A la base, face à la fronde de certains maires et d’une partie de la population, on peut avoir le sentiment que le Gouvernement et le juge administratif tiennent bon pour défendre le maintien du calendrier prévu en matière de glyphosate, des distances à venir à priori très courtes (3, 5 ou 10 m selon les recommandations de l’ANSES dans le cadre d’un projet de décret…) et, plus globalement, en matière de produits phytosanitaires.
Voir
SAUF que le vent tourne à l’évidence depuis quelques semaines :
- le TA de Nice a interdit la commercialisation de deux produits pesticides. Saisi par deux associations de protection et de défense de l’environnement et par l’union nationale de l’apiculture française, le tribunal administratif de Nice annule deux décisions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) autorisant la mise sur le marché français de deux pesticides produits par la société Dow Agrosciences. Le tribunal a estimé que le sulfoxaflor, qui entre dans la composition de ces pesticides et qui a pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes, était susceptible, en l’état des connaissances scientifiques, de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs. Par suite, eu égard à la dangerosité potentielle de ces pesticides relevant de la catégorie des sulfoximines sur les insectes pollinisateurs, le principe de précaution consacré notamment par l’article 5 de la Charte de l’environnement justifie leur interdiction de commercialisation. Voir : TA Nice, n°1704687, 1704689, 1705145, 1705146 du 29 novembre 2019
- depuis 2018, de toute manière, les commercialisations se restreignent (voir Suspension nationale de l’utilisation d’un important pesticide : début de la fin pour les molécules les plus toxiques (transition vers « le zéro phyto »)
- se créera ces jours ci (avec la LFSS 2020) un un Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides… qui indigne, par son mode de financement, la FNSEA
- l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) retire ces jours-ci du marché 36 produits à base de glyphosate. Voir : https://www.anses.fr/fr/content/l’anses-annonce-le-retrait-de-36-produits-à-base-de-glyphosate
- les distances d’épandage (voir Pesticides et habitations : lancement d’une consultation qui, loin d’apaiser les débats, les relance )… devraient être connues fin décembre 2019 avec sans doute des distances un peu au delà des fameux 3, 5 ou 10m recommandés par l’ANSES (voir ici sur Maire-Info : https://www.maire-info.com/environnement/distance-depandage-pesticides-gouvernement-donnera-sa-reponse-fin-decembre-article-23680)
- à deux exceptions (très singulières) près, depuis quelques mois, la majorité des jurisprudences donne une définition large de la notion de point d’eau, ce qui réduit d’autant les zones d’épandage de pesticides (voir Cours d’eau ou fossé… ? Pesticide ou pas pesticide ? La jurisprudence reste hésitante. )
- la Redevance pour pollution diffuse a été modifiée à compter de 2020 avec plutôt des durcissements dans le classement des substances (et donc dans les pénalités pesant sur les produit agricoles toxiques), surtout ceux qui sont substituables)
D’autres actions ont été engagées ces temps-ci, mais encore faut-il ne pas les planter :
En toile de fond, il y a certes une évolution de l’opinion, une préparation à la sortie du glyphosate, un contraste entre les pratiques agricoles et le « zéro-phyto » qui s’impose aux collectivités… mais il y a aussi la prise de conscience que le juge européen impose désormais la prise en compte des effets cocktails par le juge européen dans l’analyse des effets des pesticides. Plus précisément, s’impose la prise en compte des effets cumulés des composants des produits phytopharmaceutiques (Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt de grande chambre rendu le 1er octobre 2019 ; affaire n° C-616/17).
Donc, oui, le vent tourne… Mais cela va mettre du temps et, de fait, la profession agricole a besoin elle aussi de temps pour s’adapter (non pas à des distances d’épandage, cela n’est rien quoiqu’il en soit dit, mais pour s’adapter à la sortie du glyphosate et autres pesticides).