Où est la frontière entre immeuble de grande hauteur (IGH) et immeuble de très grande hauteur (ITGH) ?

Le tribunal administratif rejette le recours dirigé contre le permis de construire délivré par le maire de Puteaux à la société CNIT Développement en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier d’envergure dans le quartier d’affaires de la Défense : les tours « Sisters ».

Le projet prévoit la construction de deux tours de 51 et 31 étages, d’une hauteur respective de 219 mètres et 121 mètres, reliées par un pont érigé à plus de 100 mètres de haut, qui accueilleront principalement des bureaux ainsi qu’un hôtel 4 étoiles.

En l’espèce, le tribunal se prononce notamment de manière inédite sur la notion d’immeuble de très grande hauteur.

 

La notion d’immeubles de grande hauteur a des conséquences et/ou des définitions variées en termes :

  • fiscaux ( voir par exemple CE, 21 janvier 2016, n°371972 ; CE, 23 juillet 2010, n° 318860)
  • de sécurité en cas notamment de règlement judiciaire (Cass. civ. 3, 3 mai 1989, n° 87-18.451)
  • de sécurité, notamment de sécurité incendie (articles L. 122-1 et L. 122-2 du Code de la construction et de l’habitation modifiés et articles R. 122-1 à R. 122-29 de ce même code)… en lien avec le droit de l’urbanisme et de la construction. Le permis de construire vaut alors aussi autorisation spéciale prévue par le Code de la construction et de l’habitation pour contrôler le respect des règles de sécurité concernant les IGH.
  • etc.

 

Sur le calcul des hauteurs, le Conseil d’Etat a déjà posé que pour mettre en oeuvre l’article R. 122-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), il importe de mesurer entre le niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie et le plancher bas du dernier niveau (même celui-ci correspond à la partie supérieure d’un duplex ou d’un triplex).

Source : CE, 6 décembre 2017, n° 405839)

 

Dans ce nouveau contentieux sur les déjà fameuses Tours « Sisters » qui, à La Défense, seront pile un mètre de moins de haut que la Tour Effeil ( voir ici  et voir, surtout, là), se posait la question de savoir si ces édifices étaient des immeubles de grande ou de très grande hauteur (IGH ou ITGH).

Il est intéressant de noter que le TA de Cergy Pontoise a conduit le raisonnement suivant, intéressant et novateur sur la prise en compte des locaux techniques (la mise en gras est, naturellement, de nous) :

44. D’autre part, aux termes du paragraphe 3 de l’article GH 1 de l’annexe à l’arrêté du 30 décembre 2011 susvisé : « Pour l’application du présent règlement, ne sont pas considérés comme niveaux, au sens de l’article R. 122-2 du code de la construction et de l’habitation, les locaux ou groupes de locaux techniques qui couvrent une emprise inférieure à cinquante pour cent du niveau courant et qui sont accessibles uniquement depuis la terrasse ». Il résulte de ces dispositions que ne constituent pas des niveaux, au sens de l’article R. 122-2 du code de la construction et de l’habitation, les locaux ou groupes de locaux techniques clos et couverts qui ne sont accessibles que depuis la toiture terrasse sur laquelle ils sont édifiés et qui couvrent une emprise inférieure à cinquante pour cent de la superficie du niveau courant, c’est-à-dire de cette toiture-terrasse. 

45. Il ressort des pièces du dossier que conformément à l’avis de la commission de sécurité sur ce point, la tour 1 du projet des Tours Sisters a été considérée comme relevant de la catégorie d’immeuble de grande hauteur GHW2 au sens de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, dès lors que le plancher bas de son dernier niveau, à savoir le niveau D50, était situé à une hauteur de 198,50 mètres par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins de services publics de secours et de lutte contre l’incendie. Les requérantes soutiennent que les locaux techniques édifiés sur plusieurs étages sur la toiture terrasse du niveau D50 du projet constituent des niveaux au sens de l’article R. 122-2 du code de la construction. Elles en déduisent que, le plancher de ces locaux techniques étant situé à une hauteur supérieure à 200 mètres par rapport au niveau du sol, l’immeuble projeté devait être classé en catégorie ITGH, tel que cela est prévu par l’article R. 122-5 du même code, ce qui entraînait l’application d’une règlementation plus contraignante en matière de sécurité, qui n’a pas été appliquée en l’espèce. Toutefois, il ressort de ces mêmes pièces du dossier que les locaux ou groupes de locaux techniques clos et couverts en cause sont seulement accessibles depuis la toiture terrasse du niveau D50 et ne couvrent pas une emprise supérieure à cinquante pour cent de la superficie de cette toiture terrasse. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que la tour 1 relevait de la catégorie ITGH. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet n’a pas respecté la règlementation spécifique pour la construction des immeubles de très grande hauteur est inopérant et doit être écarté. Doit être écarté pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance de la règlementation spécifique concernant les immeubles de très grande hauteur recevant du public. 

 

 

Voir TA Cergy-Pontoise, 5 avril 2019, n° 1707510 :

 

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