Eaux : le conseil départemental n’a plus de compétence générale…

Les départements (comme les régions) d’ailleurs ont perdu leur clause de compétence générale avec la fameuse loi Notre de 2015 (au sujet de laquelle je renvoie à l’ouvrage que j’ai rédigé à ce sujet, pour Territorial éditions).

Donc dans le domaine de l’eau, les départements ne peuvent agir :

  • soit au titre des quelques compétences qu’ils détiennent encore à titre résiduel :
    • interventions au titre de l’art. L. 1111-10 du CGCT y compris par convention en gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) — voir l’art. L. 562-8-1 du Code de l’environnement ; Pour la GEMAPI voir aussi le décret 2019-119 du 21 février 2019 ;
    • quelques interventions au titre des produits agricoles, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture au sens de l’art. L. 3232-1-2 du CGCT ;
    • aides en cas de catastrophe naturelle de l’art. L. 3232-1-3 du CGCT ;
    • intervention via des ATD ou SATESE à la faveur notamment du décret n° 2019-589 du 14 juin 2019 ;
    • compétence espaces naturels sensibles [ENS] des articles L. 142-1 à L. 142-13 du code de l’urbanisme ;
    • etc.
  • soit en vertu de textes spécifiques (cas de la Guadeloupe avec la loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 par exemple)
  • soit, pour l’alimentation en eau potable (AEP), au titre d’actions déjà engagées avant la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, dans le cadre des dispositions de l’article. L. 2224-7-1 du CGCT).

A défaut, la compétence départementale a disparu, y compris en cas de présence au sein d’un syndicat.

Ainsi, par un arrêt du 13 mai 2017 (Assemblée des départements de France, n° 406563, rec. T. p. 484), le Conseil d’Etat avait-il déjà posé que la perte de leurs compétences économiques pour un département entraînait de plein droit le retrait dudit département d’un syndicat mixte ouvert dont il était membre au titre de ces compétences économiques. Voir :

 

Aussi est-ce sans surprise (sauf à pouvoir s »inscrire dans un des dispositifs ci-avant énumérés ?) que, par un jugement du mardi 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la délibération par laquelle un département a créé une autorisation de programme et voté des crédits de paiement pour financer des études de maîtrise d’œuvre tendant à la définition d’un schéma directeur d’alimentation en eau potable et à la description technique et économique des travaux nécessaires à la réalisation d’un ouvrage de prise d’eau et d’une unité de traitement.

Saisi par une conseillère départementale, ce tribunal devait en effet se prononcer sur le fait de savoir si un département avait compétence pour engager des études de maîtrise d’œuvre tendant à la définition d’un schéma directeur d’alimentation en eau potable et à la description technique et économique des travaux nécessaires à la réalisation d’un ouvrage de prise d’eau et d’une unité de traitement.

Dans son jugement, le tribunal a tout d’abord rappelé que la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRE ») avait supprimé, dans un objectif de clarification des compétences des différentes collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la clause de compétence générale dont disposait jusque là le département. Il a ensuite rappelé que la compétence en matière de distribution publique de l’eau potable, d’élaboration du schéma de distribution d’eau potable et d’aménagement de bassin hydrographique appartenait au « bloc communal » (communes et EPCI).

Le tribunal en déduit que le département ne saurait, dès lors, tirer compétence de la seule notion de « solidarité territoriale » pour engager des études de maîtrise d’œuvre relatives à l’exploitation de ressources en eau.

Enfin, le tribunal rappelle que diverses procédures sont prévues par le code général des collectivités territoriales (CGCT) et par le code de l’environnement pour organiser les modalités d’une action commune, en qualité de chef de file (article L. 1111-9 du CGCT), pour permettre au département de contribuer au financement de tels projets (article L. 1111-10 du CGCT), pour apporter son assistance technique (article L. 3232-1-1 du CGCT) ou encore pour se substituer au « bloc communal », sous réserve de l’obtention d’une déclaration d’intérêt général ou d’urgence du préfet ou du ministre compétent (article L. 211-7 du code de l’environnement).

Constatant que le département concerné n’avait respecté aucune des conditions posées à la mise en œuvre de ces dispositifs définis par la loi, le tribunal en conclut que le département n’était pas compétent pour réaliser, seul, de telles études de maîtrise d’œuvre, dans un domaine (la gestion de la ressource en eau), dans lequel la loi ne lui confère pas compétence, et annule la délibération qui lui était soumise.

Source : TA Dijon, 14 décembre 2021, n°2100316