Il peut être légal de faire payer l’accès à une manifestation sur la voie publique, autrefois gratuite pour tous, aux seuls non résidents (« La manif pas pour tous » ?)

MISE A JOUR au 8 février 2023 (confirmation à hauteur d’appel) :
Fêtes de Bayonne : l’accès à une manifestation sur la voie publique peut devenir payant pour les non résidents (sans proportion avec le service rendu car il s’agit d’une taxe). 
NB ce que mon confrère Eric Pierre POITRASSON a plaisamment commenté d’un résumé : c’est « La manif pas pour tous ». 

I. Rappel des bases juridiques en ces domaines 

 

C’est un des grands principes qui régissent le droit des services publics  : les usagers doivent être traités sur un pied d’égalité, sans discrimination, s’ils dans la mesure où ils se trouvent dans des situations comparables au regard du service. Cette égalité des usagers est en premier lieu l’égalité d’accès aux services publics locaux. Cette égalité s’applique aussi en matière fiscale, mais avec un cadre différent et sans exigence de proposition au service rendu.

Mais certaines discriminations sont autorisées quand elles répondent à des différences de situation face au service : fixation des tarifs des tickets de restauration scolaire selon le quotient familial ou selon le lieu d’habitation et/ou de contribution… De même une commune a-t-elle pu fixer des tarifs distincts selon que les repas étaient, ou non, commandés avec une certaine avance.

Sources : CE Sect., 9 mars 1951, Soc. concerts du conservatoire, 92004 ; CE 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, Rec. p. 274 ; CE 20 novembre 1964 Nanterre, n° 57435 ; CE 9/3/98 Marignane, 158334 ; CE 26/7/96 Narbonne Libertés 89, 130363 ; CE 10/2/93 La Rochelle, n° 95863 ;  TA Versailles 10/4/98 Aussant c/ Sannois, n° 97654 ; CE 25/10/02, X c/ Orange,  n° 251161 ; CE, 3ème sous-section jugeant seule 23 octobre 2009, req. n° 329076… Sur les modulations tarifaires au quotient familial en cas de service public administratif facultatif, voir art. 147 loi n°98-657 du 29/7/98 ; CE, 20 janvier 1989, CCAS de la Rochelle, Rec. p. 8 ; CE, 18 mars 1994, Mme Dejonckeere, Rec. p. 762 et CE, 29 décembre 1997, Communes de Gennevilliers et de Nanterre, Rec. p. 499.

L’usage de la voirie, notamment des ponts, a souvent alimenté ces contentieux  (CE, 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n° 88032 ; CE, 16 février 1979, Comité d’action et de défense des intérêts de l’île d’Oléron, n° 03949 ; CE, 9 novembre 1992, Président du Gouvernement du Territoire de la Polynésie française et Président de l’Assemblée territoriale de la Polynésie française, n° 107469 ; CE, 10 juin 1998, Association pour la protection de l’environnement et le développement économique de l’île d’Oléron « Oléron environnement et développement » et autre, n° 178812; décision 2017-631 QPC du 24 mai 2017, NOR : CSCX1715509S).

Cela dit, en matière fiscale, le juge est parfois plus souple (pas de différence au service rendu ; plus grande acceptation de critères discriminants) :

Enfin, il est à souligner que selon l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, dans la limite de deux fois par an, soumettre au paiement d’un droit l’accès des personnes à certaines voies ou à certaines portions de voies ou à certains secteurs de la commune à l’occasion de manifestations culturelles organisées sur la voie publique, sous réserve de la desserte des immeubles riverains. »

 

II. L’affaire de Bayonne 

 

Une affaire concernant les fêtes de Bayonne l’illustre.

Par un arrêté du 25 mai 2018, le maire de Bayonne a décidé, pour la première fois, de rendre l’accès aux fêtes de Bayonne payant pour les non-résidents (à l’exception des deux premiers jours). Par une délibération du 7 juin 2018, le conseil municipal de Bayonne a fixé à 8 euros le tarif de ce droit d’accès, acquitté contre la remise d’un bracelet ; il a également autorisé le maire à signer les conventions de mandats avec les sociétés ou organismes en charge de la vente de ces bracelets.

Le tribunal administratif de Pau a statué le 29 septembre 2020 sur les recours dont il avait été saisi, tendant à l’annulation de cet arrêté et de cette délibération.

Concernant l’arrêté du 25 mai 2018, le tribunal a tout d’abord estimé que les fêtes de Bayonne revêtent le caractère d’une manifestation culturelle au sens de l’article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales. Cet article permet, pour le financement et la pérennisation de manifestations culturelles se déroulant sur la voie publique, de faire payer l’accès à certaines voies ou certains secteurs de la commune.

Le tribunal en a déduit que les fêtes de Bayonne, organisées du 25 au 30 juillet 2018, pouvaient légalement être soumises à l’instauration d’un tel droit d’accès, et jugé que celui-ci ne portait pas d’atteinte excessive à la liberté d’aller et venir, ni à la liberté de commerce et d’industrie et qu’il préservait, dans ses modalités de mise en oeuvre, la desserte des immeubles riverains.

En revanche, le tribunal a considéré que le principe d’égalité était méconnu, mais seulement en ce que la mise à disposition de bracelets gratuits ne bénéficiait qu’aux personnels permanents des établissements situés dans le périmètre soumis au droit d’accès, à l’exclusion des personnels temporaires (article 6 de l’arrêté).

En conséquence, le tribunal a annulé uniquement l’article 6 de l’arrêté du 25 mai 2018.

Concernant la délibération du 7 juin 2018, le tribunal a estimé que les élus avaient disposé d’une information suffisante, pour se prononcer en connaissance de cause sur le tarif du droit d’accès, fixé à 8 euros. Il a par ailleurs considéré que ce droit d’accès, qui constitue une taxe, et non une redevance, n’avait pas à être proportionné au service rendu, et pouvait se traduire par un tarif unique pour les trois derniers jours des fêtes de Bayonne.

En revanche, le tribunal a relevé d’office l’incompétence du conseil municipal pour autoriser le maire à signer des conventions de mandat avec des partenaires, rémunérés à la commission, en vue de la vente de bracelets d’accès. Le conseil municipal avait, en effet, déjà délégué sa compétence au maire pour signer de telles conventions, constitutives de marchés publics, par une délibération du 14 octobre 2014.

La délibération a donc été annulée, seulement en tant qu’elle autorisait le maire à signer ces conventions de mandat.

Voir TA Pau, 29 septembre 2020, n° 1801241,1801357

1801241 1801357