ses eaux mais était moins partante pour payer le coût de ce service.

La CAA de Paris a jugé  :

  • que le maire de Paris pouvait légalement imposer le versement d’une redevance pour le rejet d’eaux d’exhaure à l’égout car une telle faculté :
    • a bien en l’espèce été prévue par les organes délibérants compétences (en l’espèce, selon les fractions de la redevance concernées, par le SIAAP et par le conseil de Paris)
    • relève des dispositions de l’article L. 1331-10 du code de la santé publique, lequel prévoit que :
      • « Tout déversement d’eaux usées autres que domestiques dans le réseau public de collecte doit être préalablement autorisé par le maire (…) L’autorisation prévue au premier alinéa fixe notamment sa durée, les caractéristiques que doivent présenter les eaux usées pour être déversées et les conditions de surveillance du déversement (…) L’autorisation peut être subordonnée à la participation de l’auteur du déversement aux dépenses d’investissement entraînées par la réception de ces eaux (…) Cette participation s’ajoute, le cas échéant, aux redevances mentionnées à l’article L. 2224-12-2 du code général des collectivités territoriales (…)  »

    • ainsi que des dispositions de l’article R. 1331-2 du même code et de l’article L. 2224-12-2 du CGCT qui vont dans le même sens et prévoient de telles redevances;
  • que, selon le juge, et c’est là le point central,
    • 5. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que lorsque le maire autorise, en application des articles L. 1331-10 et R. 1331-2 du code de la santé publique, le rejet d’eaux souterraines, dont les eaux d’exhaure, à l’égout, celles-ci, même propres ou peu polluées, sont assimilées à des  » eaux usées  » d’origine non domestique ; que si une participation aux dépenses d’investissement peut être demandée aux personnes ainsi autorisées à les rejeter à l’égout, cette participation prévue par l’article L. 1331-10 du code de la santé publique ne se substitue pas mais s’ajoute aux redevances d’assainissement régulièrement établies pour la collecte, le transfert et le traitement des eaux avant leur retour au milieu naturel ; que la collecte, le transport et même l’épuration, qui devient nécessaire dès lors que les eaux d’exhaure sont mêlées à des eaux plus sales, sont des services effectivement rendus ; qu’ainsi les redevances dont l’arrêté litigieux prévoit le versement, qui sont d’ailleurs proportionnelles au volume d’eau rejeté à l’égout et à son degré de propreté, ont le caractère d’une redevance pour service rendu, et non, comme le soutient le requérant, celui d’une taxe fiscale ; qu’elles pouvaient être prévues par les règlements d’assainissement pris par la ville de Paris et le SIAAP sur le fondement des articles L. 2224-12-2, L. 2224-12-3 et R. 2224-19-6 du code général des collectivités territoriales ; qu’ainsi, les moyens tirés, d’une part, de ce que les redevances dont il est question dans l’arrêté du 30 janvier 2013 auraient été instituées en méconnaissance de l’article 34 de la Constitution et, d’autre part, de ce que les règlements d’assainissement seraient illégaux en tant qu’ils prévoient le versement de redevances pour des eaux d’exhaure doivent être écartés ;

La requérante soutenait que le règlement d’assainissement de la ville de Paris ne pouvait légalement classer les eaux d’exhaure, qui sont propres et qu’il n’a pas utilisées, parmi les  » eaux usées  » et a fortiori parmi les  » eaux usées industrielles « . La CAA a rejeté ce raisonnement :

« la copropriété, qui pompe ces eaux naturelles pour assécher son parking avant de les rejeter à l’égout, leur donne en ce faisant la nature d’eaux usées ; que leur usage n’étant pas domestique, la ville de Paris a pu régulièrement classer les eaux d’exhaure parmi les eaux usées  » industrielles « , qualification qui concerne l’ensemble des usages non domestiques des eaux rejetées à l’égout ;»

 

Restait à vérifier, pour la CAA, le caractère proportionné de ladite redevance, ce qui fut fait fort classiquement avec l’obstacle usuel de la preuve pour le requérant, charge de la preuve que la Cour s’est refusée à renverser au contraire de ce qui, trop souvent, arrive :

« 8. Considérant qu’en matière de redevance pour service rendu, le tarif applicable n’est légalement établi que s’il est proportionnel au coût dudit service ; qu’en l’espèce les modalités de calcul de la redevance d’assainissement tiennent compte d’une part du volume d’eau rejeté et d’autre part du caractère faiblement pollué des eaux d’exhaure, auxquelles est appliqué le coefficient de pollution le plus faible ; que, comme il a été dit ci-dessus, l’autorisation litigieuse pouvait légalement prévoir une redevance y compris pour l’épuration des eaux ; que si le syndicat des copropriétaires du 96 rue Saint-Charles soutient que les redevances exigées ne sont pas proportionnelles au service rendu, il n’apporte aucun élément permettant d’apprécier le bien fondé de cette allégation ; qu’ainsi, ce moyen doit être écarté ; »

 

Voir :

CAA de PARIS, 1ère chambre, 30/06/2017, 15PA02037, Inédit au recueil Lebon

 

 

 

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Crédits photographiques : Nicolas Polubocsko.