Le nouveau voisin n’a pas toujours un intérêt à contester le permis de construire délivré à côté de chez lui

En principe, le voisin immédiat d’une construction autorisée par un permis de construire dispose d’un intérêt suffisant pour contester celui-ci devant les juridictions administratives. C’est l’apport de la désormais célèbre jurisprudence “Bartolomei” de 2016 (CE, 13 avril 2016, Bartolomei, req., n° 389798).

De son côté,  l’article L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme précise que cet intérêt à agir s’apprécie à la date à laquelle la demande de permis a été affichée en mairie :

“Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire”.

Du coup, la jurisprudence Bartolomei peut-elle être invoquée par celui qui a acquis une parcelle voisine du projet contesté après l’affichage de la demande de permis en mairie ?

Dans une décision rendue le 13 décembre 2021, le Conseil d’Etat a refusé cette possibilité à une société devenue propriétaire d’un terrain sur l’ile de Saint-Barthélémy après que son voisin soit devenu titulaire d’un permis de construire.

Pour le Conseil d’Etat, l’article L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme s’oppose à ce que ce nouveau voisin puisse se voir reconnaître un intérêt à agir à l’encontre d’un permis délivré antérieurement à la naissance de son droit de propriété, sauf circonstances particulières :

“il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Ocean’s Dream Resort est devenue propriétaire d’un terrain voisin de la parcelle objet du permis de construire dont elle demande l’annulation postérieurement à sa délivrance à la société Almosnino. Si elle soutenait, d’une part, que son recours n’avait pour seul but que de mener à bien son propre projet et de préserver ses intérêts, à l’exclusion de toute intention malveillante, et, d’autre part, que la société Almosnino aurait entretenu la confusion en continuant à afficher sur son terrain des autorisations caduques ou retirées, la cour, par un arrêt qui est suffisamment motivé, n’a pas commis d’erreur de droit, ni d’erreur de qualification juridique des faits, en jugeant que ces circonstances ne sauraient avoir le caractère de circonstances particulières, au sens de l’article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme cité au point 2, justifiant que son intérêt pour agir contre le permis attaqué ne soit pas apprécié à la date d’affichage de la demande de permis de construire”.

Avant d’acheter un bien immobilier, il n’est donc pas inutile d’aller faire un tour en mairie pour voir si une demande de permis portant sur le terrain voisin n’a pas déjà été déposée car, si tel est le cas, il faudra garder à l’esprit qu’il sera très difficile de pouvoir contester le permis si celui-ci est délivré.

Ref. : CE, 13 décembre 2021, Société Océan’s Dream Resort, req., n° 450241. Pour lire l’arrêt, cliquer ici.