Non… un maire ne peut pas faire sauter des PV

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Il est des maires qui sont plus hardis que d’autres face à la loi… Celui (Didier Borotra, voir ici et ) qui autrefois exerça son mandat à Biarritz fit partie de ceux que la loi effrayait assez peu, visiblement.

Ainsi ce maire a-t-il fait sauter en 4 ans pas moins de 4 632 PV (en matière de stationnement — avant la dépénalisation de la gestion du stationnement sur voirie bien sûr — ou d’autres contraventions) !

La Cour de cassation a confirmé qu’il fallait y voir la commission de quelques infractions bien senties : immixtion dans une fonction publique ;  détournement de bien publics…

Mais on pourra exprimer sa surprise qu’il n’y ait pas eu de condamnation, ni même semble-t-il de poursuites, pour concussion (qui eût été l’infraction idoine).

 

 

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Cour de cassation 

Chambre criminelle

 

21 mars 2018 

n° 17-81.011

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Texte intégral : 

Cour de cassation Chambre criminelle 21 mars 2018 N° 17-81.011

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

no H 17-81.011 FS P+B no 360  

ND 21 MARS 2018  

REJET  

M. SOULARD président,  

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________  

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :  

Statuant sur le pourvoi formé par :  

– M. Didier B.,  

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2017, qui, pour détournement de biens d’un dépôt public, immixtion dans une fonction publique, prise de mesure contre l’exécution de la loi par dépositaire de l’autorité publique, l’a condamné à 30 000 euros d’amende ;  

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 31 janvier 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. S., Mme d., M. G., Mme Z., MM. d., Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, Fouquet, conseillers référendaires ;  

Avocat général : M. Bonnet ;  

Greffier de chambre : M. Bétron ;  

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général BONNET ;  

Vu le mémoire produit ;  

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, à l’issue d’un audit de la régie des recettes de la police municipale de Biarritz mettant en évidence plusieurs dysfonctionnements et, notamment, l’annulation de 3619 avis de contravention, soit 10 % environ des faits constatés, entre le 3 mars 2009 et le 31 décembre 2010, le procureur de la République a, le 27 avril 2012, ouvert une information contre personne non dénommée du chef de détournements de titres ou effets de l’autorité publique par dépositaire public ou l’un de ses subordonnés ; les investigations ayant révélé que M. B., maire de la commune de Biarritz, avait donné des instructions pour ce faire et avait réitéré ce comportement jusqu’au mois de mai 2013, le juge d’instruction a été saisi des nouveaux faits, y compris sous la qualification d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique, ainsi que des faits de prise de mesures destinées à faire échec à l’exécution des lois après qu’a été découverte une note prescrivant aux agents municipaux de ne pas verbaliser certaines infractions, signée du directeur de la police municipale, M. B., lequel a affirmé avoir agi sur les instructions du maire dont il a produit une note confidentielle allant dans ce sens ;  

Attendu qu’à l’issue de l’information, M. B. et M. B. ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir, à Biarritz depuis avril 2009 et jusqu’en mai 2013, en leur qualité respective de comptable ou dépositaire public et de subordonné de celui ci, d’une part, détruit, détourné ou soustrait au préjudice de l’Etat et de la ville de Biarritz des actes ou titres ou fonds publics ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, en l’espèce, plusieurs milliers de procès verbaux de contravention, d’autre part, en leur qualité de personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de leur fonction, pris des mesures destinées à faire échec à l’exécution des lois et en l’espèce, en donnant à des policiers municipaux, 

agents de police judiciaire adjoints, l’instruction de ne pas constater certaines contraventions au code de la route, l’infraction ayant été suivie d’effet, et enfin pour s’être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, immiscés dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant des actes réservés au titulaire de cette fonction, en l’espèce des classements sans suite de contraventions, actes réservés à l’officier du ministère public près le tribunal de police, par délégation du procureur de la République ;  

Attendu que, par jugement en date du 17 décembre 2015, le tribunal correctionnel a renvoyé M. B. des fins de la poursuite, a relaxé M. B. du chef de prise de mesure suivie d’effet contre l’exécution de la loi par dépositaire de l’autorité publique, et après l’avoir déclaré coupable des autres délits, l’a condamné à une amende de 20 000 euros assortie partiellement du sursis ; que M. B. et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;  

En cet état ;  

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-2, 111-3 et 433-12 du code pénal, 19, 21-2, 40, 40-1 et 593 du code de procédure pénale, du principe de légalité, défaut de motifs, manque de base légale,  

“en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. Didier B. coupable d’immixtion dans une fonction publique ;  

“aux motifs que l’information judiciaire a établi que M. B., durant la période de ses différents mandats de maire de Biarritz, et notamment, sur la période de la prévention. s’est arrogé le pouvoir d’annuler, en opportunité, certains procès verbaux de contraventions dressés par les agents de la police municipale, lorsqu’il était saisi de réclamations des contrevenants; que des courriers signés de sa main, par lesquels il informait les requérants des directives données en ce sens aux services compétents, c’est à dire à la régie dirigée par M. B., ont été saisis et ne laissent aucun doute sur le fait que ces annulations intervenaient sur la seule décision de M. B. ; que pour justifier de la légalité de cette pratique, M. B. invoque tout à la fois son statut de maire, élu au suffrage universel, sa qualité d’OPJ à statut spécial non soumis selon lui à l’autorité du procureur de la République et aux dispositions de l’article 19 du code de procédure pénale et, surtout, les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale lequel, de son point de vue, ne crée d’obligation de transmission au procureur de la République qu’en ce qui concerne les procès verbaux relatifs à des crimes ou des délits, obligation qui ne saurait être étendue, contra legem, aux contraventions des quatre  

premières classes ; que l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale dispose que toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis, sans délai, au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès verbaux et actes qui y sont relatifs ; que la notion d’autorité constituée englobe toute autorité, élue ou nommée, nationale ou locale, détentrice d’une parcelle de l’autorité publique ; que ces dispositions ont donc vocation à s’appliquer aux élus locaux parmi lesquels figurent les maires ; que l’obligation de signalement qui pèse sur les maires, en leur qualité d’autorité constituée, limitée aux crimes et délits selon les dispositions de l’article 40 alinéa 2, ne saurait être interprétée, a contrario, comme générant un pouvoir implicite de classement sans suite, au bénéfice des maires, s’agissant des procès verbaux de contravention établis par les policiers municipaux placés sous leur autorité, au mépris des dispositions spéciales du code de procédure pénale qui règlent la matière ; qu’en effet, qu’en application de l’article 21 2 du code de procédure pénale,  

les agents de police municipale ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint; qu’en cette qualité, ils sont notamment chargés de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire, de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance, de constater par procès verbal les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat ; que selon l’article 21-2 du code de procédure pénale, et sans préjudice de l’obligation de rendre compte au maire qu’ils tiennent de l’article 21, les agents de police municipale rendent compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance ct doivent adresser, sans délai, leurs rapports et procès verbaux simultanément au maire et , par l’intermédiaire des officiers de police judiciaire précédemment mentionnés, au procureur de la République ; que selon l’article R. 15-33-29-3 du code de procédure pénale, les agents de police municipale peuvent constater par procès verbal un certain nombre de contraventions prévues par le code pénal, comme par exemple les bruits et tapages injurieux, les divagations d’animaux dangereux, les dégradations et détériorations légères concernant des biens communaux, les mauvais traitements à animaux; qu’ils peuvent également constater par procès verbal les contraventions de non respect des arrêtés de police prévus par l’article R. 610-5 du code pénal, catégorie qui inclut notamment les arrêtés de police du maire en matière de stationnement, les contraventions au code de la route dont la liste est fixée par les articles R. 130-1-1 à R. 130-3 de ce code et les  

contraventions relatives à l’interdiction de fumer dans un lieu affecté à un usage collectif ; qu’en application de l’article R. 15-33-29-4 du code de procédure pénale, dans le cadre de ces missions de police judiciaire, les agents de police municipale doivent adresser sans délai les procès verbaux constatant les contraventions prévues par l’article précédent simultanément au maire et, par l’intermédiaire de l’officier judiciaire territorialement compétent, mentionné à l’article 21 précité, au procureur de la République ; qu’il découle des textes qui précèdent qu’un maire ne saurait s’arroger le pouvoir de filtrer la transmission à l’officier de police judiciaire territorialement compétent des procès verbaux de contravention établis, en leur qualité d’agent de police judiciaire adjoint, par les agents de police municipale placés sous son autorité et d’annuler ou classer sans suite certains de ces procès verbaux, sauf à s’attribuer un pouvoir d’opportunité des poursuites que seul le procureur de la République et, sur délégation, l’officier du ministère public, détiennent ; que M. B., ancien sénateur, ne saurait se prévaloir de son ignorance de la loi pour invoquer l’absence d’élément intentionnel du délit, d’autant qu’il a revendiqué la légitimité de son action en s’étonnant, au mépris du principe de séparation des pouvoirs, de ce qu’un élu du peuple, à la tête d’un exécutif local aurait moins de droits et de pouvoirs qu’un procureur de la République, magistrat nommé ; que les faits sont ainsi parfaitement constitués, les premiers juges ayant, à bon droit, retenu M. B. dans les liens de la prévention ;  

“et qu’en omettant de transmettre les procès verbaux de contraventions au Parquet ou à l’officier du Ministère Public, le prévenu en sa qualité d’officier de police judiciaire, n’a pas satisfait aux prescriptions de l’article 19 du code de procédure pénale qui stipule que « les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance », et, de ce fait, s’est attribué un pouvoir de classement qui n’appartient, en application de l’article 40-1 du même code, qu’au procureur de la République ou à son délégué l’officier du Ministère Public ; que dans ces conditions le prévenu sera déclaré coupable du délit d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique ;  

“1 ) alors que l’article 433-12 du code pénal incrimine « le  

fait, par toute personne agissant sans titre, de s’immiscer dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant l’un des actes réservés au titulaire de cette fonction » ; que ce texte figure au titre III du code pénal relatif aux atteintes à l’autorité de l’Etat, chapitre 3 « Des atteintes à l’administration publique commises par les particuliers », section 7 « De l’usurpation de fonctions »; que les « atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une  

fonction publique » font l’objet de dispositions spéciales, figurant au chapitre 2 de ce même titre ; que les faits visés à la prévention, commis par un maire en exercice, agissant es qualité, n’entrent pas dans les prévisions de l’article 433-12 du code pénal ; que la cour a violé ce texte, ensemble le principe de légalité des délits et des peines ;  

“2 ) alors que le délit de l’article 433-12 du code pénal  

suppose, pour être constitué, un acte d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant l’un des actes réservés au titulaire de cette fonction ; que le fait, pour un maire, de manquer à ses propres obligations au titre de l’article 19 du code de procédure pénale, ou celui de « s’arroger le pouvoir de filtrer la transmission, à l’officier de police judiciaire territorialement compétent, des procès verbaux de contravention établis, en leur qualité d’agent de police judiciaire adjoint, par les agents de police municipale placés sous son autorité », ne caractérisent aucun un acte d’immixtion dans les fonctions du procureur de la République ;  

“3 ) alors qu’il résulte des dispositions de l’article 40-1 du  

code de procédure pénale que le pouvoir de classer sans suite du procureur de la République ne peut s’exercer qu’a posteriori, après transmission des procès verbaux constatant une infraction; que la loi ne reconnaît au procureur de la République aucun pouvoir de filtrage dans la transmission des PV ; que le fait de s’être « arrog(é) le pouvoir de filtrer la transmission, à l’officier de police judiciaire territorialement compétent, des procès verbaux de contravention établis, en leur qualité d’agent de police judiciaire adjoint, par les agents de police municipale placés sous son autorité et d’annuler ou classer sans suite certains de ces procès verbaux» ne caractérise, à ce stade, aucune immixtion dans l’exercice d’un acte réservé de manière exclusive au procureur de la République ;  

“4 ) alors que le fait « de filtrer la transmission, à l’officier  

de police judiciaire territorialement compétent, des procès verbaux de contravention établis, en leur qualité d’agent de police judiciaire adjoint, par les agents de police municipale placés sous son autorité » n’était pas visé à la prévention, en sorte qu’il est hors saisine et ne saurait venir au soutien du dispositif” ;  

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe ne bis in idem ;  

“en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. Didier B. coupable d’une part, d’immixtion dans une fonction publique pour avoir procédé à des classements sans suite de contraventions,  

d’autre part, de détournement ou destruction au préjudice de l’Etat et de la Ville de Biarritz, d’actes, titres ou fonds publics, en l’espèce, ces mêmes procès verbaux ;  

“alors que des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent elle concomitantes ; que le non transfert des procès verbaux de contravention – pénalement sanctionné sous la qualification de soustraction, détournement ou destruction de biens public par personne dépositaire de l’autorité publique ne constituait que la conséquence ou le moyen du classement sans suite reproché au maire, et pour lequel il a été déclaré coupable d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique ; que l’arrêt constate lui même que l’infraction de soustraction, détournement ou destruction de biens public par personne dépositaire de l’autorité publique découle de l’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique ; que la cour a violé le principe Ne bis in idem” ;  

Les moyens étant réunis ;  

Attendu que, pour déclarer M. B. coupable d’une part, d’immixtion dans une fonction publique pour avoir procédé à des classements sans suite de contraventions, d’autre part, de détournement ou destruction au préjudice de l’Etat et de la Ville de Biarritz, d’actes, titres ou fonds publics, en l’espèce, les procès verbaux constatant des contraventions, l’arrêt énonce que M. B., qui a revendiqué la légitimité de son action, s’étant arrogé le droit de filtrer la transmission, à l’officier de police judiciaire compétent, de ces procès verbaux établis par les agents de police municipale en leur qualité d’agents de police judiciaire adjoints et d’annuler ou classer sans suite certains d’entre eux, s’attribuant ainsi un pouvoir d’opportunité des poursuites conféré seulement au procureur de la République et, sur délégation, à l’officier du ministère public, s’est rendu coupable du délit d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique ; que les juges ajoutent que le délit de détournement de biens publics, en l’espèce de plusieurs milliers de procès verbaux de contravention, qui découle de l’infraction d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique, est également constitué, l’effacement de la saisie des contraventions dans le logiciel destiné à établir l’état des amendes forfaitaires majorées constituant la soustraction d’un titre, effet ou pièce représentatif d’une recette publique et donc de fonds publics à recouvrer ;  

Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que, d’une part, caractérise le délit d’immixtion dans une fonction publique, plus précisément, dans l’exercice du pouvoir de classement sans suite conféré au seul procureur de la République par l’article 40-1 du code de procédure pénale,  

le fait, pour un maire, qui ne bénéficie d’aucun titre au sens de l’article 433-12 du code pénal pour ce faire, de décider, en violation de l’article 21-2 du code de procédure pénale, de l’opportunité de transmettre certains procès verbaux de contraventions à ce magistrat et de les conserver aux fins de les soustraire à toute poursuite judiciaire, d’autre part, le fait de filtrer les procès verbaux des contraventions, en lieu et place du ministère public, est dissociable de l’action d’annuler des références de la souche ou carte maîtresse de l’infraction enregistrée sur un logiciel dédié afin d’éviter toute communication au Trésor public aux fins de recouvrement, la cour d’appel a, sans excéder sa saisine ni méconnaître le principe ne bis in idem, justifié sa décision ;  

D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;  

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 432-1 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale,  

“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Didier B. coupable du délit de prise de mesure destinée à faire échec à l’exécution de la loi par dépositaire de l’autorité publique ;  

“aux motifs que l’information judiciaire a établi qu’à compter de mai juin 2008, M. Didier B. a redéfini les missions de la police municipale en donnant pour instructions précises de ne plus relever certaines infractions au code de la route, bafouant les compétences des policiers municipaux telles qu’énoncées par les articles 21 et R. 15-3329·3 du code de procédure pénale précédemment rappelés ; que ces instructions ont été relayées par M. Xavier B. au terme d’une note de service établie sous sa signature, le 16 mai 2008 (D344), visant la modification des missions de la police municipale et prescrivant, à propos des infractions au code de la route :  » Ne seront plus relevées les infractions suivantes : – téléphone portable, – ceinture, – contrôle technique, – non apposition de vignette d’assurance  » ; qu’entendu sur ces instructions de non verbalisation, M. Xavier B. a produit une note confidentielle du sénateur maire, en date du 3 juin 2008, intitulée « Note concernant la police municipale » (D425) et comportant les observations suivantes : « 1 ) La police municipale est une police de proximité. Elle n’est pas au  

service de la police d’Etat, elle n’en est pas un appendice. Elle doit être dirigée de façon tout à fait indépendante par le responsable de l’ordre et de la sécurité dans la ville, c’est à dire le maire.« Je rappelle donc le  

lien hiérarchique direct entre la police municipale et le maire et confirme qu’il ne peut y avoir d’opérations communes avec la police d’Etat sans autorisation expresse du maire. J’ajoute, néanmoins, que dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, les policiers municipaux peuvent à tout moment appeler la police d’Etat et les O. P.J. pour mener à terme les opérations qu’ils ont engagées. » « 3 ) Bien entendu, la police municipale a la responsabilité de  

verbaliser. Mais je demande qu’il soit mis un terme à cette recherche systématique de certaines violations du code de la route, qu’il ne leur appartient pas de sanctionner, sauf ordre précis de la hiérarchie. Les contrôles de vitesse, les usages de téléphone au volant, l’absence de contrôle technique, relèvent de la responsabilité de la Police nationale. Par contre, le franchissement de feux rouges, l’utilisation d’un sens interdit ou le franchissement d’un stop, tout comme la conduite en état d’ivresse relèvent de la police municipale » ; que M. B. a expliqué qu’il avait anticipé les consignes écrites du maire en rédigeant une note de service qui reprenait les instructions verbales de M. B. formulées lors d’une réunion préparatoire ; que ces instructions de non verbalisation données à des agents de police judiciaire adjoints qui tiennent leurs pouvoirs de la loi et, en l’espèce, des textes du code de procédure pénale précédemment rappelés, lesquels définissent leurs attributions de police judiciaire et le cadre dans lequel ils les exercent, sous le contrôle du procureur de la République, constituent bien l’élément matériel du délit de prise de mesures destinées à faire échec à l’exécution des lois, par personne dépositaire de l’autorité publique, en l’espèce par le maire de la ville de Biarritz et le directeur de sa police municipale, agissant dans l’exercice de leurs fonctions ; que ces instructions ont été suivies d’effets comme ont permis de l’établir les auditions des policiers municipaux qui ont reçu ces consignes ; que l’élément intentionnel du délit est caractérisé à l’égard des deux prévenus qui ne pouvaient ignorer, de par leurs fonctions, la double compétence des agents de police municipale, agents de police administrative d’une part, chargés, notamment, d’exécuter les arrêtés du maire et agents de police judiciaire adjoints, d’autre part, chargés de constater, par procès verbal, un certain nombre de contraventions aux lois et règlements, limitativement énumérées par le code de procédure pénale, et non uniquement les seules contraventions aux arrêtés de police du maire ou celles dépendant de son bon vouloir ; (…) que le jugement frappé d’appel qui a relaxé les deux prévenus, de ce chef de prévention, en considérant, à tort, que le maire avait le pouvoir de privilégier la constatation d’un certain type d’infractions au code de la route au détriment de la recherche d’autres contraventions, sera réformé, M. B. étant déclaré coupable de ce délit ;  

“alors que l’article 432-1 du code pénal incrimine le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi ; que n’entre pas dans les prévisions du texte et ne constitue pas une mesure faisant échec à l’exécution de la loi, le fait, pour un maire, en cette qualité, d’avoir, dans un souci de bon fonctionnement du service et d’orientation de l’action vers une police de proximité, assigné des priorités à la police municipale, ayant des moyens limités, pour privilégier la répression de certains types d’infractions par rapport à d’autres, sans pour autant prendre des mesures destinées à faire obstacle à l’exécution de la loi, les autres infractions demeurant parfaitement verbalisables par la police nationale ; que la cassation interviendra sans renvoi” ;  

Attendu que, pour déclarer M. B. coupable du délit de prise de mesure destinée à faire échec à l’exécution de la loi par dépositaire de l’autorité publique, l’arrêt énonce qu’il a, alors qu’il ne pouvait ignorer la double compétence des agents de police municipale, chargés notamment de constater par procès verbal un certain nombre de contraventions aux lois et règlements limitativement énumérées, donné des instructions de non verbalisation à ces derniers, qui ont la qualité d’agents de police judiciaire adjoints qui tiennent leurs pouvoirs de la loi et, en l’espèce, des textes du code de procédure pénale qui définissent leurs attributions de police judiciaire et le cadre dans lequel ils les exercent sous le contrôle du procureur de la République ;  

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le prévenu, en sa qualité de maire, a fait échec à l’application des articles 21 du code de procédure pénale et L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, en donnant des instructions à des policiers municipaux placés sous son autorité, de ne pas constater certaines contraventions qu’il leur appartenait cependant de relever dans le cadre de leur mission d’agents de police judiciaire adjoints, qu’ils exercent sous la seule autorité du procureur de la République, la cour d’appel a justifié sa décision ;  

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;  

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;  

REJETTE le pourvoi  

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un mars deux mille dix huit ;  

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre. 

 

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