Par un arrêt M. A. c ministre des solidarités et de la santé en date du 15 octobre 2020 (req. n° 438488), le Conseil d’État a considéré qu’il appartient à l’autorité disciplinaire de prendre le cas échéant en compte l’état de santé d’un fonctionnaire de nature à altérer son discernement, dans le choix de la sanction disciplinaire qu’elle lui inflige.
En l’espèce, M. A…, administrateur civil, a publié, a, par un décret présidentiel du 6 janvier 2020, fait l’objet d’une sanction disciplinaire de révocation pour avoir publié, d’une part, trois articles, au cours de l’année 2015, sur un site internet, dans lesquels il a fait état de sa qualité d’administrateur civil et émis de vives critiques à l’encontre de l’administration et du Gouvernement et, d’autre part, sous pseudonyme sur un blog hébergé par le site Médiapart et sous son nom propre sur son blog personnel, un même article daté respectivement du 3 décembre 2017 et du 8 janvier 2019, dans lequel il formule de vives critiques à l’encontre du Président de la République.
Il lui a par ailleurs été reproché d’avoir, à la suite de sa prise de fonctions, en décembre 2017, de chargé de mission auprès du chef de service de la direction des ressources humaines des ministères chargés des affaires sociales, en qualité de référent pour le plan de continuité d’activité ministériel, publiquement dénigré l’action des ministères sociaux sur ce dossier et transmis, le 9 mars 2018, à un service extérieur à son ministère, des éléments confidentiels sur la situation administrative d’un agent.
Les griefs ne sont pas arrêté là puisqu’il lui a encore été reproché d’avoir, le 6 décembre 2018, adressé des courriels à un grand nombre d’agents de son ministère contenant de nombreuses critiques dirigées contre des responsables de la direction des ressources humaines des ministères sociaux, diffusé simultanément des vidéos sur son compte Facebook dans lesquelles il se présentait comme un gilet jaune et faisait état de sa qualité d’administrateur civil et de ses fonctions au sein des ministères sociaux, et d’avoir, le même jour, à l’heure du déjeuner, au restaurant administratif de son ministère, commis un acte d’atteinte à sa personne qu’il aurait ultérieurement qualifié de « signe de protestation », dans un courriel adressé à la direction des ressources humaines des ministères sociaux le 20 février 2019. Enfin, il a été reproché à M. A… d’avoir, dans ce même courriel du 20 février 2019, retranscrit un échange avec son médecin traitant contenant des injures à l’encontre du chef de service de la direction des ressources humaines des ministères sociaux et, plus généralement, de la fonction publique et des fonctionnaires.
Après avoir relevé que les faits commis avant le 22 avril 2016 étaient prescrits, le Conseil d’État, saisi d’un recours contre le décret de révocation, constate que ceux qui ont été commis postérieurement ne le sont pas et « constituent des violations des obligations de réserve, de discrétion professionnelle et de dignité auxquels sont tenus les fonctionnaires, particulièrement ceux relevant d’un corps tel que le corps des administrateurs civils auquel appartient M. A…. Par suite, ces manquements, dont l’exactitude matérielle n’est pas contestée, sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. »
Toutefois, ajoute la Haute Juridiction, « il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision d’admission en soins psychiatriques du 8 décembre 2018 et du rapport d’expertise établi le 18 septembre 2019 par un médecin psychiatre à l’attention de la commission de réforme ministérielle saisie afin de déterminer l’imputabilité au service de l’accident survenu le 6 décembre 2018, que l’état de détresse psychologique de M. A… avait justifié, après son passage à l’acte suicidaire, une hospitalisation sous contrainte en hôpital psychiatrique et la prescription continue d’arrêts de travail du 12 décembre 2018 au 3 septembre 2019. Selon le rapport d’expertise, M. A… serait atteint de troubles psychopathologiques sévères et de gravité confirmée, entraînant une altération importante du fonctionnement social et professionnel et ne permettant pas une reprise immédiate des fonctions. »
Dans ces conditions, conclut le Conseil d’État, « compte tenu de l’état de santé de M. A…, de nature à altérer son discernement, l’autorité disciplinaire, qui disposait d’un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l’encontre de M. A… une sanction hors de proportion avec les fautes commises. Par suite, […] M. A… est fondé à demander l’annulation du décret qu’il attaque. »
Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :